A la criée de Boulogne-sur-mer et à celle de Dunkerque, les poissons se font rares en ce début du mois de juillet 2014. Pêcheurs et vendeurs de poissons sont inquiets. La rumeur court et les professionnels de la pêche s’inquiètent. Et les prix comment à monter. Très nettement.
Le début d’une pénurie de poissons ?
Même si on sait que c’est surtout en Méditerranée que 80% des stocks de poissons font l’objet d’une surpêche, et seulement 47% de ceux de l’Atlantique, on peut se poser des questions sur la réalité de ce chiffre pour la façade maritime française, et plus particulièrement pour la Manche et la Mer du Nord.
Sur les marchés Lille, les poissons de saison affichent des prix à la hausse :
- 9 € au lieu de 5 € pour le maquereau
- 10-12 euros € au lieu de 8 ou 9 € pour le carrelet
- 26 € au lieu de 20 € pour le rouget-barbet.
A Boulogne-sur-Mer dimanche 29 juin, les poissons vendus dans les aubettes (les cabanes bleues le long du port) ne présentaient que des produits de petites tailles.
La raison ? Il y aurait moins de poissons pêchés en ce moment.
Raréfaction du poisson, plusieurs explications sont possibles
- Des vacances pour le poisson… et les pêcheurs !
Juillet-août est la période creuse pour la pêche. Parce qu’il y a moins de poissons à ce moment de l’année. Et parce que beaucoup de pêcheurs sont en vacances.
- Un vide inquiétant quand même.
« Cette année, le manque de poissons est encore plus important que les autres années à cette période », témoigne un spécialiste du poisson de petits bateaux côtiers de Dunkerque. Il pointe 2 espèces pour lesquelles la pénurie est inquiétante à ses yeux : le bar et le rouget-barbet.
« Les ligneurs de Boulogne sont vraiment inquiets. La période creuse des mois de mai-juin se prolonge de façon inhabituelle. Le baraurait du déjà revenir « , explique-t-il.
Quant aux rouget-barbet, il note que les bateaux ne ramènent que des petits : « De quoi faire de la friture seulement ».
Or, même ses petits poissons sont vendables. Il est des pays où la friture de poissons est une spécialités culinaire très appréciée : en Espagne et en Italie. Tout part donc la-bas. « On se mord la queue en continuant à vendre ses petits poissons. Il faudrait les laisser en mer. Nous sommes dans un cercle vicieux descendant »,analyse-t-il.
Les professionnels de la pêche s’interrogent
Son ressenti est confirmé par Dominique Thomas, sous-directrice de la Coopérative Maritime Etaploise (CME). »C’est vrai que les prix ont augmenté depuis 3 à 4 semaines. Mais ils sont très fluctuants et il y a souvent un pic de prix à cette période. Il est difficile de tirer une tendance sur le long terme. Tout est au jour le jour », estime-t-elle.
Elle note cependant que les bateaux partis en Mer du Nord, plus précisément au sud de la Mer du Nord (54e parallèle) ne ramènent que quelques caisses seulement depuis le début de la première semaine de juillet. « D’habitude, il y a une coupure à la fin du printemps. Mais cette année, elle est particulièrement brutale et très nette », rapporte-t-elle sans cacher son étonnement et son inquiétude devant ce phénomène nouveau.
La pêche électrique et la senne danoise en cause ?
Les tentatives d’explications ne sont pour l’instant que des suppositions possibles, liées à des constats. Des constats tous en lien avec les formes de pêche industrielles que sont la senne danoise (ces longs filets dérivants) et la pêche électrique, surtout pratiquées par la flotte hollandaise :
« Depuis plusieurs mois, nous avons des bateaux qui se mettent derrière les bateaux hollandais qui pêchent les poissons plats à l’électricité. Normalement, il y a toujours des rejets ou des poissons qui échappent au filet. Là, il n’y a strictement rien. La mer est vierge après leur passage », raconte-t-elle. « On n’a jamais vu ça », s’inquiète Dominique Thomas. D’autant plus qu’il est toujours impossible d’avoir des études sur le sujet, pourtant promises par les Néerlandais.
Quant aux senneurs (bateaux qui pêchent avec des sennes danoises), « ils sont passés de 10 à 21 bateaux en Manche, avec des longueurs de plus en plus impressionnantes de 35 à 45 mètres », affirme-t-elle. Une abbération à ses yeux, dans un espace maritime beaucoup plus petit que la mer du Nord. Les professionnels français se battent pour faire diminuer la taille des engins de pêche
Les conséquences pour les autres poissons pourraient être « une raréfaction de la nourriture« .« A moins que les espèces ne se soient déplacées », suppose-t-elle encore.
Les interrogations n’ont toujours pas de réponses claires. Mais la menace d’une baisse de ressources est bien réelle !
Certains professionnels de la mer attachés à une pêche traditionnelle et durable admettent – à mot couvert – qu’il faudrait arrêter de pêcher en Mer du Nord et en Manche pendant 2 à 3 ans pour renouveler les ressources en poissons.
Une vraie utopie dans le contexte actuel où les règlements européens autour de la pêche durable, pourtant fraîchement votés par le Parlement européen en 2013 pour être applicable en 2014, n’en sont visiblement pas à quelques contradictions prêts !