Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
Les semelles orthopédiques, ou orthèses plantaires, ont d'abord été développées pour soulager les pieds douloureux ou compenser une inégalité de longueur des jambes. Depuis une dizaine d'années, elles sont de plus en plus conseillées dans le cadre de lombalgies, sciatiques, tendinites, arthrose des membres inférieurs...
Que faut-il penser de l'ensemble de ces prescriptions ? Pour le Pr François Rannou*, médecin rhumatologue et de rééducation, le port de semelles orthopédiques ne se justifie que dans des cas bien particuliers comme l'arthrose de genou ou les douleurs de l'avant-pied. Une assez bonne nouvelle finalement, compte tenu de leur coût.
Autant le dire tout suite, l'utilisation de semelles orthopédiques, aussi appelées orthèses plantaires, pour corriger la posture ou un déséquilibre biomécanique, par exemple en cas de "bascule du bassin", ne repose sur aucun fondement scientifique biomécanique.
Concernant plus particulièrement le mal de dos, une analyse1 portant sur l'ensemble des études
publiées jusqu'en 2010 concluait que les semelles orthopédiques ne permettent pas la prévention des douleurs dorsales. S'agissant de leur traitement, elle recommandait "de mener des essais de meilleure qualité". "Aucune étude sérieuse n'a jamais
pu démontrer les soi-disant vertus biomécaniques des semelles orthopédiques, confirme le Pr Rannou. Cependant, certaines personnes se disent soulagées... Peut-être est-ce l'effet
placebo".
Notons que d'autres, à l'inverse, voient leur douleur augmenter ou se déplacer. Selon une seconde méta-analyse2, il n'existe pas d’informations précises concernant les effets secondaires et les complications. Les effets indésirables rapportés sont une douleur du pied supplémentaire, une instabilité de la cheville et une irritation cutanée. Pour éviter de se blesser, il convient d'être particulièrement attentif en cas d'utilisation intensive, comme lors de la pratique sportive.
Pour le médecin rhumatologue, les semelles orthopédiques n'ont pas non plus d'intérêt en dessous de 12-14 ans, "sauf dans de rares exceptions où il existe une différence de longueur de plusieurs centimètres entre les deux jambes, de sévères malformations des pieds ou une maladie bien spécifique". Sachant que la voûte plantaire poursuit son développement jusqu'à l'adolescence, ces semelles pourraient au contraire générer des déséquilibres.
Le spécialiste se montre tout aussi prudent concernant leur utilisation chez la personne âgée : "Pour limiter le risque de chute, mieux vaut ne pas entraver le pied et opter pour des chaussures simples et légères".
"En France, le sujet est très mal enseigné durant les études de médecine, répond le Pr Rannou. Il existe beaucoup de croyances chez les patients mais aussi leurs généralistes et les podologues. Mieux vaut passer par un rhumatologue qui jugera de leur utilité, après avoir interrogé son patient et réalisé les examens appropriés".
Les principales indications des semelles orthopédiques sont l'arthrose du genou, les douleurs articulaires de l'avant-pied (orteils) et les pieds plats. Il faut souvent leur associer des séances de rééducation.
Concernant l'arthrose de hanche, rien n'a été démontré mais, selon le spécialiste, il pourrait sembler logique de conseiller des semelles amortissantes3 pour diminuer l'onde de choc du pas lors de la marche.
Des semelles orthopédiques peuvent également être prescrites pour compenser une inégalité de longueur des membres inférieurs, à condition qu'elle génère des douleurs et soit supérieure à deux centimètres ce qui, en pratique, est relativement rare.
Chez l'adulte, il existe deux types de pieds plats : les pieds plats "constitutionnels", lorsque la voûte plantaire ne s'est jamais formée, et les pieds plats "acquis", lorsqu'elle s'est affaissée suite à une maladie comme la polyarthrite rhumatoïde ou l'arthrose des pieds. Les semelles orthopédiques permettent alors de soutenir la voûte plantaire.
Dans ces deux indications, les semelles orthopédiques peuvent diminuer les douleurs mais ne corrigent pas le problème. Le Pr Rannou prévoit en plus des séances de rééducation pour renforcer la voûte plantaire et la musculature du pied. Une perte de poids peut aussi être recommandée si elle est justifiée.
Le Pr Rannou explique : "Il existe souvent des zones d'hyper-appui sur l'avant du pied et plus précisément les orteils. Elles entraînent des lésions de la peau et du tissu sous-cutané qui peuvent, à terme, abîmer les articulations." Les semelles orthopédiques permettent de rééquilibrer ces appuis. Comme pour les pieds plats, elles compensent mais ne corrigent pas.
En cas de douleurs, le spécialiste conseille toutefois de commencer par utiliser plus régulièrement des chaussures dans lesquelles le pied peut complètement s'étaler, ce qui n'est pas le cas des talons hauts qui le compriment sur l'avant : "Sans se les interdire, mieux vaut éviter de les porter tous les jours, tout le temps."
Les semelles orthopédiques (ou orthèses plantaires, ou orthoprothèses), sont fabriquées sur mesures par un podologue. Elles sont adaptées aux pieds mais aussi aux chaussures dans lesquelles elles seront portées, ce qui peut nécessiter d'avoir plusieurs paires. Leur durée de vie est d'environ un an.
Le coût du traitement peut très vite s'envoler car la Sécurité sociale n'accepte de rembourser qu'une seule paire chaque année (deux pour les moins de quinze ans), à 65 %, à condition qu'elle ait été prescrite par un médecin. Si l'ordonnance a moins de trois ans, le podologue est autorisé à la renouveler.
Cependant, le tarif "de responsabilité" sur lequel la Sécurité sociale base son remboursement est très faible : environ 27 € la paire de semelles orthopédiques. Le montant remboursé n'est donc que de 17,50 € alors que leur prix d'achat se situe plutôt entre 80 et 150 €... Les semelles "proprioceptives" ou fabriquées en séries ne sont pas prises en charge, de même que les talonnettes qui corrigent uniquement une inégalité de longueur des jambes4.
Les mutuelles acceptent souvent de rembourser 100 % du tarif de responsabilité. Certaines offrent davantage de garanties (100 % du coût réel, deuxième paire annuelle, forfait "petit appareillage"...). Pour faciliter les démarches, le podologue peut établir un devis.
Créé le 10 juin 2013
Sources :
*Entretien avec le Pr François Rannou, médecin rhumatologue et de rééducation, Service de rééducation et de réadaptation de l'appareil locomoteur et des pathologies du rachis de l'Hôpital Cochin (Paris, AP-HP), responsable de l'équipe Signalisation cellulaire et pharmacologie du
cartilage, unité Inserm U747 à l'Université Paris Descartes.
1. Sahar T et al. Semelles orthopédiques
pour la prévention et le traitement des douleurs dorsales, Cochrane Database of Systematic Reviews 2010, Issue 3. Art. No.: CD005275. Traduit en septembre 2012.
2. Hawke F et al. Semelles orthopédiques sur
mesure pour le traitement de la douleur du pied, Cochrane Database of Systematic Reviews 2008, Issue 7. Art. No.: CD006801. Traduit en mai 2012.
3. Les semelles amortissantes (Aptonia, Décathlon sorbothane, Kinépod, Noène, Sidas, ...) pourraient prévenir certaines douleurs, notamment en cas d'arthrose des membres inférieurs. Elles peuvent
être portées lors d'activités sportives ou dans la vie de tous les jours. On les trouve en magasins de sport pour 10 à 40 euros.
4. Amelie.fr pour les
pédicures-podologues, Liste des Produits et Prestations remboursables (LPP),
voir les orthoprothèses p. 422 sur le document
à télécharger actualisé en mai 2013.
Des liens pour en savoir plus
- L'Ordre national des pédicures-podologues (ONPP) pour son annuaire.
- Les
semelles orthopédiques controversées. Des scientifiques émettent des doutes sur l'intérêt pour le coureur à pied, V02.fr, janvier 2011.