Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
Les acrosyndromes vasculaires
Sémiologie médicale
CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
mis à jour le 19 février 2002
« Acro » signifie extrémité donc les acrosyndromes sont l'ensemble des manifestations pouvant concerner les extrémités (surtout mains et pieds mais aussi le nez, les oreilles…). Le membre supérieur, et surtout la main, peuvent être un pôle symptomatique intéressant (modification de la trophicité des téguments..). Il est donc indispensable de l'examiner.
Les acrosyndromes vasculaires sont définis comme l'ensemble des perturbations réversibles de la vasomotricité des extrémités (surtout la main) correspondant à des modifications de couleur et/ou chaleur des téguments.
On différencie 2 types d'acrosyndromes vasculaires :
• Paroxystiques :
- le phénomène de Raynaud
- l'érythermalgie
• Permanents :
- acrocyanose
- le livedo passif
- acrocholose
- les paumes rouges
• Dans le derme : plexus capillaires superficiels disposés en mailles de filet à partir desquels montent verticalement des artérioles qui se coudent en capillaires au niveau des papilles dermiques. Ensuite il y a drainage par des veinules et formation de plexus veinulaires sous-papillaires.
S’il y a vasodilatation au niveau des plexus veinulaires sous-papillaires, cela donne le livedo (avec un réseau bleuté en mailles de filet).
S’il y a vasodilatation au niveau de l'ensemble des veinules : aspect beaucoup plus bleuté, plus homogène : c’est l'acrocyanose.
La microcirculation cutanée correspond à des centaines de milliers d'unités fonctionnelles micro circulatoires constituée chacune d'une artériole afférente
(sang oxygéné) et un compartiment veineux reliés :
- soit par anastomose artério-veineuse,
- soit par une méta artériole avec les glomérules de Masson (récepteurs du tonus sympathique) de laquelle naissent des centaines de capillaires.
La couleur de la peau est sous la dépendance de la quantité de sang qui passe dans les capillaires (peau blanche : pas de sang; peau rouge : capillaire dilatés; peau bleue : veines dilatée).
La chaleur de la peau est sous la dépendance de la quantité de sang qui passe dans tout le réseau.
Seulement 15 à 20% du débit sanguin cutané passe dans les capillaires.
• La régulation de ce système se fait à 2 niveaux :
- système sympathique : sa stimulation entraîne une vasoconstriction artériolaire,
- régulation vasculaire (médiée par des récepteurs situés en distalité) : la stimulation des récepteurs alpha entraîne une vasoconstriction et celle des récepteurs bêta entraÎne une vasodilatation.
• Au niveau micro circulatoire, il existe 3 façons d'engendre des troubles :
- mécanisme physique : hypodébit artériel qui entraÎne un refroidissement et un blanchissement de la main. Origine embolique le plus souvent.
- variations du tonus sympathique : augmentation avec les bêta-bloquants (contre HTA) car il y a suppression de la régulation par les bêta-récepteurs donc il
n'y a plus que de la vasoconstriction (phénomène de Raynaud peut être déclenché par augmentation du spasme).
Le tonus sympathique peut être supprimé par sympathectomie (chirurgie), entraÎnant alors une vasodilatation artérielle.
- troubles hémodynamiques (liquide plus visqueux) par excès de GR, GB ou plaquettes dans les syndromes myéloprolifératifs ou par excès de protéines plasmatiques.
C’est l'acrosyndrome le plus décrit en médecine.
C’est un acrosyndrome vasculaire paroxystique.
Défini comme un accès aigu ischémique réversible en quelques minutes, déclenché par le froid surtout et par les émotions.
Comprend 3 phases :
- phase syncopale : une phalange ou doigts blancs pendant quelques secondes ou minutes.
- phase asphyxique : doigts bleus (stase veineuse).
- phase hyperhémique : doigts rouges et douloureux.
C’est un diagnostic clinique
Les patients parlent de « doigts morts ».
Ce syndrome est fréquent : 10% des femmes et 6% des hommes (3 femmes pour 2 hommes).
Il est accompagné de :
- douleurs pendant la phase blanche
- paresthésies, engourdissements
- brûlures pendant la troisième phase
- grande inquiétude la première fois.
2.2. Difficultés pour le diagnostic
- C’est un diagnostic d'interrogatoire, or les patients sont parfois très imprécis,
- Il existe des formes incomplètes, atypiques : forme cyanique pure (doigts bleus), absence de phase bleue et/ou rouge (dans 20% des cas),
- association à une acrocyanose permanente.
Questions à se poser :
- forme primitive ? C’est alors la maladie de Raynaud : forme la plus fréquente, bénigne et familiale. Les artères digitales et la micro circulation distale sont normales. Il n'y a un vasospasme exagéré que lors d'une exposition au froid.
- forme secondaire ? C est alors le syndrome de Raynaud qui est secondaire
soit à une pathologie artérielle,
soit à une modification du contenu,
soit à une modification du tonus vasculaire.
2.4.1. Généralités
Représente la majorité des phénomènes de Raynaud (95% des cas).
Elle est bénigne dans son expression et dans son évolution (ne se complique jamais).
Les seuls problèmes engendrés sont le préjudice esthétique et la difficulté de plonger les mains dans un congélateur pendant les courses.
Il n'y a pas de lésions organiques artérielles mais un vasospasme excessif lors de l'exposition au froid.
2.4.2. Critères d'Allen et Brown +++
Décrits en 1932 :
- survenue paroxystique lors de l'exposition au froid ou lors d'émotions,
- atteinte bilatérale et symétrique en général, au niveau des mains,
- absence de troubles trophiques et de nécrose,
- pouls radial et cubital présents,
- pas de maladie générale sous-jacente,
- recul évolutif de 2 ans.
Depuis ces critères ont évolués :
- recul évolutif de 6 à 8 ans,
- antécédents familiaux : prédisposition familiale, sachant que ça touche surtout les jeunes filles longilignes avant 40 ans,
- début avant 40 ans ++ (mais 27% des maladies de Raynaud débutent après 40 ans),
- topographie +++ : les 3 doigts médians et surtout pas les pouces,
- fille longiligne ou à l'occasion d'une perte de poids importante,
- manoeuvre d'Allen normale : évaluation de la circulation au niveau de la main.
Description de la manoeuvre d’Allen : compression des artères ulnaire et radiale, on demande au patient de faire des mouvements de doigts pour vider leurs veines, leur main devient alors toute blanche. Puis on lève une des deux compressions et on observe la recoloration : si pas de recoloration, l'artère est thrombosée; on teste aussi la perméabilité des artères palmaires : il y a thrombose si la paume homo latérale uniquement est recolorée; enfin, il y a thrombose d'une artère digitale lorsqu un seul doigt ne se recolore pas.
2.5.1. Définition
C est un phénomène de Raynaud qui est un symptôme d'une maladie générale ou loco-régionale sous-jacente.
Il est secondaire :
- soit à une atteinte de paroi artérielle : artérite,
- soit modification du tonus vasculaire artériel,
- soit modification du contenu (viscosité plasmatique ou sanguine).
2.5.2. Etiologies
• Modifications de la structure des parois :
- maladies de système comme le Lupus
- vascularites
• Modifications du tonus :
- médicaments comme les bêta-bloquants ou les dérivés de l'ergot de seigle (contre la migraine)
- causes endocriniennes
- hyperactivité sympathique comme dans le syndrome du canal carpien.
• Hyper viscosité :
- augmentation de la viscosité plasmatique
- augmentation de la viscosité sanguine : syndromes myéloprolifératifs.
2.5.3. Phénomène de Raynaud (PR) unilatéral
Quasiment toujours secondaire (99% des cas).
Cause locale ou régionale :
- syndrome du canal carpien (compression du sympathique au niveau du poignet d'où un vasospasme distal) ou traversée thoracique (même principe).
- maladie professionnelle :
. liée aux vibrations quand utilisation d'un marteau-piqueur qui entraînent un vasospasme et parfois des artérites,
. syndrome du marteau hypothénar (syndrome des carreleurs : anévrisme à l'origine de l'artère ulnaire ou cubitale).
- cause embolique ou tumorale.
2.5.4. Syndrome de Raynaud lié à une maladie générale
- Survenue tardive, plus de 40 ans (suspect)
- Topographie : les pouces sont touchés
- Touche autant les hommes que les femmes
- Troubles trophiques : nécroses pulpaires (petite zone noirâtre de l'extrémité à la pulpe du doigt, douloureux puis insensible, escarre qui ensuite tombe et cela laisse des cicatrices
déprimées)
- Absence d'un pouls, manoeuvre d'Allen anormale
- Symptômes généraux associés.
Diagnostic évident quand prise de médicament ou hémopathie connue.
Sinon, recherche d'arguments cliniques évocateurs de maladie générale.
Ensuite, intérêt de la capillaroscopie et de la biologie.
2.5.4.1. Capillaroscopie
Réalisée en routine, au microscope.
Visualisation des anses capillaires parallèles au rebord unguéal. Normalement les anses sont fines, 10 à 15 par mm, il n'y a pas d'oedème ou d'hémorragie péri-capillaire. Elles sont le plus
souvent rectilignes.
Signes pathologiques pour le diagnostic des maladies de système : raréfaction capillaire et aspect anormal avec des méga capillaires (très dilatés, parfois visibles l’oeil nu).
2.5.4.2. Biologie
- Facteurs anti-nucléaires : marqueurs biologiques des maladies de système
- Anticorps anti-centromères, anticorps anti-sc 170 : auto-anticorps de la sclérodermie
- Eliminer une hyper viscosité ou une pathologie thyroïdienne
=> PR le plus souvent bénin, familial
Moins de 5% des cas correspond à une maladie loco-régionale
Syndrome de Raynaud lié à une maladie générale : grave le plus souvent
Remarques :
- Sclérodermie qui donne des atteintes de la peau, surtout visage : peau très infiltrée, très fibreuse, cireuse, pas de rides sur le front, commissures effacées et petits plis radiaires autour
de la bouche avec une limitation de l'ouverture buccale.
- Dermatomyosite : érythème, oedème, sur l'ensemble du corps. Mains : éruptions en bandes sur les articulations. Paupières rouges et oedèmaciées.
- Lupus : éruption en forme de masque de loup sur le visage; anses capillaires très allongées.
3.1. Définition et généralités
Erythros : rouge
Melos : extrémité
Algos : douleur
L’érythermalgie se constitue donc de douleurs des extrémités (surtout les pieds, le plus souvent de façon bilatérale et symétrique) à type de brûlures, par crises déclenchées par la chaleur et les pieds sont rouges.
Elle s’oppose point par point au phénomène de Raynaud (il touche le plus souvent les mains, les doigts sont blancs et il est déclenché par l'exposition au
froid).
C est un phénomène relativement rare.
Après avoir posé le diagnostic, une question doit obligatoirement être posée :
- est-ce primitif ? Correspond alors à un trouble uniquement fonctionnel
- est-ce secondaire à une prise médicamenteuse ou à une maladie.
Quand l'érythermalgie est secondaire, il faut absolument penser à un syndrome myéloprolifératif +++.
Remarque : Un syndrome myéloprolifératif est défini par une production trop importante de la moelle par rapport au nombre de cellules sanguines mortes; la conséquence de cela étant que le sang est alors très visqueux et passe beaucoup moins bien dans les petits vaisseaux.
L’érythermalgie est constituée par une vasodilatation artériolaire très importante. Il y a donc une augmentation de la quantité de sang dans la micro circulation d'où une augmentation de la température cutanée (sensation de brûlure), ainsi qu’une augmentation de la quantité de sang dans les capillaires d'où une peau rouge et non plus rosée).
Exemple : patiente se plaignait de douleurs, surtout la nuit, au point de se lever pour marcher et ainsi calmer ses douleurs. On pense alors à un stade 3 de
l'artériopathie des membres inférieurs.
Or, ici, les pouls passaient et à l'interrogatoire elle nous précise qu elle ne se lève pas pour marcher mais pour rechercher le frais! (carrelage, eau froide).
Le froid entraînant une vasoconstriction diminue la quantité de sang et donc disparition des douleurs.
Il faut donc faire attention, car trop souvent les patients sont étiquetés ´artériopathie des membres inférieurs.
3.2. Diagnostic basé sur l'interrogatoire
Pas besoin d'examen complémentaire.
3.2.1. Critères majeurs
- Crises paroxystiques (douleur non permanente)
- Douleurs typiques (feu, brûlure, cuisson) qui peuvent être vraiment atroces (dans la littérature médicale on trouve des cas de suicide à cause de ces douleurs d'érythermalgie)
- Rougeur des territoires, pieds le plus souvent gonflés et qui transpirent.
3.2.2. Critères mineurs
- Facteurs déclenchants : chaleur, orthostatisme et exercice physique (dilatation car besoins en oxygène plus importants mais elle est trop importante et devient pathologique d'où des sensations de brûlures)
- Soulagement : froid, repos et surélévation pour diminuer l'apport de sang en distalité (contrairement à l'artériopathie des membres inférieurs)
- Augmentation de chaleur au niveau des extrémités
- Sensibilité à l'aspirine (important car les patients ont recours à l'automédication).
3.3. Diagnostics différentiels
- Phase de réchauffement des engelures
- Maladie des paumes rouges de Lane (érythème palmaire : pas chaud, pas douloureux, se voit dans yachtsmen… )
- Acrocholose (neuropathie) : sensation de brûlure permanente au niveau des pied et coloration normale
- Cellulite bactérienne : unilatérale le plus souvent
- Algodystrophie : trouble de la régulation sympathique suite à un traumatisme mais douleur que quand on appuie dessus et la peau est froide
- ARTERIOPATHIE : douleur car diminution de la perfusion donc moins de sang; ils se lèvent pour avoir du sang au niveau des pieds (inverse de l'érythermalgie)
- Neuropathies
- Acrodynies (mercure, arsenic) : disparues en France; existent encore au Japon (poissons intoxiqués) et dans les pays où il y a recherche d'or (car utilisation de mercure)
3.4. Syndrome myéloprolifératif
Donc pour une érythermalgie, il faut absolument :
- palper la rate (pour éventuellement trouver une splénomégalie),
- demander un hémogramme; certes, celui-ci sera normal dans 9 cas sur 10 car on est bien avant le début de la maladie donc il faut récupérer des hémogrammes antérieurs ou bien en faire 1 environ tous les 3 mois pour observer une éventuelle augmentation des GR, des GB ou des plaquettes. Attention, même si les chiffres sont toujours dans les normales, il faut se méfier de toute augmentation progressive.
- HTA, diabète
- Insuffisance veineuse +++ : journée debout ou assis donc le retour veineux se fait mal, le sang stagne en distalité et il y a une petite hypoxie tissulaire
locale. Quand se couche le soir, il y drainage et donc correction de cette hypoxie. Mais à un moment les tissus vont réclamer l'oxygène qui leur est dû et qu ils n'ont pas eu pendant la
journée; ceci va se faire par une vasodilatation artériolaire et on obtient donc un tableau d'érythermalgie.
Le traitement est ici la suppression de la stase sanguine par la marche ou des contensions élastiques.
- Médicaments comme les inhibiteurs calciques.
Pour conclure sur l'érythermalgie, n'oublions pas qu il s agit d'un diagnostic d'interrogatoire!!
4. Les acrosyndromes permanents
Touche 15 % des jeunes femmes, le plus souvent longilignes et parfois à l'occasion d'une perte de poids.
C est une dilatation majeure du secteur veinulaire d'où une stase dans ce secteur qui retentit en amont : stase dans les capillaires notamment (sang désaturé en oxygène) et gêne à l'écoulement. Il y a donc diminution de la quantité de sang qui arrive au niveau des téguments, les mains sont donc froides; le sang des capillaires qui est bien présent mais désaturé donne un aspect bleuté aux mains.
Aspect plus ou moins bleu, plus ou moins foncé, mains plus ou moins moites, hyperthyroïdie associée, et recoloration lente.
Il n'y a aucun bilan à faire dans l'immense majorité des cas! (sauf quand cela survient à l'âge adulte de façon brutale, mais c est très rare).
Les problèmes engendrés sont les suivants :
- préjudice esthétique
- hyper sudation : avant on faisait une sympathectomie, maintenant on fait des séances de kiné (mains dans 2 bacs d'eau avec un courant galvanique).
Le traitement est la protection contre le froid (ex : mettre ses mains chaudes dans des gants au préalable chauffés sur un radiateur).
C’est une sensation permanente de froid, le plus souvent au niveau des pieds.
Ne touche pratiquement que les femmes; très fréquent.
Objectivement, les pieds sont un peu froids et un peu pâles.
Il n'y a pas de bilan à faire; il faut juste vérifier les pouls.
Pas vraiment expliqué… peut-être due à une modification du tonus circulatoire du fait de l'imprégnation hormonale.
C’est une sensation permanente de brûlure mais sans modification de coloration.
Souvent problème neurologique (polynévrite).
Très fréquent. Cela correspond à une vasodilatation au niveau des plexus veinulaires sous papillaires; on a donc un aspect bleuté en mailles de filet.
Tous ces syndromes sont fréquents et le plus souvent non graves.
Mais, en général, les patients sont très gênés.
Une bonne analyse sémiologique est donc indispensable et les examens vasculaires et neurologique sont de la plus haute importance!!
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