Médicaments phares pour lutter contre le cholestérol, les statines sont largement prescrites aujourd'hui, mais leurs effets secondaires ont suscité certaines polémiques. Quand recourir aux statines ? Quels sont les effets secondaires ? Toutes les statines se valent-elles ? Doctissimo répond à toutes vos questions.
Qu’est-ce qu’une statine ?
Les statines représentent la principale classe des médicaments hypolipémiants, c’est-à-dire, des médicaments utilisés pour réduire le cholestérol. Ils inhibent le fonctionnement de l’HMG Co A réductase, une enzyme qui contrôle la synthèse du cholestérol par les cellules hépatiques, en transformant l’hydroxy-methyl-coenzyme A en acide mévalonique, qui est le précurseur des stérols. La réduction de synthèse hépatique de cholestérol provoque une augmentation des récepteurs des LDL et l’extraction par le foie des LDL et VLDL circulant dans le plasma. Cela entraîne une diminution des fractions LDL et VLDL plasmatiques. On observe également une légère baisse des triglycérides et une petite augmentation des HDL.
La réduction du taux des LDL est dose dépendante avec les différentes statines. Avec les doses habituellement préconisées, la réduction varie entre 20 et 30 % de réduction mais peut atteindre 50 % avec les fortes doses des statines les plus puissantes comme l’atorvastatine1.
Quand recourir aux statines ?
Mesuré par une analyse de sang, l'excès de cholestérol (hypercholestérolémie) est un facteur de risque cardiovasculaire progressif et les valeurs limites pour instaurer un traitement ne sont pas à considérer comme des seuils absolus. Aujourd'hui, les recommandations de prise en charge préconisent de prendre en compte le patient dans son ensemble ainsi que le contexte clinique : âge, sexe, antécédents cardiovasculaires ou non, existence d’autres facteurs de risque cardiovasculaire comme tabagisme, abus d’alcool, diabète, surpoids… A partir de ces critères une évaluation du risque cardiovasculaire permet de déterminer les seuils de mauvais cholestérol (LDL-Cholestérol) à atteindre et la meilleure prise en charge pour y arriver : modification du mode de vie (alimentation, sport, sevrage tabagique...) associée ou non à un traitement hypolipémiant, le plus souvent une statine. Bien entendu, le choix du traitement repose également sur une discussion avec le patient pour se soumettre à un traitement de longue durée2.
Les statines sont-elles le premier traitement de l’hypercholestérolémie ?
On estime qu’un traitement doit toujours commencer par des mesures hygiéno-diététiques et en cas d’échec, leur associer un médicament, en commençant par des faibles doses. Les statines constituent la première ligne de traitement médicamenteux de l’hypercholestérolémie isolée, toujours accompagné des règles hygiéno-diététiques, c’est-à-dire, une activité physique régulière et surtout une alimentation de type méditerranéen.
En revanche, en cas d’intolérance ou de non réponse aux statines on aura recours à un autre traitement médicamenteux (ézétimibe ou cholestyramine). Par ailleurs, les hyperlipidémies secondaires (hypothyroïdie, syndrome néphrotique, insuffisance rénale, cholestase…) ou secondaire à une prise de médicaments (iatrogène), ne doivent pas être traitées par des hypolipémiants sans traiter la maladie en cause ou arrêter le traitement responsable si possible3.
Toutes les statines se valent-elles ?
Non, pas vraiment. Lorsqu’un médicament est justifié, la Haute Autorité de Santé recommande la pravastatine ou la simvastatine comme premier choix car ce sont les hypolipémiants les mieux évalués en termes de morts et d’accidents cardiovasculaires. Chez les patients à risque d’interaction médicamenteuse, le choix se portera sur la pravastatine. Par ailleurs, si un médicament n’est pas justifié ou le patient est mauvais répondant ou intolérant, il faut privilégier les mesures hygiéno-diététiques. Pour les patients n’ayant pas des antécédents cardiovasculaires, le traitement en prévention primaire se fera avec la pravastatine. Pour les patients ayant eu un accident cardiovasculaire, le traitement en prévention secondaire se fera avec la simvastatine car elle a démontré une diminution plus importante de la mortalité totale par rapport aux autres statines. Enfin, l’atrovastatine et la rusovastatine ne possèdent pas d’indication validée (AMM) en prévention secondaire2,3.
Les dosages de statines sont toujours les mêmes ?
Non. Le choix de la dose se fait en tenant compte du niveau initial du LDL-cholestérol du patient, du niveau initial du risque cardiovasculaire et de l’objectif visé. Cinq statines sont commercialisées en France : la fluvastatine, la pravastatine, la simvastatine, l’atorvastatine et la rosuvastatine. La posologie dépendra du niveau de risque cardiovasculaire et de l’objectif recherché (pourcentage de réduction du LDL-cholestérol). Elle peut être de 5, 10, 20, 40 ou 60 mg/j. La simvastatine et l’atrovastatine sont jugées comme les statines les plus efficientes3.
Quels sont les principaux effets secondaires des statines ?
Comme tout médicament, les statines ont des effets secondaires pouvant être graves, parfois mortels. C’est pour cette raison qu’il est toujours conseillé de commencer par les doses efficaces les plus faibles (voir notre article Statines: quels sont leurs effets secondaires ?).
Globalement, il existe des effets indésirables connus et suspectés. Les effets secondaires connus sont : atteintes musculaires (myalgies et rhabdomyolyses), atteintes hépatiques, risque de diabète. Les effets secondaires suspectés sont : maladies rénales, après 8 ans de traitement, fatigue physique, baisse de libido et impuissance, cancers (12 fois plus de cancer du sein chez les femmes et 2 fois plus de cancers de la prostate chez les hommes), pertes de mémoire,dépression, démence, Alzheimer et maladie de Parkinson, chez les sujets âgés, affections oculaires, notamment cataracte risque accru d’accident vasculaire cérébral (AVC). D’autres effets suspectés ont été signalés : vertiges, insomnie, rares atteintes des tendons, rares pancréatites, réactionscutanées…2,3.
Que faire en cas d’apparition de signes musculaires ?
Un document de la Haute autorité de santé daté de février 2017 souligne que parmi les effets indésirables des statines, des atteintes musculaires (myalgies et rhabdomyolyses) ont été observées sous ézétimibe seul ou associé à une statine chez 5 à 10 % des patients. Cependant, la HAS estime qu'il n'est pas recommandé de mesurer systématiquement la créatine phosphokinase (CK)chez les patients traités par hypolipémiants avant de débuter le traitement, sauf dans les situations à risque suivantes : douleurs musculaires préexistantes avec ou sans traitement avec un fibrate ou une statine, insuffisance rénalemodérée à sévère, hypothyroïdie, antécédents personnels ou familiaux de maladie musculaire génétique, abus d'alcool, âge supérieur à 70 ans, surtout s'il existe des facteurs de risque musculaires. Dans ces cas, si le taux de CK initial est plus de 5 fois supérieur à la normale, il est recommandé de ne pas instaurer un traitement médicamenteux et de contrôler à nouveau les enzymes musculaires. Pour les patients traités, il est recommandé d'arrêter le traitement et de contrôler le taux de CK toutes les 2 semaines. L’activité sportive est déconseillée 48 heures avant le dosage de CK car elle peut augmenter cette enzyme.
En général, les douleurs musculaires disparaissent 3 semaines environ après l’arrêt du traitement. Dans le cas contraire, il est conseillé de consulter un spécialiste.
Existe-t-il une controverse sur l’intérêt des statines ?
Oui, et en grande partie en raison des effets secondaires avérés ou supposés. Mais aussi en raison de la grande diversité d’études et des méthodologies utilisées. En effet, en dehors des études randomisées en double aveugle contre placebo considérées comme ayant une valeur forte, un nombre important d’études en ouvert, voire observationnelles sont répertoriées, ce qui provoque des controverses, y compris de la part d’experts. Dans la littérature médicale, les chiffres des effets secondaires et de l’efficacité des statines varient considérablement. Cela doit inciter les médecins à regarder de près les études et à choisir le traitement le plus adapté au cas par cas, dans un esprit pragmatique et en considérant le patient dans son ensemble ainsi que son contexte. Enfin, selon la revue Prescrire, "les essais ayant montré une diminution statistiquement significative de la mortalité totale grâce à une statine sont peu nombreux"2,3.
Existe-t-il des alternatives aux statines ?
Pour commencer et comme cela a été dit plus haut, un traitement médicamenteux hypolipémiant doit être précédé (et en cas d’échec, accompagné) de mesures hygiéno-diététiques. Pour les patients non répondeurs, intolérants ou traités par des médicaments incompatibles avec les statines, l’ézétimibe, voire la cholestyramine sont des options médicamenteuses alternatives3.
Qu’appelle-t-on les "statines naturelles" ?
Ce terme de "statines naturelles" est généralement donné à la levure de riz rouge. Dans un communiqué de 2013, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) précisait que la levure de riz rouge contient de la monacoline K, appelée également lovastatine, possédant les caractéristiques chimiques des médicaments de la famille des statines. A la suite des signalements d’effets indésirables susceptibles d’être liés à l’utilisation de ces compléments alimentaires à base de levure de riz rouge, les autorités sanitaires nationales s’étaient auto-saisies, en septembre 2012, de l’analyse des risques éventuels liés à leur consommation. Aujourd'hui, la consommation de ce complément alimentaire est déconseillée par l'ANSM en France depuis 2013 du fait de ses effets secondaires. Ainsi, l’ANSM recommande :
- De ne pas considérer les compléments alimentaires à base de levure de riz rouge comme une alternative à la prise en charge médicale de l’hypercholestérolémie. Celle-ci repose sur un un régime diététique adapté (visant à modifier le comportement nutritionnel), la pratique d’exercices physiques réguliers et si nécessaire un traitement médicamenteux. Dans tous les cas, il est recommandé aux personnes qui présentent une hypercholestérolémie de consulter leur médecin traitant avant d’utiliser un complément alimentaire à base de levure de riz rouge.
- De ne pas consommer de produits à base de levure de riz rouge s’ils bénéficient déjà d’un traitement par statine, du fait d’un risque de surdosage,
- De ne pas prendre le relais par un complément alimentaire à base de levure de riz rouge s’ils ont dû arrêter un traitement par statine, du fait de leurs effets indésirables identiques,
- De ne pas consommer de complément alimentaire à base de levure de riz rouge s’ils prennent d’autres médicaments qui peuvent interagir avec les statines, notamment les médicaments de la famille des fibrates4.
Ecrit par:
Dr Jesus Cardenas
Mis à jour le 29 juin 2017
Sources :
1 - Document de la Faculté de médecine Pierre et Marie Curie : Pharmacologie cardio-vasculaire – DCEM1, CHUPS, Jussieu.
2 - Revue Prescrire, 19 février 2013.
3 - Haute autorité de santé (HAS). Fiche mémo. Principales dyslipidémies : stratégies de prise en charge. Février 2017.
4 - ANSM. Compléments alimentaires à base de levure de riz rouge : mises en garde de l’ANSM – Point d’information. Document publié le 14 février 2013.