Il y a vingt ans, les allergies alimentaires représentaient une simple curiosité en médecine, explique le Dr Xavier Van der Brempt, pneumo-allergologue. Aujourd'hui, elles sont devenues un
véritable fléau dans les pays développés. Les causes de cette rapide évolution ne sont toujours pas très claires et font encore l'objet d'hypothèses variées. « Les spécialistes considèrent
que ces manifestations concernent jusqu'à 8 % des enfants et 3 à 5 % des adultes. Chez les premiers, on repère essentiellement des allergies à l'oeuf, aux cacahuètes, au lait de vache, aux
céréales, aux fruits à coque (amandes, noisettes, noix, pistaches...), aux légumineuses (lentilles, pois chiches, petits pois, lupin, soja...), au poisson, etc.
Chez les aînés, les responsables les plus souvent incriminés sont les fruits et légumes (cerise, avocat, banane, céleri, kiwi, pomme, poire, prune, persil, fenouil, etc), les fruits à coque,
la cacahuète, les légumineuses, la farine de blé, l'oeuf, le poisson, les crustacés, le lait de vache, etc.
Les limites de l'autodiagnostic
Nous avons fréquemment tendance à autodiagnostiquer une allergie là où il y a souvent une « simple » intolérance. Dans le premier cas, notre système immunitaire réagit à une substance
inoffensive qu'il considère comme dangereuse. Il produit alors des anticorps de type IgE (immunoglobulines E) entraînant une réaction allergique. Ces anticorps sont décelables via une prise
de sang mais, si vous vous plaignez de manifestations bizarres après avoir plongé la main dans le bol de cacahuètes, le praticien ne va pas se limiter à cet examen.
Des symptomes variés
Une allergie alimentaire ne se traduit pas forcément par des désordres gastro-intestinaux. Les symptômes, déroutants, sont variables en fonction de l'âge. « Chez les enfants et les
adolescents, on observe de l'eczéma, des dermatites atopiques, de l'urticaire, de l'asthme et des troubles digestifs, note le Pr Anne-Denise Monneret-Vautrin, allergologue à l'Hôpital
universitaire de Nancy, en France. Chez les adultes, on repère plutôt des oedèmes du larynx, des gonflements du visage, des paupières et les lèvres, de l'urticaire, des gênes abdominales, de
la diarrhée, de l'asthme, des syncopes, des vertiges, une chute de tension... » Attention, plus on avance en âge, plus le risque de choc anaphylactique s'aggrave. Et une allergie alimentaire
peut apparaître la première fois à toute période de l'existence. « Voilà de bonnes raisons de consulter un spécialiste afin d'organiser un dépistage et ce, dès qu'il y a des signes
évocateurs, rappelle le Dr Van der Brempt. En allergologie alimentaire, les tests cutanés tiennent la première place. Ensuite, on prévoit des analyses de sang afin de confirmer, préciser,
chiffrer ou exclure une allergie. »
De nouveaux moyens diagnostiques
Les tests cutanés vont tenter d'identifier l'allergène. Des bandelettes contenant des produits allergisants sont appliqués sur le dos ou sur l'avant-bras et introduits, de manière indolore,
dans les couches superficielles de l'épiderme. Après quelques minutes, les éventuelles réactions, sous forme de papules, sont observées et analysées. « Je propose parfois au patient d'amener
de petits échantillons suspects, surtout s'il s'agit de mets moins courants, souligne le Pr Monneret-Vautrin. La prise de sang, elle, mesure les anticorps spécifiques de l'allergie (les IgE).
Nous disposons également de nouveaux moyens diagnostiques qui permettent d'établir une distinction entre une sensibilisation bénigne et une allergie sévère. Ils identifient les IgE
spécifiques dirigés contre les allergènes majeurs, et ce, grâce aux allergènes recombinants (ces derniers, fabriqués par génie génétique, sont moins chers et offrent une qualité constante).
Cette avancée scientifique offre la possibilité de différencier une sensibilisation bénigne d'un risque d'allergie sévère aux suites parfois graves. Ces tests permettent alors au praticien de
proposer une thérapie plus adéquate. Attention, néanmoins, ils ne sont pas encore valables pour tous les allergènes et les moyens diagnostiques à prévoir se déterminent encore au cas par
cas... »
La réintroduction orale
« Jusqu'à présent, l'unique traitement consistait à ne plus manger l'aliment responsable d'allergies, note le Pr Monneret-Vautrin. Hélas, on a remarqué qu'après un tel régime d'éviction, les
allergiques ne supportaient plus du tout l'allergène. » Les allergologues proposent désormais le « protocole de tolérance orale » ou les « essais de réintroduction orale ». «On donne de
minuscules quantités croissantes de l'allergène tous les jours et ce, sous surveillance médicale. Après 18 mois de ce protocole, on observe une guérison avec les allergies aux lait, oeufs,
farine de blé, poisson... Nous pensons qu'il sera bientôt possible de traiter également les allergies à l'arachide. »
Une réglementation plus stricte
Désormais, partout en Europe, les étiquetages des denrées alimentaires doivent mentionner la présence des 14 allergènes les plus fréquents (voir encadré). «Les références doivent être
mentionnées de manière claire pour le consommateur, explique Jean Pottier, expert en denrées alimentaires au Service public fédéral Santé publique. L'industriel ne peut pas se contenter
d'indiquer « céréales » ou « fruits à coque »: il doit indiquer exactement ceux qu'il a utilisés. S'il mentionne « lactosérum », il est obligé de préciser qu'il s'agit de lait. Enfin,
l'ensemble des ingrédients, y compris ceux présents en quantités infimes, est repris sur l'emballage. »
Noix, noten, nuts
En réalité, cet étiquetage n'est pas toujours complet et/ou figure en lettres minuscules. Les portions individuelles et les produits en vrac échappent encore à cette obligation. « Quant aux
mentions « Peut contenir des traces de... » ou « Fabriqué dans un atelier où on utilise... », elles empoisonnent le quotidien de l'allergique en mettant les industriels à l'abri », s'insurge
le Dr Van der Brempt. Sans oublier les problèmes de traduction, fréquemment observés : « Nuts » en anglais, c'est un fruit à coques qui se transforme souvent en « noten » dans la version
néerlandaise ou en « noix » en français... « Si vous êtes allergique aux amandes mais pas aux noix, vous pensez donc pouvoir grignoter sans crainte. Voici comment les crises d'allergie
surgissent parfois malgré toutes les précautions prises par le consommateur... »
Les aliments les plus allergènes
Céréales contenant du gluten (blé, seigle, orge, avoine, épeautre, kamut) et produits à base de ces céréales
Crustacés et produits à base de crustacés
îufs et produits à base d'oeufs
Poisson et produits à base de poisson
Arachides et produits à base d'arachides
Soja et produits à base de soja
Lait et produits à base de lait
Fruits à coque (amandes, noisettes, noix, noix de cajou, noix de pécan, noix du Brésil, pistaches, noix de Macadamia, etc.) et produits à base de fruits à coque
Céleri et produits à base de céleri
Moutarde et produits à base de moutarde
Graines de sésame et produits à base de sésame
Anhydride sulfureux et sulfites
Lupin et produits à base de lupin
Mollusques et produits à base de mollusques
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