Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
L'Assurance maladie a décidé il y a quelques semaines de rembourser intégralement les capteurs de glycémie en continu d'Abbott, un système nécessaire pour que les diabétiques suivent au mieux leur maladie. Roche espère également obtenir un remboursement pour son implant mesurant le taux de glucose en continu. Et relancer une activité diabète en difficulté.
Le laboratoire pharmaceutique Roche est connu pour ses anticancéreux et ses outils de diagnostics. Mais il développe également des dispositifs médicaux pour les diabétiques, notamment des capteurs de glycémie pour mesurer le taux de glucose dans le sang, une nécessité pour que les diabétiques adaptent leurs injections d'insuline. Cette activité de Roche, qui a généré 2,016 milliards de francs suisses (1,85 milliard d'euros) en 2016, est dans le rouge. Son chiffre d'affaires a reculé de 4% sur un an, en raison de la pression sur les prix aux Etats-Unis, mais aussi de la forte concurrence des spécialistes de ce domaine, Medtronic ou Abbott.
Pour se relancer, Roche mise sur l'Eversense, son premier capteur de glucose en continu sous forme d'implant sous-cutané. Développé par la startup Senseonics, il est commercialisé par le laboratoire pharmaceutique. De la taille d'un grain de riz, il est implanté sous la peau au niveau du bras par un professionnel de santé. Le patient porte en plus sur la peau un télé-transmetteur carré de quelques centimètres de largeur sur le bras, qui capte les informations recueillies par l'implant sur son taux de glycémie et les transmet à un smartphone. Le patient peut ainsi choisir le moment où il prend une dose d'insuline avec une pompe prévue à cet effet. Si jamais le smartphone s'éteint ou ne fonctionne plus, le télé-transmetteur vibre quand le patient est en hypo ou hyperglycémie.
Avec cet appareil, Roche veut investir le marché français. Lequel marché est devenu particulièrement intéressant pour les industriels depuis que ministère de la Santé a annoncé le 28 avril la prise en charge à 100% par l'Assurance maladie du capteur de glycémie sans contact et en continu d'Abbott, le Freestyle Libre. Une première. Quelque 300.000 patients devraient en bénéficier à terme, promet le ministère. Avec ce type d'outils, les diabétiques de type 1, soit environ 160.000 personnes, et une partie de ceux atteints d'un diabète de type 2 (500.000 sont traités par insuline) pourraient avoir un meilleur suivi de leur maladie, ce qui permet au patient d'avoir de meilleures chances d'éviter les effets secondaires potentiels parfois ravageurs de cette maladie: AVC, cécité, maladies du cœur...
Abbott avait lancé son Freestyle Libre sur le marché depuis deux ans, mais jusqu'à aujourd'hui, les patients devaient mettre la main à la poche pour se procurer un capteur de glycémie en continu. En 2016, la Fédération française des diabétiques dénonçait "une fracture sociale" dans l'accès à l'innovation des patients. D'autres capteurs de glucose en continu existent en France, comme l'Enlite de Medtronic, ou les systèmes de Dexcom, mais ces derniers ne sont pas remboursés.
Pour obtenir le précieux remboursement, Roche suit une stratégie différente de celle d'Abbott.
"Nous ne lancerons pas cet appareil en France avant que les autorités décident de le rembourser", explique à La Tribune Frédéric Jacquey, président de Roche Diabetes Care France.
Et d'ajouter:
"Nous voulons d'abord convaincre les médecins et les autorités de santé de l'intérêt de ce système pour les patients et le suivi de leur maladie. Nous allons lancer une étude franco-française dans dix centres hospitaliersen novembre. Elle devrait durer six à huit mois. Nous espérons un retour positif de la Haute autorité de la Santé à l'été 2018, puis le lancement des négociations avec le CEPS (Comité économique des produits de santé, Ndlr) pour commercialiser l'Eversense en 2019."
Roche ne met pas en avant d'apport médical nouveau par rapport à l'appareil d'Abbott. Mais il estime que son appareil n'induira pas de coûts trop élevés pour l'Assurance maladie car il est impossible à perdre, contrairement aux autres capteurs de glucose. Par ailleurs, la durée de vie de son implant (3 mois) serait supérieure à celle de certains capteurs de glucose ne dépassant pas quelques semaines. En outre, Roche espère obtenir prochainement un nouveau marquage CE pour que le patient puisse porter l'implant pendant six mois, et vise in fine un produit encore plus pérenne à l'avenir. "La startup Senseonics travaille sur un allongement à un an de la durée de vie de l'implant."
Autre argument de Roche pour convaincre les autorités de santé que son appareil mérite une couverture de l'Assurance maladie: la tolérance des patients. Certains capteurs de glucose, "collés" solidement sur la peau des diabétiques, déclenchent parfois d'importantes allergies. Restera la question du prix d'un système représentant un certain coût de développement, qui pourrait faire hésiter le CEPS
L'Eversense de Roche est déjà disponible en Allemagne et en Italie. Outre la France, le laboratoire espère se lancer prochainement aux Etats-Unis. Mais Roche devra faire face à la concurrence des premiers "pancréas artificiels". MedTronic a obtenu un feu vert de l'Agence américain des médicaments pour commercialiser le MiniMed 670G, un appareil qui distribue l'insuline de façon semi-automatique -il faut programmer l'outil, en lui indiquant la prise de glucides-. Diabeloop, une startup française propose un appareil quasi-automatique, qui calcule le taux de sucre, tout en prenant en compte le poids de la personne, l'action de l'insuline, puis donne la bonne dose d'insuline. L'appareil n'est pas encore commercialisé en France, mais est testé sur plusieurs patients dans le pays. Interrogé par La Tribune, Vincent Genet, directeur associé du cabinet de conseil Alcimed, estimait que l'arrivée de ces nouveaux appareils pouvait "ubériser" le secteur et représenter une menace pour des acteurs majeurs de la lutte contre le diabète.
Roche vise de nouvelles innovations pour ne pas se faire distancer.
LATRIBUNE.FR