Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
L'aspirine est, sans conteste, l'antidouleur le plus connu et le plus consommé au monde. Pourtant, on dit souvent que s'il devait être réévalué en vue d'une demande de commercialisation (Autorisation de Mise sur le Marché), il serait recalé… Qu'en est-il réellement de ses risques ? Dans quels cas l'utiliser ? Nous avons interrogé plusieurs spécialistes1.
Vendue sans ordonnance, et désormais disponible légalement sur internet, l'aspirine n'est pourtant pas dénuée d'effets secondaires, puisqu'elle peut provoquer des ulcères à l'estomac ou des hémorragies. Des risques qui ne freinent toutefois pas l'engouement des Français, qui l'utilisent comme un produit de grande consommation.
Brevetée en 1899 par le laboratoire Bayer, l'aspirine est commercialisée en France depuis 1908 par la Société chimique des usines du Rhône. Ses multiples propriétés (antalgique,antipyrétique, anti-inflammatoire, antiagrégant plaquettaire) rendent ce médicament rapidement incontournable. Les médecins le prescrivent généralement aux patients à risque accru d'accidents cardiovasculaires ou bien aux patients à qui l'on vient de poser un stent et pour lesquels on veut empêcher la formation de caillots sanguins susceptibles de provoquer uninfarctus. "L'aspirine est largement efficace, automatique pour un patient à la sortie d'un accident vasculaire aigu", explique le Pr Yves Benacin, cardiologue à Paris attaché à l'hôpital Bichat.
Les personnes en bonne santé y recourent occasionnellement en cas de rhume, de mal de tête, de fièvre… Un usage que ne remettent pas en cause
les médecins, dans la mesure où le traitement se limite à 3-4 jours et où l'aspirine est consommée au cours des repas et de manière diluée. Ils mettent en revanche en garde contre une
tendance récente à en avaler tous les jours -sans avis médical- en prévention de maux de tête chroniques, d'un cancer ou d'autres pathologies. Cette attitude est fondée sur des croyances, lesquelles reposent notamment sur une étude parue
dans The Lancet2 en 2010 révélant des effets
protecteurs de la molécule contre plusieurs cancers (réduction du risque de décès par cancer d'environ 10 % pour le cancer de la prostate, de 30 % pour celui du poumon, de 40 % pour le cancer colorectal et de 60 % pour celui de l'œsophage). Des résultats à relativiser selon le Dr Marc Bardou, professeur de pharmacologie médicale et
gastroentérologue au CHU de Dijon : "Diminuer le risque ne veut pas dire supprimer la survenue du cancer ; mieux vaut
privilégier les dépistages après 50 ans, actuellement suivis par moins de la moitié de la population".
La prise quotidienne d'aspirine à faible dose par des patients en bonne santé et sans pathologie avérée comporterait en fait plus de risques que de bénéfices, selon des chercheurs de l'université de Londres. Dans une étude menée auprès de 100 000 participants à 9 essais cliniques et dont les résultats ont été publiés dans les Archives of Internal Medicine3, la consommation régulière d'aspirine s'est certes accompagnée d'une baisse de 10 % du risque cardiovasculaire, mais celle-ci ne s'est cependant pas traduite par une diminution des décès dus à un accident cardiovasculaire ou à un cancer. Elle a en revanche entraîné une augmentation de 30 % du risque de saignements internes pouvant mettre en danger la vie du patient. En effet, parmi les effets secondaires possibles, les risques de saignements susceptibles d'entraîner desanémies voire des ulcères à l'estomac ou aux yeux sont particulièrement redoutés. Parfois, ces saignements sont dits occultes, c'est-à-dire invisibles à l'œil nu. "Le principal effet indésirable, ce sont les hémorragies digestives de l'aspirine. Ces lésions sont parfois observées à très faibles doses (dès 10 mg)", précise le Pr Marc Bardou, pour qui la question essentielle est finalement celle du rapport bénéfice risque. "Pour la prévention de l'infarctus, le bénéfice est très supérieur au risque. Par contre, on peut se demander si le risque ne sera pas supérieur au bénéfice que l'on peut attendre avec une prise pendant des années (20, 30 ans) et à quelle dose".
Chez un adulte en bonne santé, la dose journalière d'aspirine ne doit pas excéder 3 g (2 g seulement pour les personnes âgées), et être consommée de préférence au cours d'un repas, en respectant des délais d'au moins quatre heures entre les prises. Attention si l'on a un estomac fragile. Mieux vaut également se tourner vers un autre antalgique en cas de règles douloureuses ou après une opération, car l'aspirine favorise les saignements. Pendant la grossesse, leparacétamol sera privilégié.
Autre précaution : l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) recommande de ne pas associer plusieurs types d'anti-inflammatoires ou de prendre de l'aspirine avec des médicaments qui en contiennent déjà, et surtout de consulter un médecin pour évaluer votre état de santé4.
Créé le 15 avril 2013
Sources :
1. Entretiens avec le Pr Yves Benacin, cardiologue à Paris attaché à l'hôpital Bichat et le Dr Marc Bardou, professeur
de pharmacologie médicale et gastroentérologue au CHU de Dijon.
2 - "Effect of daily aspirin on long-term risk of death due to cancer: analysis of individual patient data from randomised
trials", The Lancet, 7 décembre 2010 (accessible en ligne).
3 - "Effect of Aspirin on Vascular and Nonvascular Outcomes", Archives of Internal
Medicine,publiée en ligne le
9 janvier 2012 (accessible en
ligne).
4 - Recommandations de l'Agence nationale de Sécurité du médicament (ANSM).