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Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog

Les leucodystrophies, des maladies aux manifestations variées

Les leucodystrophies, des maladies aux manifestations variées

Maladies rares, neurodégénératives, d'origine génétique, les leucodystrophies se déclarent majoritairement dans l'enfance. Elles paralysent alors peu à peu toutes les fonctions et sont souvent fatales. En France, elles concernent environ une naissance sur cinq mille, soit trois à six par semaine.

Les leucodystrophies se manifestent de façon extrêmement variée ce qui, associé à leur rareté, retarde d'autant leur diagnostic. Évolutives, elles obligent les familles à revoir leurs priorités et constamment s'adapter. Heureusement, la recherche avance. Le point avec deux mamans et le Pr Odile Boespflug-Tanguy*, neuropédiatre et généticienne, coordinatrice nationale du centre de référence des leucodystrophies.

Les leucodystrophies, des maladies neurodégénératives aux manifestations variées

Leucodystrophie"Leucodystrophies" vient du grec "leukos" (blanc), "dys" (trouble) et "trophê" (nourriture). Le point commun de ces maladies génétiques rares, le plus souvent sans histoire familiale, est d'affecter la myéline, une "gaine" qui protège les fibres nerveuses dans la substance blanche du cerveau et de la moelle épinière. "Les leucodystrophies touchent un carrefour où passent toutes les informations nerveuses, précise le Pr Boespflug-Tanguy. Toutes les fonctions peuvent être atteintes entraînant des handicaps moteurs, sensoriels et cognitifs, des troubles des apprentissages et du comportement".

Les leucodystrophies sont regroupées en fonction des structures cellulaires affectées par l'anomalie génétique (péroxysomales, lysosomales, cavitaires, hypomyélinisantes...). Plus d'une vingtaine ont été caractérisées génétiquement. Les autres - environ 40 % - sont dites "indéterminées". Prises dans leur ensemble, elles concernent une naissance sur 5 000, soit trois à six par semaine en France. La leucodystrophie la plus fréquente - l'adrénoleucodystrophie (ou adrénomyéloneuropathie chez l'adulte) - touche moins de 1 000 personnes dans notre pays. Les plus rares moins d'une dizaine.

Les leucodystrophies peuvent survenir à tout âge. Certaines formes débutent dès la naissance et conduisent au décès en quelques jours seulement. D'autres surviennent chez le senior et évoluent en quelques années ou par paliers sur des dizaines d'années. Il existe presque autant de leucodystrophies que de personnes atteintes. La plupart apparaissent toutefois dans l'enfance.

Les leucodystrophies, un parcours semé d'embûches avant même le diagnostic

Bébé, Samuel ne présentait aucune particularité. "Le premier signe visible de ce "mauvais présage" était un périmètre crânien très élevé. Puis, Samuel a marché vers 1 an, de façon un peu particulière mais il restait dans les normes. Il avait 4 ans lorsque nous avons appris le nom de sa maladie : une leucodystrophie mégalencéphalique (MLC1). Les médecins pensaient qu'il ne survivrait pas", se souvient sa mère. Beaucoup de parents décrivent des enfants "normaux" qui se développent comme les autres et commencent par présenter des problèmes moteurs (position des pieds particulière à la marche, chutes fréquentes, maladresse...). Difficultés qui, au départ, n'inquiètent pas les médecins.

Chez Thibault, cependant, la leucodystrophie s'est d'abord manifestée par une surdité : "À 18 mois, il ne parlait pas, je le trouvais différent de son grand frère, explique Emmanuelle, sa maman. Nous avons découvert qu'il était sourd en maternelle puis qu'il voyait très mal un peu plus tard." Thibault avait 6 ans lorsque les tests génétiques ont permis de dépister la leucodystrophie à l'origine de ses troubles : un syndrome de Refsum infantile. Il avait déjà trois heures d'orthophonie et une heure de psychomotricité par semaine.

L'annonce d'une maladie grave est toujours un traumatisme, a fortiori lorsqu'elle concerne son enfant : "Nous étions totalement anéantis… Puis, bien obligés de reprendre la route pour le retour. Et pourquoi ne pas prendre le premier arbre venu ? Mais finalement, non. La vie vaut la peine d'être vécue", témoigne la maman de Samuel.

Évolutives, les leucodystrophies demandent de toujours s'adapter

Thibault voit son kinésithérapeute chaque semaine et a besoin d'étirements le matin pour se "dérouiller" mais, pour l'instant, ça ne le handicape pas et il est scolarisé en milieu ordinaire. Emmanuelle et son mari se battent pour qu'il ait les mêmes activités que les enfants de son âge malgré son handicap. La maman explique : "Il porte deux implants cochléaires qui limitent sa surdité, mais il voit très mal, pas au-delà d'un mètre, avec une pastille nette au centre et rien autour. Peu à peu, son champ de vision se rétrécit et nous savons qu'à terme, c'est la cécité." Au collège, Thibault utilise un ordinateur, une mini caméra et un micro porté par les professeurs. Il est aidé par une assistante de vie scolaire et voit un psychomotricien trois fois par semaine. En dehors des cours, il joue au badminton, fait du VTT, va à la piscine, prends des cours de batterie... L'approche de l'adolescence inquiète un peu Emmanuelle : "Thibault a du mal à suivre les conversations de ses camarades qui ne peuvent pas toujours tout répéter. Il le vit mal et va sans doute vivre quelques années difficiles." À 14 ans, Thibault rêve d'un emploi dans les travaux publics comme conducteur de machine.

D'abord peu perceptibles, les troubles de la marche se sont accentués chez Samuel qui, dès 6 ans, a dû utiliser un fauteuil roulant et entrer en établissement spécialisé. Aujourd'hui, à 25 ans, il est opérateur de saisie en milieu ordinaire. Une réussite dont il peut être fier car il est très fatigable et a beaucoup de mal à se concentrer. Il regrette toutefois de ne pas avoir pu passer son permis de conduire et vit toujours chez ses parents. Sa plus grande peine est de ne pas connaître de vie amoureuse. "Samuel a dû renoncer à beaucoup de choses, commente Cécile. Mais le plus difficile, finalement, c'est que le handicap n'est jamais installé. Du coup, on guette. Et dès qu'il a quelque chose, on s'interroge : est-ce la leucodystrophie qui progresse ? Une maladie bénigne mais qui va peut-être amplifier son handicap ?" Les familles doivent constamment s'adapter : à l'évolution des troubles moteurs et sensoriels qui nécessitent d'aménager l'habitation et de recourir à diverses aides techniques, mais également à l'évolution des troubles cognitifs et du comportement, souvent moins bien compris et plus difficiles à prendre en charge.

Ajouter de la vie aux jours* et profiter du moment présent

Certains enfants perdent en quelques années la marche qu'ils viennent d'acquérir, la station assise, la parole et tous leurs sens. Paralysés, condamnés à vivre allongés, en environnement stérile, ils peuvent être parfaitement conscients de leur état et souffrir physiquement (crises d'épilepsie, douleurs neurologiques, troubles digestifs...). Les parents sont parfois contraints d'abandonner toute activité, y compris professionnelle, pour s'en occuper.

Plutôt que de se morfondre, beaucoup de familles choisissent de profiter du moment présent. Cécile explique : "Samuel s'intéresse beaucoup aux autres et mène une vie très riche. Une énorme logistique est nécessaire en amont afin d'aller directement à l'essentiel le moment venu, par exemple pour s'assurer de l'accessibilité des hôtels lorsque nous voyageons. Au final, c'est rarement parfait mais on s'adapte". La famille relativise les moments difficiles. Et lorsque Samuel doit être hospitalisé sur Paris pour le suivi de la leucodystrophie, elle prévoit systématiquement de finir la journée par un spectacle ou un dîner chez des amis.

"La vie est ce qu'on veut bien en faire, résume Cécile. La seule chose qui me mine vraiment, c'est l'administration. Toute cette paperasserie pour avoir droit aux aides. Il faut constamment se justifier sur des points de détails, être convoqué et reconvoqué parce que notre enfant n'entre pas dans les cases. Tout est fait pour nous décourager." Pour trouver du soutien face aux difficultés quotidiennes et aux angoisses soulevées par la maladie, y compris ses implications génétiques (transmission, crainte de voir ses autres enfants atteints...), les familles se retrouvent sur Internet, notamment via les forums et réseaux sociaux, et lors de rencontres associatives. En France, et dans les pays frontaliers, l'association européenne contre les leucodystrophies (Ela) est la plus importante. Il ne s'agit pas de rester entre soi mais de sentir compris par d'autres qui connaissent le même type de difficultés.

Quels espoirs du côté de la recherche et des médicaments ?

Mis à part la greffe de moelle osseuse, lourde et possible uniquement chez les très jeunes enfants dans certaines leucodystrophies, il n'existe pas, actuellement, de traitement capable de guérir ou même ralentir la progression de ces maladies. Le Pr Boespflug-Tanguy* s'intéresse aux leucodystrophies depuis les années 80. À l'époque, les médecins ne comprenaient pas ce qui se passait au niveau du cerveau. Alors qu'ils peuvent désormais envisager des pistes thérapeutiques, cette spécialiste distingue trois grandes approches : "La thérapie génique concerne encore peu de maladies mais les techniques sont de plus en plus diversifiées. Parallèlement, nous trouvons en effet des moyens de ne toucher que les cellules ou tissus concernés, en l'occurrence les cellules gliales du cerveau. Plusieurs stratégies sont évaluées chez l'animal avec beaucoup d'espoir. La thérapie cellulaire permettrait quant à elle d'apporter des cellules capables de fabriquer de la myéline - ou de stimuler sa fabrication - aux endroits où elle manque. Il s'agit d'un gros challenge mais qui semble particulièrement intéressant sur le plan expérimental. Enfin, l'approche médicamenteuse pourrait empêcher les conséquences de la maladie. Il s'agit alors d'apporter des molécules qui protégeraient le cerveau du stress et l'aideraient à trouver suffisamment d'énergie. Les recherches sont particulièrement nombreuses dans ce domaine sachant que toutes les maladies neurodégénératives pourraient en bénéficier (sclérose en plaques, maladies d'Alzheimer et de Parkinson...). Certains régimes et cocktails d'antioxydants spécifiques sont d'ailleurs déjà utilisés. Ces nouveaux médicaments seront très importants dans les dix ans qui viennent".

Audrey Plessis

Créé le 25 juin 2013

Sources :

Interviews réalisées en mai 2013 :

- Le Pr Odile Boespflug-Tanguy est neuropédiatre à l'hôpital Robert-Debré (Paris, AP-HP), professeur de génétique médicale (Université Denis-Diderot - Paris 7), coordinatrice nationale duCentre de référence des leucodystrophies Tél : 01 40 03 40 20 (secrétariat), Email : marie-louise.vendeville@rdb.aphp.fr (infirmière coordonnatrice).
* "Lorsqu'on ne peut plus ajouter de jours à la vie, il faut ajouter de la vie aux jours", Pr Jean Bernard, médecin et académicien français (1907-2006). La phrase est reprise par l'association européenne contre les leucodystrophies (Ela) pour encourager les familles.

ELA, Association Européenne contre les Leucodystrophies

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