Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
Quel est le point commun entre Maria Callas, G eorges Brassens ou Charles Dickens ? Tous ont vécu une enfance difficile, mais ont réussi à surmonter leurs malheurs. Présentée par Boris Cyrulnik comme étant "l’art de naviguer dans les torrents", la résilience peut concerner chacun de nous un jour. Comment réussir à rebondir et surmonter les épreuves de la vie ?
Abandonné par sa mère à 3 ans, battu par son père alcoolique qui lui brise les deux jambes, Tim Guénard doit être soigné 2 ans à l’hôpital. Placé en institution il subit des violences sexuelles. Aujourd’hui il témoigne "qu’il n’y a pas de blessures qui ne puissent être lentement cicatrisées par l’amour". Par quel prodige un homme brisé par la vie est-il devenu le père attentionné de 4 enfants, qui accueille dans sa ferme des jeunes en grande difficulté ?
Cette capacité à surmonter les traumatismes s’appelle
la résilience. Le terme, emprunté à la physique, désigne le retour à l’état initial d'un élément déformé. Les psychiatres américains spécialisés dans la petite enfance, ont adopté le mot dans les
années 90. Il a ensuite été popularisé en France par Boris Cyrulnik. A en croire le psychothérapeute, "environ une personne sur deux subit un traumatisme au cours de son existence, qu’il s’agisse
d’un inceste, d’un viol, de la perte précoce d’un être cher, d’une maladie grave ou d’une guerre".
Notre développement est régi par un certain nombre de déterminants génétiques. Le cerveau de certains individus sécrète beaucoup de dopamine et de sérotonine, qui jouent un rôle d’euphorisants. A contrario près de 2 % des enfants naîtraient avec un potentiel de "force psychique" diminué. Il serait cependant illusoire d’imaginer qu’une analyse de l’ADN suffirait à savoir si un enfant est prédisposé. Son caractère et son environnement affectif jouent un rôle primordial.
Dès leurs premiers jours, les bébés adaptent leurs comportements en fonction de l’attitude des parents à leur égard. Quatre sortes d’attachement réciproque peuvent ainsi être distinguées :
Selon le type de relation qu’ils réussissent à établir, ils sauront plus ou moins bien se reconstruire après une blessure de la vie.
"Faire naître un enfant n’est pas suffisant, il faut aussi le mettre au monde" affirme Boris Cyrulnik. Ses travaux insistent sur l’importance des "nourritures affectives". C’est pour l’avoir ignoré, sous l’ère Ceausescu, que 40 % des orphelins et enfants abandonnés sont morts en Roumanie. Les adultes doivent aider les enfants à se construire un capital psychique qui leur permettra de façonner leur résilience et trouver les ressources intérieures et extérieures le moment venu. Ainsi quand un père joue à poursuivre son enfant en faisant la grosse voix, ce dernier comprend qu’il s’agit d’un jeu. Cette comédie permet la familiarisation avec l’inconnu et sert à maîtriser sa peur. Cela ne signifie pas que l’enfant sera "immunisé" à vie contre les malheurs, mais il acquière un premier facteur de résilience.
Pour se protéger, les enfants non résilients mettent en oeuvre des stratégies qui vont de la négation des événements dont ils ont été victimes, à l’humour qui permet la mise à distance, ou la haine. Un jour les enfants se révoltent et refusent d’être stigmatisés dans le rôle d’une victime qui subit. Légèrement narcissiques les résilients ? Peut-être, car il y a quelque chose de l’ordre du défi qui s’exprime ainsi : "l’image que vous vous faites de moi ne correspond pas à ma réalité. Un jour je m’en sortirai et vous montrerai de quoi je suis capable". Ce sursaut d’orgueil s’appuie souvent sur des "tuteurs de développement : des adultes compréhensifs, choisis comme substitut parental, qui vont leur redonner confiance en posant sur eux un nouveau regard.
Si l’on parle davantage de résilience aujourd’hui, c’est que nous sommes plus réceptifs à ce discours. Les affaires de pédophilie et de viols sortent de l’ombre, et les victimes, rongées par leur sentiment de culpabilité et de honte, osent un peu plus prendre la parole. Cette attitude "christique" (la nécessité de mourir pour pouvoir renaître) est très valorisée. Michel Hanus, spécialiste du deuil, en vient à se demander si en fait de résilience, il ne s’agirait pas tout simplement d’une forme de deuil avec ses 3 phases : le traumatisme, l’état dépressif, l’assimilation du deuil. Dans tous les cas, être résilient ce n’est pas être invulnérable, mais apprendre à résister aux traumatismes, en faisant appel à la confiance enfouie en chacun de nous et qui tarde parfois à s’exprimer…
Mathieu Ozanam - Mis à jour le 14 octobre 2010
"Un merveilleux malheur" de Boris Cyrulnik, Editions Odile Jacob, 1999.
"La résilience à quel prix ?" de Michel Hanus, Editions Maloine, 2001.
"Plus fort que la haine" de Tim Guénard, Presses de la Renaissance, 1999.
http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/mag_2002/mag0823/ps_5790_resilience.htm