Qu'est-ce que tension artérielle
On parlerait plus justement de pression artérielle. A chaque battement de cœur, le sang est envoyé dans nos artères et y crée une pression qui, après avoir atteint un
maximum (la pression systolique) décroît jusqu'à un minimum (la pression diastolique) avant que le battement suivant ne l'élève à nouveau. Ce sont ces deux extrêmes de la pression régnant dans
nos artères que mesure le tensiomètre.
Pourquoi l'hypertension artérielle (HTA) est-elle mauvaise?
Beaucoup de gens craignent l'hémorragie cérébrale à cause d'une poussée d'HTA qui ferait "exploser" une artère cérébrale. C'est pourtant un événement rare. C'est surtout
à long terme que l'HTA est néfaste pour les artères, elle est comme le ressac qui érode la falaise.
Elle est un des principaux facteurs de risque d'athéromatose « (le rétrécissement progressif des artères par des dépôts principalement de cholestérol, un peu comme
l'entartrage des conduites d'eau) », avec le tabac, l'excès de cholestérol et... le diabète.
Le patient diabétique est déjà à grand risque d'avoir des problèmes coronariens (angine de poitrine, infarctus du myocarde), une thrombose cérébrale ou des atteintes des
artères des membres inférieurs, par exemple. La présence d'une HTA, même modeste, accroît encore ce risque.
A titre d'exemple, un homme de 60 ans, diabétique, non fumeur et avec un taux de cholestérol normal, a un risque de 13% de faire un problème coronarien dans les 10 ans à
venir si sa tension artérielle systolique est de 120 mm Hg. Si sa tension artérielle est de 145 mm Hg, ce risque passe à 20%.
De plus, l'HTA est également néfaste pour les reins, en particulier dans l'atteinte rénale du diabète, et accélère également la rétinopathie diabétique: le risque pour
le diabétique d'arriver en dialyse et/ou de perdre partiellement ou totalement la vue est donc aussi majoré par la présence d'une HTA.
Un malheur ne venant jamais seul, l'HTA est particulièrement fréquente chez les diabétiques. Elle est présente chez plus de 70% des diabétiques de type 2. La tension
artérielle doit donc être mesurée régulièrement chez le diabétique et un traitement vigoureux doit être installé si les chiffres deviennent trop élevés.
II serait bien sûr illogique de lutter contre l'HTA sans s'attaquer aussi aux autres facteurs délétères: tabagisme, hyperlipémie, mauvais contrôle du diabète,
etc.
Comment mesurer la tension artérielle ?
La méthode classique est évidemment l'utilisation par le médecin ou l'infirmière de la manchette placée autour du bras, et l'auscultation des bruits artériels par un
stéthoscope lorsqu'on dégonfle ce brassard. Il est important de noter que théoriquement la tension artérielle doit être mesurée en position assise après 5 minutes de repos. Les différents pièges
à éviter lors de la mesure sortent du cadre de cet exposé.
Une mesure ponctuelle n'est pas forcément représentative de la tension artérielle "moyenne" d'un individu, car on sait que les chiffres peuvent varier beaucoup sur la
journée et d'un jour à l'autre.
De plus, il n'est pas rare que la tension artérielle s'élève en présence du médecin: c'est ce qu'on appelle communément "l'effet blouse blanche". Pour pallier à ces
problèmes, différentes méthodes ont été proposées.
La première est l'enregistrement ambulatoire de 24 heures, parfois erronément appelé "Holter tensionnel". Un brassard est relié à un petit boîtier porté à la ceinture.
Ce boîtier est programmable, va gonfler le brassard à intervalles déterminés, relever les chiffres tensionnels et les enregistrer.
Pendant les 24 heures (voire plus) durant lesquelles le brassard est porté, le patient est invité à vaquer à ses occupations habituelles.
Cette méthode donne une foule d'informations intéressantes, que nous n'énumérerons pas ici, mais elle n'est pas extrêmement pratique au quotidien: si le port du brassard
n'est pas très gênant, on imagine quand même mal répéter sou vent l'examen au gré des modifications de traitement, par exemple.
De plus, le matériel est relativement coûteux, et il faut du temps pour programmer à chaque fois l'appareil, le placer, lire les résultats et les interpréter. Une
méthode qu'on pourrait qualifier d'intermédiaire est la prise de tension artérielle à domicile par le patient lui même ou un proche.
On évite ainsi l'effet blouse blanche et on peut multiplier si nécessaire le nombre de mesures, dans le cadre de la vie quotidienne. Sans être aussi riche en
informations que la mesure ambulatoire de 24 heures, cette technique offre une alternative valable, pour autant bien sûr que l'appareil utilisé soit fiable.
A cet égard, quelques conseils de terrain sont utiles:
1. il n'est pas nécessaire d'acheter l'appareil le plus cher, mais ceux vendus à bas prix
dans les grandes surfaces se révèlent rarement performants;*
2. de manière générale, les appareils à mettre au poignet sont plus chers et moins fiables
que ceux à placer au bras;
3. les différentes sociétés de lutte contre l'hypertension artérielle publient des listes
de tensiomètres validés par leurs soins, et disponibles par exemple sur les sites internet suivants:
II est préférable de noter les chiffres mesurés avec la date et l'heure pour qu'ils puissent être consultés ultérieurement par le médecin, tout comme on tient un carnet
des chiffres glycémiques.
* l'ABD vend des appareils à ses membres - voir liste du matériel dans la revue
Quels sont les chiffres normaux de tension artérielle?
Pour la population générale (non diabétique), on considère que la tension artérielle "normale" est inférieure à 140 mm Hg (millimètres de mercure) pour la systolique et
90 mm Hg pour la diastolique.
Toutefois, il s'agit d'une "normale maximale" et plusieurs études ont bien montré que le risque d'avoir des problèmes vasculaires diminue encore si la tension artérielle
est plus basse. Ces chiffres sont applicables à l'adulte de tout âge: s'il est vrai que la tension systolique a tendance à s'élever avec les années, il n'est plus question de tolérer des chiffres
supérieurs "parce qu'on est plus âgé."
Chez le diabétique, qui est déjà au départ à grand risque cardio-vasculaire, les normes sont plus basses. Les chiffres recommandés varient peu selon les différentes
sociétés de diabétologues et d'hypertensiologues. Pour résumer, on dira que: si chez aucun diabétique, la tension artérielle ne devrait être supérieure à 130/80 mm Hg; si le patient présente une
microalbuminurie, une insuffisance rénale ou une athéromatose (par exemple en échographie), il est possible que la limite supérieure doive être ramenée à 120/80
mm Hg. Ceci attire de plus l'attention sur la nécessité de pratiquer régulièrement des analyses de sang et d'urine, voire d'autres examens, chez le patient
diabétique.
Ces chiffres sont basés sur les tensions artérielles prises au cabinet médical. Si on veut se référer aux chiffres mesurés en auto-contrôle à domicile (qui sont
généralement plus faibles), on devra viser encore plus bas.
Les cibles tensionnelles sont donc beaucoup plus basses que par le passé, ce qui est la conséquence de nombreuses études réalisées au cours des quinze dernières années
et qui ont montré à quel point les complications du diabète et la mortalité étaient plus importantes si on se contentait des valeurs préconisées jusqu'alors.
Comment traiter l'hypertension artérielle
Le tableau résume les différents moyens dont on dispose pour combattre l'HTA et ramener les chiffres dans les normes que nous
venons d'évoquer.
On n'insistera jamais assez sur deux aspects apparemment contradictoires, du traitement de l'HTA, particulièrement chez le diabétique: l'importance du traitement non
médicamenteux d'une part, et le recours quasi-obligatoire à plusieurs médicaments d'autre part.
Le diabétique de type 2 a très souvent un excès de poids. Un amaigrissement, parfois seulement de quelques kg, peut réduire les chiffres tensionnels. Sans parler des
autres avantages, notamment sur l'équilibre glycémique. En cas de surpoids, une réduction pondérale doit toujours faire partie du traitement antihypertenseur.
De même, un régime modéré en sel (maximum 6 g par jour) permet souvent de diminuer l'excès de tension artérielle et améliore la sensibilité au traitement
médicamenteux.
Un exercice physique régulier est bénéfique pour les chiffres tensionnels, favorise la perte pondérale et améliore la résistance cardiaque.
Néanmoins il faudra le plus souvent recourir aussi aux médicaments. II existe de nombreuses familles de médicaments (tableau). Deux d'entre elles, les inhibiteurs de
l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC) et les antagonistes des récepteurs de type 1 de l'angiotensine II (ARA ou sartans) ont particulièrement retenu l'attention ces derniers
temps.
A activité égale sur les chiffres tensionnels, ces médicaments sont plus efficaces que les autres pour lutter contre l'atteinte rénale du diabète, et peut-être même plus
efficaces sur les atteintes vasculaires et la mortalité du diabétique. Ils devraient donc être utilisés préférentiellement chez le patient diabétique, surtout s'il y a une atteinte rénale.
Toutefois, au-delà des différences entre les diverses classes de médicaments, l'important est avant tout de faire baisser la tension artérielle.
II faut rappeler quelques principes:
· Chaque type de médicament a ses
avantages et ses effets secondaires potentiels.
· chaque patient peut réagir
différemment et de façon parfois imprévisible à tel ou tel médicament, que ce soit en termes d'efficacité ou d'effet secondaire.
· Il faudra souvent avoir recours à
l'association de plusieurs médicaments, surtout chez le diabétique de type 2 souffrant d'excès pondéral; en moyenne, 3 médicaments différents sont nécessaires, mais il n'est pas si rare de devoir
utiliser 4 ou 5 classes médicamenteuses pour atteindre l'objectif.
· certaines combinaisons de
médicaments sont particulièrement efficaces, d'autres sont à éviter.
On comprend dès lors qu'il n'y a pas de recette-miracle, et qu'il faudra souvent du temps et un certain nombre d'»essais et erreurs» pour trouver chez un patient donné
un traitement à la fois efficace et bien toléré.
En résumé:
1) Mesurer régulièrement la tension artérielle et traiter l'HTA dès qu'elle est présente permet de réduire le risque de nombreuses complications redoutables liées au
diabète.
2) Les valeurs tensionnelles à atteindre sont beaucoup plus basses que dans le passé: < 130/80 pour tous les diabétiques et peut-être moins dès que certaines lésions
sont présentes.
3) Le traitement non médicamenteux (perte pondérale, régime pauvre en sel, exercice physique) est très important, permet de diminuer les chiffres tensionnels et de
réduire le nombre de médicaments anti-hypertenseurs nécessaires.
4) Toutefois le recours aux médicaments sera presque toujours indispensable.
5) Les IEC et les ARA occupent une place privilégiée parmi les médicaments antihypertenseurs chez le diabétique mais il sera le plus souvent nécessaire d'utiliser une
combinaison de différentes classes médicamenteuses.
6) Le traitement doit être adapté à chaque patient, en tenant compte notamment des autres pathologies, des résultats sur la tension artérielle et de la tolérance
individuelle.
Dr. Jean-Louis Christophe -
Gilly