Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
Depuis quelques années, l'huile de palme enflamme les débats : elle est accusée d'être mauvaise pour la santé, de se cacher dans nombre de produits alimentaires, de contribuer à la déforestation…Très récemment, la taxe dite "Nutella" a remis de l'huile sur le feu… Le Fond Français alimentation et santé1 fait le point sur les réels dangers de l'huile de palme.
Vrai
L'un des principaux arguments de la "taxe Nutella" est pour envoyer un signal "non à destination des consommateurs, mais à destination des industries agroalimentaires pour qu'elles substituent à ces huiles de nouvelles
compositions plus respectueuses de la santé humaine". Effectivement, la part des acides gras saturés est relativement élevée dans l'huile de palme puisqu'elle se situe aux alentours de 45-55 %,
contre une moyenne de 15 % dans les autres huiles (2-8 % dans l'huile de colza, 9-26 % dans l'huile d'olive, etc.). Or, ces acides gras saturés ont un effet hypercholestérolémiant
mais avec un effet modéré sur le "bon" cholestérol, le HDL.
Par ailleurs, elle est relativement pauvre en acides gras polyinsaturés (de "bons" acides gras comme les Oméga 3 et 6) avec une teneur comprise entre 9 et 12 % (contre 26 à 32 % dans
l'huile de colza par exemple).
Vrai
Les acides gras de l'huile de palme sont effectivement hypocholestérolémiants car ils sont constitués de chaînes longues. On retrouve également ces acides gras saturés à chaîne longue dans les
produits carnés. Si la viande, les charcuteries…
comportent effectivement plus ou moins d'acides gras saturés, ces aliments contiennent aussi d'autres nutriments (fer, minéraux, etc.). Néanmoins, leur consommation doit rester modérée : le fond mondial de recherche contre le
cancer recommande par exemple de ne pas dépasser 300 g de viande rouge par semaine.
Quant aux acides gras saturés des
produits laitiers, ces derniers sont reconnus pour ne pas être aussi nocifs que les autres. En effet, les acides gras saturés des produits laitiers sont à chaîne courte et ne causent pas
d'effet hypocholestérolémiant.
Vrai
Chaque année, la France importe 130 000 tonnes d'huile de palme : 80 % sont destinés à l'industrie agro-alimentaire, 19 % à l'oléochimie (bougies, cosmétiques, etc.) et 1 % aux biodiesels. Très prisée par les industriels, on la retrouve dans les biscuits/pâtisseries, les margarines, les pâtes à tartiner bien sûr, les pâtes feuilletées/brisées, les plats cuisinés…
Vrai et faux
Si elle est autant utilisée, c'est à cause de sa richesse en acides gras saturés qui lui confère sa caractéristique principale : cette graisse a la particularité d'être solide à température
constante. "Or, la texture de nombreux produits alimentaires (onctuosité, croquant, croustillant…) est en grande partie apportée par
les matières grasses, précise le Pr Bernard Guy-Grand, membre du comité d'administration du Fonds Français pour l'Alimentation. "Comme les acides gras saturés ont une très bonne résistance à l'oxydation et aux traitements thermiques, du coup, l'huile de palme ne rancit
pas".
Son faible coût contribue également à en faire un produit largement répandu dans l'industrie agro-alimentaire. Enfin, il est également possible de s'en servir en huile de friture mais ça n'est
pas le cas en France.
Faux
La consommation moyenne d'huile de palme des Français (basée sur les chiffres d'importation cités plus haut) est évaluée à 2 kg/personne/an, soit environ 2,7 g/jour. Or, d'après
les récentes
recommandations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail (Anses), les acides gras saturés doivent représenter 12 % de l'apport énergétique
total (soit environ 27 g/jour pour 2000 kcal). C'est-à-dire qu'au final, l'apport des acides gras saturés provenant de l'huile de palme ne représenteraient que 10 % des
apports totaux d'acides gras saturés.
Néanmoins, cela ne reste qu'une moyenne approximative à prendre donc avec des pincettes et à moduler en fonction des habitudes de consommation de chacun. Par exemple, les personnes qui consomment
beaucoup de produits manufacturés sont plus à même d'avoir une consommation plus importante d'acides gras saturés. "C'est l'excès qui
créé le risque : il est difficile de lier une consommation moyenne à une augmentation des risques cardiovasculaires… tempère le Pr Guy-Grand. Pour autant, ça n'est évidemment pas une raison de mettre de l'huile de palme partout évidemment !".
Vrai et faux
C'est en raison de sa richesse en acides gras saturés que l'huile de palme est notamment accusée d'accroître les risques cardiovasculaires. Pour le Pr Guy-Grand, "bien que l'huile de palme ait des composants préjudiciables à la santé (les acides gras saturés) et compte-tenu des niveaux de consommation, on ne peut pas dire qu'il y ait un problème de santé publique spécifique à l'huile de palme. Par ailleurs, il ne fait pas minorer l'excès de graisses animales, elles aussi très riches en acides gras saturés".
Vrai et faux
"A la base, l'huile de palme a été utilisée pour trouver une alternative aux huiles hydrogénées qui comportaient une forte concentration d'acides gras trans. Or, ces derniers sont connus pour avoir des effets désastreux sur la santé cardiovasculaire" explique le Pr Guy-Grand. En effet, l'hydrogénation est un moyen d'obtenir, à température ambiante, des graisses solides à partir de graisses liquides. Il en existe deux autres, le fractionnement et l'interestérification : ce dernier procédé ne présente pas réellement d'intérêt sanitaire dans la mesure où il aboutit à une teneur en acides gras saturés qui serait équivalente dans le cas où l'huile de palme serait utilisée. Dans son étude, le FFAS précise qu'il est "techniquement possible de répondre à la nécessité d'une "fonction solide" et à un objectif de stabilité par un choix approprié de matières premières (…). La combinaison de plusieurs procédés (hydrogénation, fractionnement et interestérification) permet de ne pas générer d'acides gras trans (Kellens, 1998 ; Van Dujin, 2000 ; Morin, 2007)".
En conclusion, le médecin précise qu'il est possible de "remplacer l'huile de palme lorsque les contraintes technologiques le permettent (résistance à la cuisson par exemple). Sinon, il faut recourir à son utilisation quand on ne peut pas faire aussi bien avec une autre huile".
Vrai
La plupart du temps, l'huile de palme n'est pas indiquée dans la liste des ingrédients. On la retrouve cachée dans l'appellation lacunaire d'"huiles et/ou matières grasses végétales". La réglementation actuelle n'oblige pas les producteurs à l'indiquer mais cela devrait évoluer d'ici 20141. En effet, il sera obligatoire d'énumérer les origines spécifiques en cas de mélanges avec des graisses végétales et en décembre 2016, d'indiquer l'information nutritionnelle dont les matières grasses et les acides gras saturés ainsi que le type d'hydrogénation (partielle ou totale). Néanmoins, les teneurs en acides gras trans ne seront plus indiquées.
Vrai et faux
Actuellement, on évalue la surface d'exploitation des palmiers à huile à 13 millions d'hectares, principalement en Indonésie/Malaisie. Ce sont d'ailleurs les principaux pays consommateurs (tout comme l'Inde, la Thaïlande, etc.). "Dans ces pays, l'huile de palme contribue fortement aux apports caloriques et a contribué à lutter contre la dénutrition" précise le Pr Guy-Grand.
Pour répondre à la demande croissante en matières grasses, les pays tropicaux et particulièrement ceux d'Asie du Sud-Est, se sont mis à largement exploiter leurs terres pour y planter des palmiers à huile. En effet, avec des coûts de production peu élevés et un rendement important, cette culture s'y est largement développée. Si les exploitations agroindustrielles sont majoritaires, il existe également des exploitations familiales.
Entre 1990 et 2005, on a comptabilisé 14 % de déforestation en Indonésie et en Malaisie, 20 % depuis 2005. Sur les surfaces "déforestées", 16 % seulement sont utilisées pour les palmiers à huile. "Les arguments développés sur la déforestation ne sont pas étayés par nos conclusions" nuance le Pr Guy-Grand.
Vrai
Suite à l'initiative de plusieurs acteurs impliqués une certification pour promouvoir une production durable d'huile de palme a été développée : Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO). Elle existe depuis 2008 et est basées sur 8 principes et 39 critères auxquels il faut répondre : cela comporte d'intensifier les plantations écologiques existantes, de conservation de la biodiversité, de respecter les communautés locales ainsi que la réglementation relative à l'acquisition des terres… "Il est de l'intérêt des producteurs locaux de les aider à mettre en place des certificats de durabilité".
Pour conclure, le Pr Guy-Grand plaide pour une "incorporation raisonnée dans les produits alimentaires selon des critères d'optimisation technologique et industrielle", ajoutant qu'il est "possible de tirer la filière vers le haut en exigeant des transformateurs le respect des normes existantes de durabilité".
Yamina Saïdj, le 23 novembre 2012
1 - Le Fonds français pour l'alimentation et la santé (FFAS) est une structure inédite et fédératrice qui a pour mission l'étude et la mise en valeur d'une alimentation source de plaisir et de
santé. Elle se compose autant d'industriels que de scientifiques.
2 - 0063:FR:PDF" target="_blank">Règlement UE n°
1169/2011 du 25/10/11
Source : L'huile de palme : aspects nutritionnels, sociaux et environnementaux - Etat des lieux du Fonds Français pour l'alimentation et la santé- Dossier et conférence de presse, 22 novembre 2012
Photo © Durand Florence/SIPA