Développée à la fin du 18ème siècle par un médecin allemand, Samuel Hahnemann, l’homéopathie a toujours occupé une place à part dans l’arsenal thérapeutique.
Le principe même de l’homéopathie défie la médecine « allopathique ». Et pour cause : elle consiste à administrer, à des doses infinitésimales, une ou plusieurs substances qui, si elles étaient données à fortes doses à une personne en santé, provoqueraient des symptômes semblables à ceux de la maladie qu’on souhaite combattre. En somme, il s’agit de « soigner le mal par le mal ».
En Europe, les médicaments homéopathiques bénéficient d’une procédure d'autorisation ou d'enregistrement simplifiée. Contrairement aux médicaments allopathiques, ils n’ont pas besoin de faire la preuve de leur efficacité pour être approuvés. Ils doivent toutefois :
- s’abstenir de la revendication d’indications thérapeutiques,
- éviter toute forme pharmaceutique pouvant comporter un risque pour le patient (c’est-à-dire voie orale et externe exclusivement et degré de dilution garantissant l’innocuité).
En France, la Sécurité sociale rembourse les médicaments homéopathiques à hauteur de 30%. De nombreux pays font la même chose, notamment le Royaume-Uni, bien que ce remboursement soit régulièrement contesté par les sociétés savantes médicales (par exemple par l’Académie de médecine en France).
Au Canada, Santé Canada approuve régulièrement des médicaments homéopathiques qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité lors d’essais cliniques standardisés, mais dont l’innocuité est reconnue.
Malgré ces réticences, l’homéopathie reste l’une des médecines complémentaires les plus populaires dans les pays développés.
Des doutes sur la théorie homéopathique
Si l’homéopathie est si controversée dans le monde scientifique, c’est que son mode d’action est tout simplement… inexplicable. Du moins, il reste inexpliqué à ce jour.
Comme l’homéopathie repose sur l’administration de doses infinitésimales de la substance active, les remèdes sont obtenus par dilutions successives d’un produit de base (plantes, minéraux…). On utilise par exemple souvent une « teinture mère », qui est une macération initiale de plantes médicinales dans de l’alcool, que l’on dilue ensuite.
Mais voilà, à force de diluer la substance, il ne subsiste souvent plus aucune molécule active dans le remède homéopathique. Comment une substance qui n’est plus là peut-elle être active ? C’est là tout le débat autour de l’homéopathie, qui défie les lois connues de la physique et de la biologie.
Selon les laboratoires Boiron, le plus gros producteur mondial de produits homéopathiques,
« l’expérience empirique confirme que des dilutions au-delà des limites connues de la matière ont une activité biologique ou physique décelable, mesurable, reproductible. Les effets sont spécifiques à la substance diluée, alors même qu’il n’en subsiste parfois aucune trace moléculaire. »
La majorité des scientifiques réfutent toutefois ces hypothèses. Les essais cliniques peinent d’ailleurs à retrouver une efficacité « reproductible et mesurable ».
Une enquête scientifique difficile sur l’homéopathie
On l’a vu, le mode d’action de l’homéopathie n’est pas dicté par les lois physiques, chimiques et biologiques qui servent habituellement à étudier les médicaments ou les processus physiologiques.
Difficile, dans ces conditions, de mettre en place des essais cliniques rigoureux ou des études permettant de comprendre ce qui se passe avec un traitement homéopathique.
Il est par exemple impossible de développer des méthodes de mesures objectives (avec les outils de laboratoire traditionnels) pour démontrer l’effet d’une substance à des doses homéopathiques.
Pour résumer, si une dose inexistante de substance active agit sur les cellules et sur l’organisme, cela demande de revoir toute notre vision de la physique et de la chimie. Ce qui n’est pas facile d’un point de vue strictement scientifique !
Pour autant, plusieurs essais cliniques ont tenté de montrer une efficacité des traitements homéopathiques (contre placebo), avec des résultats contradictoires ou difficiles à interpréter.
Le bilan des essais cliniques sur l’homéopathie ? Plutôt négatif
Dans l’ensemble, les essais cliniques et les méta-analyses (analyses de plusieurs études) montrent que l'homéopathie ne fonctionnerait pas mieux qu'un placebo.
C’est notamment la conclusion d’une des méta-analyses les plus exhaustives sur le sujet, publiée en 2005 dans le journal The Lancet1 par Aijing Shang et ses collègues, de l'université de Berne.
Ceux-ci ont passé au crible 110 essais cliniques sur l’homéopathie et 110 essais cliniques équivalents menés avec des traitements conventionnels.
Ils ont remarqué que les petits essais cliniques, menés auprès de peu de patients, ont tendance à mettre en évidence des bénéfices que l’on ne voit pas dans des essais de plus grande envergure. Finalement, les chercheurs ont conclu que les remèdes homéopathiques n’avaient pas plus d’effet qu’un placebo.
D’autres méta-analyses, en revanche, montrent un effet positif de l’homéopathie, par exemple sur la diarrhée chez l’enfant. Certains défenseurs de l’homéopathie soulignent que les méta-analyses devraient porter sur une maladie en particulier, et non pas compiler des essais cliniques regroupant des symptômes et des traitements variés. Ils relèvent des biais méthodologiques dans les méta-analyses négatives, relançant constamment le débat.
De manière générale, les études menées sur l’homéopathie emploient des méthodologies variables, des protocoles plus ou moins rigoureux et un nombre de patients souvent faible, ce qui complique leur interprétation.
Un engouement important pour l’homéopathie malgré tout
Que les preuves scientifiques fassent défaut n’empêche pas l’homéopathie de se hisser en tête des médecines alternatives, surtout en Europe, mais aussi en Amérique du Nord.
En Europe, environ 125 millions de personnes auraient recours à ces remèdes chaque année. En France, l’exercice médical de l’homéopathie est reconnu depuis 1997 par le Conseil de l’Ordre des médecins. Un tiers des Français disent utiliser régulièrement des remèdes homéopathiques et plus de la moitié en ont déjà utilisé.
Au Québec, la formation en homéopathie n’est pas associée au cursus médical et se fait dans des instituts privés. Il existe peu de chiffres permettant d’évaluer l’ampleur de l’engouement nord-américain pour les granules, mais plus de la moitié des Canadiens utiliseraient chaque année des produits de santé naturels dont de l’homéopathie. Le marché nord-américain de l’homéopathie est en croissance constante depuis plusieurs années.
Au niveau mondial, la vente de ces médicaments représente des dizaines de milliards d’euros et le marché croit à toute vitesse, y compris dans les pays émergents comme l’Inde et le Brésil.
Homéopathie : en prendre ou pas ?
De nombreuses personnes trouvent en l’homéopathie un remède satisfaisant pour toutes sortes de maux. Les parents n’hésitent pas à en donner à leurs enfants, et le fait que la science ne mette pas en évidence d’effets clairs ne change rien aux bénéfices ressentis par les adeptes des petites pilules homéopathiques.
Que les bienfaits soient dus à un effet placebo ou à un effet physiologique mal défini n’a pas d’importance. L’homéopathie peut permettre de soulager certaines personnes, de diminuer la consommation de médicaments allopathiques et d’apporter une solution pour certains symptômes face auxquels la médecine moderne n’est pas efficace. Et c’est tant mieux !
De plus, bien que les effets indésirables potentiels de l’homéopathie ne soient pas très étudiés, une récente synthèse de 19 essais cliniques a conclu que ces traitements n’entrainaient pas de risques particuliers.
Cela étant, les maladies graves, infectieuses ou tumorales, ne peuvent pas et ne doivent pas être traitées par l’homéopathie seule. Aucun médecin homéopathe sérieux ne proposera un traitement exclusif à base d’homéopathie pour une pathologie pouvant mettre la vie en danger. L’homéopathie peut alors être un complément, mais elle n’est pas suffisante.
En 2009, l’Organisation mondiale de la santé a émis un communiqué à ce sujet, affirmant que l’homéopathie NE DOIT PAS être utilisée pour traiter les infections au VIH, le paludisme, la tuberculose et la diarrhée infantile (des maladies qui tuent chaque année des millions de personnes dans les pays en développement principalement).
Demandez donc toujours conseil à un médecin homéopathe avant d’opter pour l’homéopathie seule.
Sources :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3874951/
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12492603
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20367847
http://www.news-medical.net/news/20090823/WHO-recommends-against-using-homeopathic-treatments-for-HIV-TB-malaria-influenza-infant-diarrhea.aspx
http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2805%2967177-2/abstract
http://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc=lhomeopathie-est-ce-que-ca-marche