II y a bien sûr les savons et gels antibactériens, mais aussi des lingettes, claviers et souris d'ordinateur, planches à découper, étuis pour téléphones portables, sprays... Leur objectif : la
chasse aux bactéries. Mais comment faisaient nos parents sans tout cet arsenal ?
« Nous vivons dans un monde où il y a plus de bactéries que d'humains, souligne le Dr Baudouin Byl, médecin hygiéniste à l'hôpital Erasme, à Bruxelles. Nous sommes couverts de bactéries, et
notre tube digestif en est, lui aussi, rempli. Nous attachons trop d'importance au risque de contamination bactérienne au domicile : ces produits antibactériens n'ont pas de sens ! Il y aura
toujours des bactéries dans nos maisons, parce que nous sommes nous-mêmes porteurs de bactéries. D'ailleurs, la plupart d'entre elles sont inoffensives, et font partie de notre équilibre
biologique. »
Eloge des mesures ordinaires
Quant aux bactéries pathogènes (porteuses de maladies), nul besoin de sortir l'artillerie lourde pour s'en débarrasser. « En principe, les mesures d'hygiène standard permettent d'éviter
qu'elles soient présentes dans notre environnement et qu'elles s'y disséminent. Mais la désinfection n'a rien à voir ici, insiste le Dr Byl. Une maison saine, ce n'est pas une maison
désinfectée. C'est une maison propre, aérée, et détergée au savon. Il est conseillé de contrôler le taux d'humidité, pour éviter la présence de moisissures, et de prendre des mesures pour
diminuer, autant que possible, la présence d'acariens... Les surfaces inanimées (sols, sanitaires...) n'ont pas besoin d'une désinfection. »
Par contre, l'hygiène alimentaire est très importante. « Les bactéries pathogènes entrent souvent chez nous... par la cuisine. Et là, souvent, on n'est pas assez vigilant. On sait que la
volaille, par exemple, est souvent à l'origine de gastroentérites. Nous oublions souvent que la viande crue peut parfois être porteuse de bactéries pathogènes. Si un instrument de cuisine a
servi à préparer un aliment cru, il devra être nettoyé avant de toucher un autre aliment ».
Et cela, surtout si cet autre aliment est déjà cuit, car il ne sera donc plus soumis à une température permettant de détruire les éventuelles bactéries pathogènes présentes.
Enfin, il y a l'hygiène de base. Les bactéries se transmettent essentiellement par les mains. « L'hygiène des mains, à la maison, c'est important. Il suffit de se les laver au savon et à l'eau,
rappelle le Dr Byl. Simple ? Oui, mais c'est pourtant là qu'on constate des manquements ! On doit se laver les mains avant de passer à table, après avoir été aux toilettes, etc. La désinfection
des mains, à de rares exceptions médicales près, n'a pas sa place à domicile. Les savons antibactériens ne sont donc pas utiles. »
Cas particuliers
Dans de rares cas, il sera toutefois nécessaire de faire davantage : cela concerne ceux dont le système immunitaire est fortement diminué. Fragilisés, ils devront être particulièrement
vigilants. « Il peut s'agir de patients atteints de certaines affections tumorales, accompagnées d'immunosuppression sévère liée à leur traitement, ou des personnes qui ont reçu une greffe
d'organe et prennent un traitement immunosuppresseur pour éviter le rejet de la greffe. Leur médecin leur donnera un certain nombre de consignes d'hygiène de vie, d'hygiène alimentaire, les
incitera à renforcer les mesures de prévention... ».
Des enjeux autres qu'hygiéniques
Y aurait-il aussi surabondance de produits ? La désinfection est souvent mise en avant comme l'atout de ces lingettes, savons pour les mains, produits pour le sol, la cuisine... « La mise sur
le marché de ces produits a induit une demande qui n'est pas fondée. Les messages publicitaires ont tendance à déformer la réalité. L'influence du marketing est certaine. Par ailleurs, une
crise médiatique comme la pandémie grippale a également généré une certaine confusion, qui fait que les gens se sont mis à acheter des solutions de désinfection, alors que cela n'a aucun
intérêt. D'autant que la plupart ignorent que ces solutions s'utilisent sur des mains déjà propres ! »
Double impact
Cette surenchère de produits aurait des conséquences indirectes sur notre santé. « On suppose, pour des raisons immunologiques complexes, que si on constate davantage d'allergies maintenant,
cela pourrait être dû au fait que nous sommes moins exposés à certains agents bactériens. Enfin, l'utilisation de ces produits n'est pas toujours anodine : plus on utilise des produits
sophistiqués, plus on multiplie les risques d'intolérances, d'allergies cutanées, etc. C'est encore un argument contre leur utilisation. »