Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
La flore intestinale, qui pèse jusqu’à 2 kg chez l’adulte, abrite 100'000 milliards de micro-organismes.
C’est l’organe dont tout le monde parle en ce moment. La star de nos entrailles. Depuis la publication du livre Le charme de nos intestins de Giulia Enders, le microbiote est à l’honneur. Il squatte les pages des magazines, on le voit à la télé. «C’est un peu l’organe à la mode, sourit Jacques Schrenzel, responsable du laboratoire de bactériologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Jusqu’à récemment, ces organismes vivant dans notre système digestif n’étaient que peu considérés par le corps médical, qui n’y voyait qu’un outil utile à la digestion des aliments.»
Mais les vues changent: la flore intestinale, qui pèse jusqu’à 2 kg chez l’adulte et abrite 100'000 milliards de micro-organismes, est désormais perçue comme un organe à part entière, qui, comme le foie ou les reins, peut être source de maladies. «Au départ, les scientifiques ont associé au microbiote des pathologies métaboliques, comme l’obésité, certaines formes de diabète ou d’autres affections de l’intestin telles les inflammations du côlon et la maladie de Crohn. C’est en effet assez logique que les bactéries intestinales jouent un rôle sur notre métabolisme, poursuit Jacques Schrenzel. Mais ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est que nous sommes en train de découvrir que ces micro-organismes pourraient également influencer notre cerveau et notamment participer au développement du parkinson, de l’alzheimer ou de l’autisme.»
L’intestin, un deuxième cerveau
Mardi 3 novembre 2015, une conférence intitulée «The effects of gut bacteria on the brain» s’est tenue au Campus Biotech à Genève, afin d’informer les spécialistes des dernières avancées dans le domaine. Mais revenons en arrière. Comment les chercheurs ont-ils mis en évidence un lien entre cerveau et microbiote? «En comparant des souris expérimentales dépourvues de flore intestinale, dites axéniques, à des rongeurs normaux», répond Jacques Schrenzel.
Dès 2004, une étude parue dans The Journal of Physiologymontre ainsi que les rongeurs sans microbiote intestinal présentent une hypersensibilité au stress. D’autres expériences sont venues, depuis, corroborer ces résultats. En 2011, par exemple, des données publiées dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) indiquent que des souris axéniques affichent un comportement altéré par rapport à leurs congénères «normaux». Une analyse de l’activité génique dans les cerveaux des deux groupes de rongeurs a mis en évidence des différences dans l’activité des gènes impliqués dans l’apprentissage, la mémoire et le contrôle moteur.
Si le microbiote influence notre comportement et l’expression des gènes, pourrait-il également être à l’origine de maladies neurologiques? «Nous commençons à disposer de données solides qui vont en ce sens, raconte Jacques Schrenzel. C’est vraiment passionnant. Tout un champ de recherche s’ouvre devant nous.»
Un intérêt thérapeutique?
Une étude parue en août 2015 dans la revue The Lancet a ainsi montré que les patients atteints de la maladie de Parkinson avaient souffert, près de vingt ans avant que ne se déclare la pathologie, de constipation importante et de troubles de l’odorat. «On retrouve les lésions caractéristiques de la maladie dans les nerfs de l’intestin, ainsi que dans le bulbe olfactif, bien avant que ces lésions n’apparaissent dans le système nerveux central, souligne Jacques Schrenzel. Il semble donc que la maladie débute en périphérie, dans deux endroits près desquels les aliments transitent, avant de remonter vers le cerveau. Comment? Pourquoi? Nul ne le sait.»
Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, des recherches en cours semblent indiquer que chez des souris prédisposées à développer la pathologie, l’absence de microbiote retarde l’apparition de symptômes. Le transfert chez ces rongeurs axéniques d’une flore saine repousse la maladie, alors que la transplantation d’une flore issue d’un animal malade accélère son déclenchement ou l’intensifie.
De quoi susciter des espoirs pour les patients. «Mais il est encore trop tôt pour évoquer la possibilité d’un traitement, tempère Jacques Schrenzel. Ces expériences ont été menées sur des souris et la situation s’avère plus complexe chez l’homme. Par ailleurs, nous ne connaissons rien des mécanismes en jeu. Ce n’est certainement pas une bonne bactérie qui protège ou une mauvaise qui déclenche la maladie. Il peut s’agir d’une réaction immunitaire de l’intestin, d’une modification de sa perméabilité ou d’autres choses. Nous devons comprendre les mécanismes avant d’essayer des transferts de microbiote sur des patients qui, en l’état de nos connaissances, pourraient se révéler bénéfiques, sans effet ou nuisibles.»
Jusqu’à présent, la transplantation des bactéries intestinales a donné des résultats intéressants, chez l’animal, pour le traitement de l’obésité ou pour prévenir certaines inflammations intestinales graves. Chez l’homme, elle est utilisée pour guérir les colites récidivantes, dues à une infection par la bactérie Clostridium difficile. (TDG)
(Créé: 09.11.2015, 10h41)
http://www.tdg.ch/news/standard/flore-intestinale-joue-mental/story/30391783