LA NEUROPATHIE GENITALE
1 - Généralités :
Les troubles génitaux concerneraient 50 % des hommes diabétiques et 30 % des femmes diabétiques. Ils sont d'origine multifactorielle et lorsqu'une origine neurologique peut être invoquée, elle fait appel à une atteinte du système nerveux autonome et des nerfs somatiques.
Au plan physiopathologique, plusieurs facteurs peuvent être impliqués dans l'impuissance du diabétique :
- des facteurs psychogènes : très souvent présents mais rarement seuls en cause,
- une origine endocrinienne : hypogonadisme ou hyperprolactinémie (classiquement exceptionnels),
- une origine artérielle,
- une fuite veineuse,
- des facteurs iatrogènes,
- un alcoolisme chronique,
- un déséquilibre glycémique qui peut entraîner une impuissance "fonctionnelle", réversible avec le retour à un équilibre glycémique correct,
- une origine neuropathique, dysautonomique ou somatique.
2 - Signes d'appel :
Chez la femme, l'interrogatoire peut retrouver la notion d'une baisse des sécrétions vaginales et d'une anorgasmie.
Chez l'homme, il peut s'agir d'une éjaculation rétrograde qui peut être perçue par le patient ou décelée par la mise en évidence de spermatozoïdes à l'examen des premières urines émises après un rapport sexuel et dont l'inconvénient essentiel réside dans l'infécondité. Il s'agit surtout d'une baisse des capacités sexuelles (troubles de l'érection).
Le bilan d'une impuissance ne doit être entrepris que s'il s'agit d'une véritable impuissance depuis au moins trois mois, si le patient est demandeur et motivé, si l'équilibre du diabète est satisfaisant (HbA1c ne dépassant pas 8%), et après avoir écarté un facteur iatrogène ou alcoolique.
3 - Données d'examen clinique :
- Des signes en faveur d'une insuffisance gonadique primitive ou secondaire ou d'une hyperprolactinémie doivent être éliminés.
- Une origine artérielle peut être évoquée devant des signes cliniques d'artériopathie dont le diagnostic sera confirmé par la pratique d'un doppler ou d'un echo-doppler.
- L'origine dysautonomique peut être soupçonnée lorsque les troubles de l'érection s'associent à une neurovessie de type vessie hypoactive, mais cette association n'est pas constante. Là encore la mise en évidence d'une NAC pourrait apporter un argument supplémentaire.
- Une neuropathie somatique peut être envisagée devant une hypotonie musculaire périnéale.
4 - Les tests de première intention :
La première étape devant une véritable impuissance consiste à
- réaliser une fenêtre thérapeutique vis à vis des médicaments suspects, en particulier des anti-hypertenseurs, des psychotropes, des fibrates, des anti-H2 et évidemment des anti-androgènes et des estrogènes,
- convaincre de l'arrêt de l'alcool ;
- améliorer l'équilibre glycémique : cette démarche permet parfois une régression des troubles ;
- écarter une anomalie hormonale par les dosages plasmatiques de la testostérone, l'estradiol, la FSH, la LH et la prolactine : une origine endocrinienne conduirait à une exploration complémentaire et un traitement spécifique encadrés par un endocrinologue.
Après cette étape, un traitement oral simple par alphabloquant, par exemple alfuzosine (Xatral ®, Urion ®) ou nicergoline (Sermion ®) en plusieurs prises quotidiennes et une prise supplémentaire précoïtale, peut être proposé.
5 - La place du référent :
En cas d'échec, le patient doit être adressé à un centre expérimenté dans la prise en charge des troubles sexuels chez les diabétiques. Alors deux stratégies peuvent être proposées :
a) Soit la prise en charge multidisciplinaire incluant le concours de diabétologues, de psychologues et d'un laboratoire d'explorations fonctionnelles neurovasculaires ;
On pourra recourir :
- soit à la pléthysmographie pénienne nocturne réalisée au minimum deux nuits consécutives,
- soit à la même technique mais diurne sous stimulation sexuelle visuelle,
La présence d'érections normales en nombre, durée et qualité permet d'éliminer toute organicité. La moindre anomalie orienterait fortement vers un mécanisme au moins partiellement organique.
L'apport d'un psychologue sensibilisé aux troubles sexuels est essentiel, pour repérer un facteur psychogène et en préciser le mécanisme, sans omettre la pathologie du couple.
Si l'impuissance apparaît d'origine organique ou mixte, un bilan non invasif doit être envisagé en première intention :
- bilan neurologique comportant :
* la recherche d'une origine dysautonomique : (neurovessie, NAC....),
* la recherche d'une neuropathie génitale somatique par des explorations neurophysiologiques périnéales (mentionnées au chapître précédent) complétées par un électromyogramme des corps caverneux et la détermination des seuils de sensibilité thermique et vibratoire sur le dos de la verge (16,17).
- bilan artériel par l'echodoppler qui explore la circulation aorto-iliaque et hypogastrique et mesure les vitesses circulatoires des artères caverneuses.
b) Soit d'emblée un test thérapeutique consistant en l'injection intra-caverneuse de prostaglandines PGE1 (Caverject® , Edex®), moxisylyte (Icavex®) ou de papavérine (hors AMM). Ce test ne permet pas formellement de rapporter les troubles à une étiologie précise, mais conduit à proposer au long cours un traitement par auto-injections. Ce traitement ne pourra toutefois être proposé que par une unité présentant une structure d'accueil et offrant les moyens d'un soutien psychothérapique et d'une décompression en urgence des corps caverneux en cas de priapisme. Compte tenu de ce risque, la posologie doit être progressivement croissante et prudente.
Les autres moyens thérapeutiques : les "pompes à vide" qui provoquent un afflux sanguin et une érection représentent une alternative sans riques aux auto injections intracaverneuses et à la prothèse pénienne qui est d'indication très limitée chez les diabétiques.
6 - Traitement
a) Traitement de l'impuissance :
Si l'impuissance est d'origine neuropathique, les agents vaso-actifs intra caverneux sont très souvent efficaces et la "pompe à vide" peut être essayée, avant d'envisager la prothèse pénienne.
Si l'origine est psychogène pure ou prédominante, une thérapie adaptée (psychothérapie, relaxation) ou des drogues psychotropes peuvent être proposées. Un traitement alpha-bloquant per os apporte souvent une aide. Un traitement vaso-actif intra caverneux peut être proposé à titre de "starter" pour lever une angoisse d'échec.
Si l'origine est artérielle, les vaso-actifs intra caverneux sont parfois efficaces. Les techniques de revascularisation chirurgicales sont réservées aux lésions proximales et aux atteintes distales rebelles aux injections intra caverneuses. En cas d'échec de ces techniques, la "pompe à vide" ou la prothèse peut être discutée.
La rééducation périnéale par un kinésithérapeute qualifié est indiquée en cas d'hypotonie périnéale. Elle permet de retrouver un fonctionnement périnéal correct, notamment des bulbocaverneux, par une récupération du schéma corporel. Elle utilise l'électrostimulation et le bio-feedback.
b) Les éjaculations rétrogrades peuvent bénéficier d'un traitement par un agoniste alpha-1 comme la midodrine (Gutron ®).
c) Chez la femme se plaignant de sécheresse vaginale et d'anorgasmie, l'application locale de crèmes oestrogéniques peut être proposée. La rééducation périnéale peut être également indiquée.
La prise en charge des troubles sexuels chez les diabétiques reste très délicate, à la fois au plan diagnostique et thérapeutique. Il faut insister sur la nécessité d'obtenir la motivation des patients pour un meilleur équilibre glycémique et s'appuyer sur la prise en charge du couple.
http://www.alfediam.org/magazine/alfediam-neurautonome.html