Les ouvriers viennent de dresser l'enseigne. A 500 mètres de la sienne. Daniel Drelli ne peut qu'observer l'avancement des travaux en espérant que l'ouverture prochaine de ce Basic-Fit épargnera son activité. "Je gère mon club à Jumet depuis 17 ans. Ils viennent s'implanter juste à côté de chez moi. Je ne suis pas très optimiste..." S'il doit en croire l'expérience de collègues, la fuite des clients sera quasi immédiate. "Elle commence même avant que la salle soit en activité, car les gens peuvent se préinscrire", assure amèrement Roberto Pecora, exploitant indépendant qui affronte la même concurrence à Charleroi.
Les deux hommes ont décidé de rejoindre un groupement de gérants qui, comme eux, s'inquiètent de la montée en puissance du low cost dans l'univers du fitness. Ce comité, chapeauté par le SDI (syndicat des indépendants), ne comptait que quatre membres il y a deux mois. Ils sont aujourd'hui plus de deux cents. Tous crachent volontiers leur venin sur ces nouveaux venus proposant du sport illimité pour moins de 20 euros par mois, à grands coups de pratiques "déloyales" à leurs yeux. Ce n'est toutefois pas sur une cible économique qu'ils décochent leurs flèches. Leur message se veut d'utilité publique: "Votre santé est en danger!", clament-ils.
Cri désespéré pour tenter de sauver les meubles? Réelle mise en garde? "Il faut séparer le bon grain de l'ivraie, affirme Jean-François Dondelet, secrétaire politique du SDI. Deux mondes coexistent aujourd'hui dans le fitness. Celui de la santé et celui de l'illimité, donc du danger. L'impact potentiel sur le corps est non négligeable."
Fit For Fun, comme tous les autres petits clubs, n'a pas les moyens de suivre l'agressive stratégie de Basic-Fit ou de son challenger, JIMS. Le premier, filiale d'un groupe hollandais, a fait une entrée fracassante en 2012 en Belgique, en offrant des abonnements à 15,99 euros par mois, revus il y a peu à la hausse (19,99 euros). Il a depuis tissé sa toile via 125 adresses et prévoit encore une vingtaine d'ouvertures dans les prochains mois. Le second comptabilise 16 implantations et en vise une vingtaine d'ici fin 2015, avec des prix mensuels qui démarrent à 17,99 euros. Ailleurs, il faut souvent dépenser le double, voire plus.
Pour ces centres où chaque euro est compté, le calcul est vite fait. Au détriment de la santé? "Il faut vraiment que des professionnels de la santé se préoccupent des salles, juge Jean-Michel Crielaard, médecin responsable du centre de médecine sportive du CHU de Liège. On peut regretter qu'il faille un diplôme pour devenir coiffeur mais pas pour exploiter un club de fitness." Et d'énumérer les risques potentiels: cardiovasculaires si l'activité est médicalement déconseillée ou poussée à l'extrême, articulaires en cas de soulèvement de charges trop lourdes ou d'exercices mal exécutés, avec conséquences pour le dos, les genoux, rotules, épaules, poignets, coudes...
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