Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
Le vécu du diabète de type 2
L'annonce du diabète de type 2
L'annonce d'un diabète de type 2 a rarement les répercussions psychologiques de l'annonce d'un diabète de type 1, ceci pour plusieurs raisons :
Absence de symptômes
Il n'y a généralement pas à ce moment de symptômes de maladie, et la découverte, souvent fortuite, d'une glycémie élevée est souvent simplement perçue comme un chiffre anormal sur une feuille de
résultats de laboratoire, et non comme un processus conduisant à des conséquences graves.
Il n'est d'ailleurs pas rare de constater que dans l'esprit du public «Avoir du sucre» et «Avoir du diabète», ce n'est pas la même chose : «J'ai du sucre depuis une vingtaine d'années, mais du
diabète seulement depuis trois ou quatre ans» comme si «Avoir du sucre» était une particularité biologique, et «Avoir du diabète» une maladie de par la présence de symptômes.
Dans le même ordre d'idée, la phrase «Il paraît que j'ai du diabète» qui est initialement beaucoup plus fréquemment utilisée que la phrase «J'ai du diabète» est probablement significative de
l'absence de conviction d'être atteint d'un processus conduisant à des conséquences graves.
Diabète dans la famille
Assez souvent il y a d'autres cas de diabète dans la famille, et si ces personnes connues comme diabétiques n'ont pas, ou n'avaient pas eu, de conséquences graves du diabète, l'annonce de la
découverte du diabète est perçue comme étant «dans la logique des choses de l'hérédité».
Age
Le diabète de type 2 est généralement découvert aux alentours de la cinquantaine, c'est-à-dire à un âge où le vécu psychologique des aléas de la vie se fait souvent avec moins d'acuité
douloureuse que chez l'adulte jeune.
Excès de poids
Pour beaucoup, diabète de la cinquantaine ou diabète gras sont synonymes d'excès alimentaires qu'il suffira de modérer en fréquence ou en abondance pour faire disparaître l'anomalie. D'autre
part, en cas d'existence d'un excès de poids, la nécessité de devoir modifier son alimentation avait souvent déjà été antérieurement envisagée.
Environnement
La personne à qui on annonce la découverte d'un diabète de type 2 a souvent des amis ou des collègues de travail de même âge, ayant aussi un diabète gras, qui ne s'en portent apparemment pas plus
mal même en ne respectant pas les conseils hygiénodiététiques donnés par leur médecin.
Pas de nécessité d'insuline dans l'immédiat
Très souvent dans l'esprit du public, un diabète qui ne nécessite pas d'injections d'insuline est un diabète beaucoup moins grave qu'un diabète nécessitant des injections d'insuline.
Ou même, le mot diabète évoque uniquement deux situations, soit une non-maladie (particularité biologique), soit une maladie qui se traite parfaitement par de l'insuline, sans intermédiaire entre
les deux, ni même conscience que la première situation peut conduire aux mêmes complications que la seconde bien avant que l'insuline soit nécessaire.
Par contre, la perception des choses devient différente lorsqu'un parent ou un ami, également «diabétique aux comprimés», a eu une amputation du pied, est devenu aveugle ou doit subir trois
séances de dialyse par semaine.
Le diabète de type 2 est souvent perçu comme une non-maladie |
Le diabète de type 2 qui échappe au traitement
oral maximum
Le vécu psychologique est différent lorsqu'après un certain temps de traitement par des comprimés, un traitement par l'insuline devient nécessaire pour obtenir un contrôle glycémique
satisfaisant.
Il n'y a pas déni de l'évolution du diabète, ni révolte vis-à-vis de cette évolution, car le diabète existe depuis de nombreuses années et le plus souvent la dégradation glycémique a été
progressive, mais il y a souvent opposition «Je sais que j'ai besoin d'insuline, mais je n'en veux pas» et marchandage. Des écarts alimentaires sont mis en avant pour expliquer la dégradation
glycémique et l'assurance est donnée d'y mettre bon ordre afin que l'insulinothérapie ne soit pas nécessaire. Dans certains cas l'opposition est très vive, sans marchandage, le refus de
l'insuline est catégorique, et le soignant doit faire preuve de beaucoup de psychologie pour convaincre.
Cette hostilité vis-à-vis de l'insuline dans le diabète de type 2 qui n'est plus maîtrisé par un traitement oral maximal a plusieurs composantes :
Perception soudaine d'une gravité
Bien souvent, le diabétique de type 2 s'est peu ou prou réconforté pendant de nombreuses années en se répétant «Ce n'est pas grave» et à ses yeux la meilleure justification a été «D'ailleurs je
n'ai pas besoin d'insuline».
L'absence d'autre solution que l'insulinothérapie pour maîtriser les glycémies vient alors totalement bouleverser les schémas de pensée qui prévalaient depuis de nombreuses années : d'une part il
y a sentiment de trahison «Toutes ces années de médicaments et de diététique ... pour en arriver là !», d'autre part il y a soudainement perception de la gravité de la maladie qui avait jusqu'ici
pu être relativisée par le fait que l'insulinothérapie n'était pas nécessaire, et le raccourci «Tant que je n'aurai pas d'insuline, mon diabète ne sera pas grave» n'est pas loin.
Absence de symptômes
Lorsque l'insulinothérapie devient nécessaire pour maîtriser les glycémies, il n'y a habituellement pas plus de symptômes de maladie que lors de la découverte du diabète une dizaine d'années
auparavant, et l'insulinothérapie paraît donc être une réponse théorique à un problème théorique (la correction de chiffres sur une feuille de résultats de laboratoire) et non une nécessité
puisqu'il n'y a pas apparition de symptômes à soigner.
Environnement
Les parents ou amis, diabétiques de type 2, n'étant pas sous insuline bien qu'ayant des glycémies tout aussi élevées, ou même plus élevées, confortent également dans l'idée que l'insuline n'est
pas indispensable.
Idées fausses sur l'insuline
Il y a parfois aussi connaissance d'une ou plusieurs personnes chez qui a été débutée une insulinothérapie à l'occasion d'une complication, ou chez qui des complications sont apparues après avoir
débuté une insulinothérapie, ce qui conforte également dans l'idée fausse qu'il vaut mieux éviter l'insuline «Tant que je n'aurai pas d'insuline, je n'en serai pas au stade des complications».
Ceci sans parler des insulinothérapies mal vécues amenant certains diabétiques à déconseiller l'insulinothérapie «Ne faites pas comme moi, ne vous laissez pas imposer l'insuline. Vous ne pourrez
plus l'arrêter, et de toute façon cela ne permet pas d'éviter les complications».
La notion, communément répandue, d'une impossibilité de pouvoir arrêter une insulinothérapie lorsqu'elle a été débutée, contribue également au refus de l'insulinothérapie. Cette notion est
sous-tendue par le fait que l'insulinothérapie ne peut pas être arrêtée en cas de diabète de type 1, et probablement aussi par les similitudes entre l'utilisation quotidienne de seringues et une
toxicomanie. Elle est cependant inexacte en cas de diabète de type 2, où l'arrêt de l'insulinothérapie ramène au niveau de contrôle glycémique qui aurait existé si l'insulinothérapie n'avait pas
été débutée.
Les contraintes, souvent supposées majeures, en matière d'horaires d'injection et de repas, de conservation de l'insuline, de contrôles glycémiques capillaires fréquents, ainsi que la crainte de
malaises hypoglycémiques, voire d'injections douloureuses, sont également des éléments de réticence.
Enfin, il y a aussi des aphorismes qui ont la vie dure : «Le diabète gras n'a pas besoin d'insuline», «L'insuline n'est indispensable que si on a fait un coma diabétique». Et le langage médical a
été lui-même pendant longtemps le moteur de ces aphorismes en classant les diabètes en DID (diabète insulinodépendant) et DNID (diabète non insulinodépendant) alors que l'insuline n'est qu'un
outil permettant de soigner efficacement les deux types de diabète.
En résumé
Le diabétique dont les glycémies ne sont plus maîtrisées par un traitement oral n'a habituellement pas de symptômes rendant l'insuline à l'évidence nécessaire, et a par contre un long passé de
«diabète vaincu sans insuline» et de nombreuses «bonnes raisons» pour refuser l'insulinothérapie.
Mais, contrairement au diabète de type 1 dont l'apparition place de fait le diabétique dans un sentiment d'infériorité et de dépendance par rapport aux autres, ainsi que dans un sentiment
d'altération de l'image de soi, le diabétique de type 2 dont les glycémies ne sont plus maîtrisées par un traitement oral refuse l'insulinothérapie pour ne pas se laisser envahir par le sentiment
d'infériorité et de dépendance par rapport aux autres, et par le sentiment d'altération de l'image de soi.
Le diabétique de type 2 est réticent vis-à-vis de l'insuline car elle suscite à tort des sentiments d'infériorité, de dépendance, et d'altération de l'image de soi. |