Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
Il n'est pas encore si loin le temps où les pommes avaient un parfum de pomme, où l'on distinguait sans peine une poire d'une rave et où les fraises n'étaient pas énormes mais savoureuses. Nostalgie du passé ou transformation de nos papilles ? Plus simplement, et c'est plus grave, les fruits n'ont plus de goût !
Ils sont pourtant si beaux, gros et bien réguliers, les fruits « modernes », bien plus qu'il y a vingt ans. De fait, ce n'est pas une contradiction, mais une explication. Les agronomes l'avouent : lorsqu'on sélectionne un caractère chez une plante, en créant une nouvelle variété, c'est toujours au détriment d'un autre. Nous voulions des fruits tape-à-l'oeil, ils nous les ont donnés. Les agriculteurs désiraient en produire beaucoup, c'est chose faite. Mais au passage, quelques chromosomes bien agréables ont dû se perdre. Dommage. Et puis, rendement oblige, plus on donne à l'arbre d'eau et de nourriture, c'est-à-dire d'engrais soluble, plus il produit de fruits. Mais au lieu de sucs parfumés, ils regorgent tout bonnement d'aqua simplex. C'est faire payer l'eau bien cher au consommateur !
L'intensification de la culture veut aussi que l'on ne fasse pas toujours pousser les arbres fruitiers là où ils donnent les meilleurs résultats gustatifs. La notion de « terroir », si importante pourtant lorsque les fruits de la vigne sont transformés en vin, a perdu sa valeur. On savait autrefois, par exemple, que les pommes étaient meilleures en montagne qu'en plaine. Mais qui peut aujourd'hui se permettre de s'en soucier ? Les lieux de grande culture industrielle sont davantage liés aux facilités de transport et de commercialisation qu'à la recherche d'une qualité organoleptique maximale. D'ailleurs nos fruits viennent aussi bien d'Espagne, d'Italie ou du Chili que de Belgique ou de France.
Verts ou dorés ?
Pour les transporter plus facilement, surtout les plus fragiles, et pour mieux les conserver, il existe un moyen très simple. C'est de les cueillir avant maturité. Pas verts quand même, mais pas vraiment mûrs non plus. Avez-vous déjà goûté des abricots dorés à point par le soleil, qui emplissent la bouche d'un nectar capiteux ? Eh bien au bout de quelques jours, ils sont tout mous et invendables... Donc on ne les trouve plus : tant que le client est d'accord, mieux vaut lui refiler ces boules dures qui ont à peine la couleur de l'abricot et encore moins la saveur, car elles possèdent le gros avantage de ne pas s'écraser et de durer plus longtemps. Pour avoir encore des Golden en juin, neuf mois après la récolte, il ne faut pas les cueillir lorsqu'elles sont devenues jaune franc avec une fesse rose - stade où elles peuvent prétendre à leur qualificatif de 'Delicious'. Même stockées en atmosphère contrôlée, elles ne se conserveraient que jusqu'au mois de mars.
A qui la faute ?
Le producteur cherche, c'est normal, à produire davantage - même si à l'heure actuelle la surabondance et le stockage excessif qu'elle provoque sont devenus un problème onéreux. Le distributeur souhaite commercialiser des produits de conservation facile et qui se vendent bien. On le comprend aisément. Et si le consommateur préfère privilégier l'aspect des fruits plutôt que leur saveur, c'est certainement son droit. Tout est donc pour le mieux dans le plus fade des mondes... sauf pour ceux qui aiment manger de bons fruits. Il leur reste toujours la solution de planter un bonsaï fruitier (ça existe !) sur un coin de leur balcon, ou d'aller à la cueillette des fraises des bois.Mais peut-être les temps changent-ils, car on rencontre parfois des étals où trônent des pommes à se pâmer, des poires à la chair juteuse et parfumée, de petites tomates-cerises autrement plus goûteuses que les rigides 'Roma' ou des abricots qui fondent dans la bouche. Après tout, les amateurs avertis de vin, pour qui la jouissance des papilles fait partie des plaisirs essentiels de la vie, sont de plus en plus nombreux. Alors pourquoi ne pas décider d'apprécier aussi nos fruits quotidiens ?
François Couplan organise des stages de découverte des plantes sauvages comestibles et médicinales. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur les plantes et la nature. Infos : www.couplan.com