Interminable paroi
Ma grande force en montagne est que je ne souffre heureusement pas du tout du vertige ; vraiment aucune peur du vide, doublé d'un bon équilibre. Mais la force physique qu'il faut pour gravir les 1'000m et atteindre le refuge Carrel à 3'835m est inimaginable. J'avais beau être super prête physiquement, pleine de bonne volonté, je ne m'attendais pas à ça !
200 mètres sous la cabane, je me suis soudain retrouvée en état d'épuisement total, pendue au milieu d'une corde contre une paroi verticale où l'on ne peut pas poser les pieds... Et c'est à ce moment-là, en plus, que j'ai ressenti le palier (propre à chacun) d'altitude : des nausées et plus de force, ni dans les bras ni dans les jambes.
J'étais désespérée, je me voyais déjà abandonner, quand je me suis sentie subitement tractée, deux hommes aidaient mon guide à me hisser en haut de cette paroi !
Mais je n'étais pas très fière, le sommet m’est alors apparu inatteignable...
Et puis le miracle de la montagne a agi.
Après du repos à la cabane non gardiennée (notre groupe de huit avait cependant une cuisine et un dortoir à part), un bon plat de pâtes le soir, un peu de vin rouge, de bonnes discussions et de gros rires (le passage aux toilettes est une expérience en soi !!), et un somnifère, me voilà requinquée à 4h du matin quand le réveil sonne. Il paraîtrait même que je fus la seule des huit à avoir ronflé !! Qu'à cela ne tienne, au moins cela prouve que j'ai bien dormi.
Quelle récompense !
Les premières heures se grimpent à la lumière frontale, donc je me concentrais uniquement sur les deux mètres que je voyais devant moi, pas après pas, sans voir le vide et le reste à gravir... A un rythme lent (on est à plus de 4'000m), j'ai passé toutes les autres cordes sans problèmes, et avec mon guide (dont c'était la 33e ascension !), nous sommes arrivés les premiers des quatre cordées à 8h30 au sommet italien du Cervin !
Quelle récompense, quelle beauté que ce ciel immaculé avec un beau soleil à peine levé sur les cimes environnantes ! Que du bonheur.
J'avais juste oublié de mettre mon appareil à glycémie au chaud, si bien qu'il ne fonctionnait plus... Ma foi, il a fallu continuer « au radar », comme on dit...
«J'avais juste oublié de mettre mon appareil à glycémie au chaud, si bien qu'il ne fonctionnait plus... Ma foi, il a fallu continuer « au radar », comme on dit... »
La descente fut très longue et éprouvante, bien plus dangereuse que la montée puisque chaque pierre peut vous faire basculer ; heureusement qu'il y eut les nombreux rappels !
Peu avant de retrouver la cabane, je me suis à nouveau sentie mal. A ce moment-là, j’ai enfin pu contrôler ma glycémie : j'étais à 21,7 mm !! Ben oui, un peu d'adrénaline je pense, plus le cathéter que je devais changer, pas de miracle...
Mon guide, dont c'était le premier client diabétique, me dit paniqué : « Pas de problème, j'appelle l'hélicoptère ! » Je lui ai dit qu'il suffisait simplement de changer le cathéter, ce que j'ai dû cependant faire en pleine montagne dans un terrain hostile !
Quarante-cinq minutes plus tard j'étais au refuge à 6,3 mm ; tout allait bien.
Les dernières heures dans ces cailloux qui n'en finissaient pas furent infernales ; enfin à 15h30 nous étions en bas.
Fatiguée, mais heureuse, j'avais fini mes vacances en apothéose, avec, en plus, le sentiment d'avoir porté le diabète très haut.
Tania Volery
Un vrai tempérament
C’est sur les conseils d’Annick Vallotton de diabète vaud que Tania Volery a accepté de faire le récit de son ascension du Cervin. « Je n’ai jamais eu de problèmes à parler de mon diabète, explique-t-elle ; c’est pourquoi j’ai tout de suite adhéré à l’Association vaudoise des diabétiques dès le diagnostic posé. Très rapidement, j’ai rejoint le groupe des jeunes mamans où les échanges sont aussi ouverts qu’utiles ; la plupart d’entre elles sont devenues des amies ».
Le diabète à bras-le-corps
Mère de deux garçons de neuf ans et demi et douze ans et demi, enseignante d’allemand au Gymnase d'Yverdon à 80 %, un mari aux CFF, Tania est du genre dynamique et volubile, avec un rire oh combien communicatif. Un vrai tempérament, dirait-on, qui s’est traduit dans sa manière de prendre immédiatement son diabète à bras-le-corps : « J’ai tout de suite été insulino-dépendante lorsque, à plus 28 ans, j’ai appris que j’avais un diabète de type 1. Au début, j’ai utilisé un stylo, puis j’ai passé à la pompe à insuline car je souhaitais entamer une grossesse ».
Malgré son rapport en apparence léger à la maladie, elle ne cache pas que sa gestion au quotidien lui pèse parfois : « Il m’a fallu un an pour me faire à la pompe. De plus, j’ai horreur des piqûres et, aujourd’hui, le changement de mon cathéter reste un moment de stress, même si, avec les nouveaux appareils, c’est presque indolore. Mais on ne s’habitue pas », concède-t-elle.
Autant Tania peut paraître téméraire dans son rapport à la montagne, autant elle est circonspecte à l’égard des nouvelles technologies proposées aux diabétiques : « Je suis plutôt de l’ancienne école, notamment pour noter mes glycémies que je reporte toujours à la main sur une feuille de papier. Le patch sur le bras m’aurait bien séduite, mais je les trouve tout à fait inesthétiques ; de plus, ma peau ne supporte pas les colles et autres produits adhésifs. En revanche, je reconnais que la pompe à insuline est très adaptée à la pratique sportive : elle permet de gérer l’effort instantanément ; on n’est plus contraint d’anticiper : un vrai progrès ».
De son aventure au Cervin, Tania ne veut retenir que ce bonheur total d’être arrivée au bout de son rêve. Et, il est à parier que d’autres sommets la font déjà vibrer. Seul petit bémol dans cette affaire : le fait que son guide, qui accompagnait pour la première fois un diabétique, n’ait jamais reçu la moindre information sur la maladie. Or, elle n’est pas la seule diabétique à pratiquer la rando ou l’alpinisme. Peut-être serait-il judicieux que les guides de montagne suivent une petite formation sur la maladie afin de pouvoir réagir efficacement en cas de problèmes.
P.M.
https://archive.d-journal-romand.ch/articles/archive/tania-volery-a-atteint-cet-ete-le-sommet-du-cervin/?fbclid=IwAR1Sh9aYIxCEv5ekC2odIhTU1hBMQBY78F-h3BLft_ZM0s_F6667cQymHA8
Bonsoir Nadine,
Un beau témoignage et un réel plaisir de l'accompagner dans cette aventure.
Même avec le diabète de type 1, on peut faire des choses.
Bisous et douce soirée
Aimée