Le DDT, un insecticide très utilisé jusque dans les années 1970, pourrait augmenter le risque de développer la maladie d’Alzheimer. C’est en tout cas le résultat d’une étude états-unienne de petite taille. Reste à savoir si ce lien se confirmera à plus large échelle.
Synthétisé pour la première fois en 1874, le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), a été très utilisé comme insecticide, en particulier au cours de la seconde guerre mondiale. Les soldats le répandaient sur les murs pour combattre les insectes ravageurs porteurs de maladies infectieuses comme lepaludisme et le typhus. Des villes italiennes toutes entières ont d’ailleurs été aspergées dans ce but. Ces efforts ont porté leur fruit puisque le DDT a fortement contribué à l’éradication complète dupaludisme en Europe et en Amérique du Nord. En 1955, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a même débuté un programme mondial d’éradication de cette maladie parasitaire, basée principalement sur l’utilisation de ce pesticide.
Les propriétés insecticides du DDT ont été découvertes en 1939 par Paul Hermann Müller, qui a reçu à cet effet le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1948. © Benjah-bmm27, Wikimedia Commons, DP
Après la fin de la guerre, le DDT a largement été utilisé dans l’agriculture. Cependant, des doutes ont progressivement commencé à faire surface quant à son impact sur l’environnement et sur la santé. Dès 1962, la biologiste et auteur Rachel Carson publie le livre Silent Spring (Printemps silencieux) qui dénonce les effets destructeurs des insecticides, et en particulier du DDT, sur la faune et la flore. Elle remporta un franc succès et provoqua une prise de conscience du public. La communauté scientifique suit le mouvement et démontre peu à peu les méfaits du pesticide. Les doutes prennent de l’ampleur et le DDT est interdit dans la plupart des pays développés à partir des années 1970. Il a cependant fallut attendre 1984 pour que le Royaume-Uni suive le pas et le retire aussi du marché. Aujourd’hui, le DDT est toujours utilisé dans certaines régions du monde pour vaincre les moustiques porteurs de maladies mortelles.
Quatre fois plus de DDE dans le sang des malades d’Alzheimer
Le DDT n’a pourtant pas fini de faire parler de lui. Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Jama Neurology, une équipe de la Johnson Medical School à Piscataway (États-Unis) s’est penchée sur le lien entre une exposition au DDT et l’apparition d’Alzheimer, dont les causes sont encore mystérieuses. Leurs résultats incriminent l’insecticide dans le développement de cette maladie neurodégénérative. Ainsi, après Parkinson, le DDT augmenterait le risque d'Alzheimer.
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont comparé des échantillons de sang provenant de 86 patients souffrant d’Alzheimer avec ceux de 79 personnes saines. Plus précisément, ils ont mesuré le taux de dichlorodiphényldichloroéthylène (DDE), un composé issu du métabolisme du DDT qui reste stable de nombreuses années dans l’organisme. Leurs résultats font froid dans le dos : le taux sanguin de DDE est près de quatre fois plus important chez les malades. « Cette étude est une des premières à identifier un lien entre un pesticide et la maladie d’Alzheimer », indique Alan Levey, un des participants à l’étude.
Le DDT à l’origine des plaques séniles ?
Pour confirmer ces données, les auteurs ont examiné le cerveau de 11 patients décédés des suites de la maladie d’Alzheimer. Même chose : ils présentaient une forte concentration de DDE à la fois dans le système nerveux et dans le sang. Enfin, en exposant des cellules à du DDT ou à du DDE, les chercheurs ont observé une augmentation de la production de la bêta-amyloïde, la protéine responsable de la formation de plaques séniles retrouvées en abondance chez les personnes atteintes d’Alzheimer.
Selon les auteurs, ses résultats suggèrent que le DDT a contribué à l’apparition de la maladie d’Alzheimer, probablement en combinaison avec d’autres facteurs génétiques. Ils ont d’ailleurs remarqué que les candidats de l’expérience portant des mutations à risque avaient les symptômes les plus prononcés. Cependant, de nombreux experts dans le domaine se veulent prudents et considèrent que des études plus vastes sont nécessaires pour définitivement conclure à un lien entre le DDT et Alzheimer. « Si la connexion se confirme, le DDE pourrait être utilisé afin de diagnostiquer rapidement la maladie, conclut Jason Richardson, le principal auteur de ces travaux. C’est important car plus elle est dépistée tôt, plus la prise en charge du patient sera efficace. ».
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