Sur plus de 159 000 cas confirmés de CoVid-19 en France au 22 avril 2020, plus de 39 000 personnes sont considérées comme guéries. Mais guérison ne signifie pas absence de séquelles. “Quand on a eu une maladie, l’absence de séquelles est ce que l’on appelle une restitution ad integrum, c’est-à-dire qu’il n’y a absolument aucun changement avant et après la pathologie, explique le docteur Gérald Kierzek, médecin urgentiste et auteur du livre Coronavirus : comment se protéger ?. Mais on voit bien que même dans les formes minimes de CoVid-19, il peut y avoir des séquelles. ”
On estime que 80% des infections au SARS-CoV-2 sont des formes bénignes. Parmi les symptômes observés : une perte de goût (agueusie) et/ou de l’odorat (anosmie), qui peuvent perdurer. “Cela fait partie des séquelles fonctionnelles, qui sont temporaires - elles durent en général quelques semaines - mais qui nécessitent parfois de la rééducation avec un médecin ORL”, explique le médecin.
Autre conséquence handicapante d’une forme mineure de l’infection : la fatigue, aussi appelée asthénie. “Elle est un peu comparable à celle que l’on a quand on souffre du virus Epstein-Barr, le virus de la mononucléose. Les patients sont véritablement invalidés. ”
ATTAQUE VIRALE ET ORAGE CYTOKINIQUE
Les séquelles les plus lourdes sont observées chez les patients ayant développé une forme grave de CoVid-19. Et elles ne concernent pas seulement les poumons, comme on a pu le penser jusqu’alors : “Le coronavirus, comme tous les virus, attaque absolument tous les organes, explique le Dr Kierzek. Le CoVid-19 provoque une attaque virale, c’est-à-dire une attaque directe du virus qui peut atteindre le cœur, les vaisseaux, les poumons, le cerveau, avec autant de séquelles possibles. Ensuite, le système immunitaire réagit, s’emballe et crée une inflammation, c’est ce qu’on appelle l’orage cytokinique. Cette inflammation peut être à l’origine de myocardite, d’ encéphalite, du syndrome de détresse respiratoire aiguë, etc. ”
LES SÉQUELLES PULMONAIRES
Une vidéo en 3D réalisée par des chercheurs de l'hôpital universitaire George Washington aux Etats-Unis montre les dégâts à long terme du coronavirus sur les poumons. “Quand cette inflammation se réduit, elle laisse des cicatrices sur les poumons, explique le docteur Keith Mortman, chef du service de chirurgie thoracique qui a reçu le patient qui illustre la vidéo. Cela peut détériorer les capacités d'un patient à respirer dans le futur. ”
"Le poumon cicatrise donc sous forme de fibrose et fait perdre un certain pourcentage d’activités d’oxygénation du sang puisque le rôle d’échangeur gazeux ne peut plus se faire", précise le Dr Kierzek.
Mais les traitements utilisés en réanimation ont également leur rôle à jouer dans la survenue des séquelles pulmonaires : “La ventilation artificielle peut donner des séquelles, en particulier des barotraumatismes. Une partie des poumons peut éclater. ”
LES SÉQUELLES CARDIOVASCULAIRES
Une étude1 publiée fin mars dans la revue scientifique américaine JAMA Cardiology révèle que sur 416 patients hospitalisés à cause du CoVid-19, 82 avaient des lésions cardiaques, avec un taux de mortalité plus élevé. Dans une autre étude2 parue dans la revue, le cardiologue américain Mohammad Madjid explique : “Les leçons des précédentes épidémies de coronavirus et de grippe suggèrent que les infections virales peuvent déclencher des syndromes coronariens aigus, des arythmies ou des insuffisances cardiaques. ”
Et ce, que l’on ait des antécédents cardiovasculaires ou non : "La maladie à coronavirus de 2019 peut soit induire de nouvelles pathologies cardiaques ou exacerber des pathologies cardiovasculaires sous-jacentes", écrit-il. Interviewé par le magazine Healthline, il précise qu’ “une lésion du muscle cardiaque peut survenir chez tout patient, qu'il soit atteint ou non d'une maladie cardiaque, mais le risque est plus élevé chez ceux qui sont déjà atteints d'une maladie cardiaque".
A cela s’ajoute les effets des molécules antivirales testées sur les patients atteints de CoVid-19 : dans un communiqué3 paru le 30 mars, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) alerte sur les risques associés à la prise de médicaments à base de chloroquine et d’hydroxychloroquine, susceptibles d’entraîner des troubles du rythme cardiaque. Le Dr Kierzek mentionne également les risques des médicaments vasoconstricteurs utilisés en réanimation pour maintenir la tension artérielle, comme la noradrénaline : “Si les vaisseaux se resserrent trop, cela peut entraîner des nécroses au niveau des doigts de pieds, des mains, des bras, avec un risque d’amputation. ”
LES SÉQUELLES RÉNALES
Le coronavirus s’attaque aussi aux reins : si “la maladie rénale chronique apparaît comme un facteur de risque de gravité” du CoVid-19, “actuellement, en réanimation, plus de 20% des patients développent une insuffisance rénale”, explique à Medscape le professeur Stéphane Burtey, néphrologue à Marseille, qu’il y ait des antécédents de maladie rénale ou non.
Les traitements médicamenteux à l’essai pourraient là encore avoir des effets néfastes : le remdesivir est “connu pour sa néphrotoxicité, rappelle le Pr Burtey, il très difficile à utiliser chez les insuffisants rénaux. L’association lopinavir/ritonavir présente, elle, une petite toxicité rénale mais les premiers résultats ne semblent pas indiquer une grande efficacité. ” Prise à forte dose et pendant une longue durée, la chloroquine pourrait également être néphrotoxique, “mais cela ne correspond pas à ses conditions d’utilisation ici”.
“Nous allons nous intéresser avec les collègues aux patients sortis de réanimation qui gardent une insuffisance rénale, car il n’est pas impossible que certains d’entre eux gardent des séquelles”, conclut le médecin, qui conseille à ses confrères “de regarder le rein aussi bien au début de la pathologie quand les patients ont une atteinte peu sévère, qu’en phase aiguë de la maladie quand ils développent une protéinurie, de les surveiller et ne pas les lâcher dans la nature pour suivre ce qui se passe sur le plan néphrologique à long terme”.
LES SÉQUELLES NEUROLOGIQUES
Dernièrement, ce sont les manifestations neurologiques du CoVid-19 qui interrogent. La perte de goût et d’odorat pourrait en effet être le signe d’une attaque au cerveau, d’autant que plusieurs études4,5 ont mis en évidence des états de confusion et d’agitation, des douleurs neuropathiques et musculo-squelettiques, des crises convulsives, des syndromes de Guillain-Barré, ou encore des accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez les patients infectés. Pour l’heure, on ne sait pas si ces troubles sont durables.
Les drogues utilisées en réanimation peuvent également être à l’origine de séquelles neurologiques, “comme un delirium, des pertes de mémoire, une désorientation…” Dans ce cas, “elles sont assez réversibles, mais elles existent”, affirme le Dr Kierzek.
LES SÉQUELLES PSYCHOLOGIQUES
Enfin, les séquelles psychologiques ne sont pas à négliger. Outre la grande anxiété associée à la pandémie et aux mesures strictes prises pour tenter de l’enrayer, le CoVid-19 peut être à l’origine d’un syndrome de stress post-traumatique chez les personnes ayant fait face à l’épreuve de la réanimation. “Vous vous retrouvez pendant trois semaines avec une machine qui respire pour vous, vous êtes endormis, vous êtes paralysés avec des curares”, explique à l’AFP Bertrand Guidet, chef du service de médecine intensive réanimation à l'hôpital Saint-Antoine. C’est pourquoi dans certains cas les experts jugent la réanimation “déraisonnable”, et préconisent seulement des soins palliatifs.
Quel suivi ?
En fonction des séquelles de l’infection, les patients devront suivre une rééducation ou être appareillés, sur une période plus ou moins longue. “Par exemple en cas de séquelles pulmonaires, le patient doit suivre une rééducation pulmonaire qui consiste à souffler contre une pression, c’est-à-dire créer une pression d’expiration positive pour rouvrir les voies pulmonaires, détaille le Dr Kierzek. D’autres auront besoin d’exercices de rééducation neurologique en cas de lésions cérébrales. C’est tout l’enjeu de la médecine physique et de réadaptation (MPR) mais également des professionnels paramédicaux comme les kinésithérapeutes, les orthophonistes... Et parfois, ces séquelles seront définitives : certains nécessiteront de l’oxygène à domicile, d’autres auront besoin de médicaments pour tonifier le cœur en cas d’insuffisance cardiaque. ”
Ecrit par:
Morgane Garnier
Journaliste
Créé le 22 avril 2020
Sources :
1 - Shi S, Qin M, Shen B, et al. Association of Cardiac Injury With Mortality in Hospitalized Patients With COVID-19 in Wuhan, China. JAMA Cardiol. Published online March 25, 2020. doi:10.1001/jamacardio.2020.0950 ( accessible en ligne)
2 - Madjid M, Safavi-Naeini P, Solomon SD, Vardeny O. Potential Effects of Coronaviruses on the Cardiovascular System: A Review. JAMA Cardiol. Published online March 27, 2020. doi:10.1001/jamacardio.2020.1286 ( accessible en ligne)
3 - Plaquenil et Kaletra : les traitements testés pour soigner les patients COVID-19 ne doivent être utilisés qu’à l’hôpital - Point d'information. ANSM. 30 mars 2020 ( accessible en ligne)
4 - Mao L, Jin H, Wang M, et al. Neurologic Manifestations of Hospitalized Patients With Coronavirus Disease 2019 in Wuhan, China. JAMA Neurol. Published online April 10, 2020. doi:10.1001/jamaneurol.2020.1127 ( accessible en ligne)
5 - Neurologic Features in Severe SARS-CoV-2 Infection, The New England Journal of Medicine, Massachusetts Medical Society, Apr 15, 2020 ( accessible en ligne)
https://www.doctissimo.fr/sante/epidemie/coronavirus-chinois/sequelles-coronavirus#xtor=EPR-1-[news_spe]19700101[Coronavirus%20:%20quelles%20sont%20les%20s%C3%A9quelles%20du%20CoVid-19%20?]