N°51/1 - Janvier/Février 20081
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Le
diabète.
Preumont, M.P. Hermans et M. Buysschaert
Le diabète de la
mucoviscidose
Service d’Endocrinologie et Nutrition - Université Catholique de Louvain (UCL) - Cliniques Universitaires St-Luc - Avenue Hippocrate 10 - B-1200 Bruxelles –
Belgique
La mucoviscidose est une maladie héréditaire très fréquente dans les populations européennes, touchant environ un enfant sur 2500 naissances vivantes.
La maladie est liée à une mutation d’un gène dit CFTR (pour Cystic Fibrosis Transmembrane Regulator) situé sur le chromosome 7. Il est responsable de la synthèse d’un «
canal chlore », impliqué dans la régulation des mouvements d’eau et de sel à travers les membranes cellulaires de l’organisme.
Près d’un millier de mutations ont été identifiées à ce jour par les chercheurs. La mutation appelée ΔF508 est la plus habituelle, rencontrée dans 60 à 70 % des
cas.
Les différentes mutations sont associées à des formes cliniques de mucoviscidose de gravité variable.
Classiquement, il n’y a cependant que peu de relation entre le terrain héréditaire et l’expression clinique de la maladie.
Tout au plus, la mutation peut être reliée à la présence ou à l’absence d’une insuffi -
sance pancréatique. La mutation ΔF508 (la plus fréquente) est, à titre d’exemple, toujours associée à la présence d’une telle complication.
Au vu de cette hétérogénéité héréditaire, le tableau clinique de la mucoviscidose sera caractérisé par une atteinte plus ou moins sévère de plusieurs organes. Au
niveau
pulmonaire, les anomalies des mouvements d’eau aboutissent à la transformation du mucus normal tapissant des bronches en un liquide visqueux. Ceci peut
favoriser,
par l’intermédiaire d’infections bronchiques récidivantes, le développement de lésions inflammatoires chroniques, conduisant éventuellement à une insuffisance
respiratoire. Une autre anomalie de la mucoviscidose est comme déjà signalé, celle du pancréas,
avec précipitation de bouchons muqueux dans les canaux excréteurs, aboutissant à des lésions de pancréatite chronique et d’insuffisance pancréatique exocrine avec
diarrhée. La maladie peut également se compliquer d’une atteinte chronique du foie.
L’optimisation actuelle de la prise en charge des malades mucoviscidosiques,
entre autres par l’amélioration du traitement des insuffisances respiratoire et pancréatique et/ou des infections pulmonaires ainsi que par les stratégies de
transplantation (pulmonaire et/ou hépatique), a aujourd’hui mené à un allongement de l’espérance de vie. Ceci permet indirectement le développement de
complications
jadis très rares. Le diabète sucré en est un modèle.
La fréquence du diabète dans la mucoviscidose a augmenté considérablement au cours des dernières années atteignant 30 à 34 % alors que celle de l’intolérance
glucidique
est de 15 à 30 %. L’âge au diagnostic de diabète est de l’ordre de 20 ans.
Les critères sont ceux de l’Association Américaine du Diabète (ADA).
Une Conférence de Consensus sur la mucoviscidose en 1999 a proposé d’apporter, en cas de diabète, une nuance supplémentaire en recommandant de distinguer les
patients
diabétiques avec glycémie à jeun normale ou avec hyperglycémie à jeun.
Les facteurs de risque les plus reconnus de développement d’une anomalie glycémique sont l’âge, l’insuffisance pancréatique exocrine, les infections respiratoires
récidivantes,
l’usage de cortisone et le recours à des alimentations artificielles.
Les signes cliniques de diabète sont le plus souvent absents de telle sorte que le dépistage jouera un rôle essentiel. Il repose habituellement sur la réalisation d’une
charge orale en glucose (triangle).
Quand il y a des signes cliniques, la cétose est généralement absente.
L’origine de ce diabète « secondaire » n’est pas, à ce jour, clairement élucidée. S’il y a un consensus pour reconnaître le rôle central d’un manque de sécrétion
d’insuline par
le pancréas, les données concernant la sensibilité à l’insuline sont plus controversées. En effet, plusieurs études montrent une sensibilité normale ou augmentée à
l’insuline
alors que d’autres identifient au contraire une insulinorésistance.
L’association d’un diabète à la mucoviscidose, s’il n’est pas traité, a des conséquences en termes de pronostic et fragilise l’état nutritionnel ainsi que la fonction
respiratoire.
Dans les quatre à six années précédant le diagnostic de diabète, il a en effet été clairement identifié une dégradation progressive de ces deux paramètres
cliniques.
Comme dans les autres types de diabète, la persistance d’une hyperglycémie chronique amène le développement de complication microvasculaires. Il y a peu d’atteintes
macrovasculaires vu l’absence d’autres facteurs de risque cardiovasculaires associés.
Le traitement du diabète dans la mucoviscidose vise comme toujours l’optimisation glycémique.
Cette stratégie n’est pas aisée étant donné les difficultés liées à l’alimentation de ces malades a priori dénutris à qui l’on recommande d’ailleurs une augmentation
des
apports quotidiens à 120 % des besoins caloriques théoriques.
Le traitement de l’hyperglycémie doit le plus souvent consister en une insulinothérapie adaptée aux profils glycémiques. Le schéma de type basal-prandial utilisant
des
analogues rapides et lents de l’insuline semble le plus modulable.
Cette insulinothérapie « adaptée » permet aussi d’améliorer les paramètres nutritionnels (gain pondéral) et respiratoires (amélioration ou stabilisation de la fonction
pulmonaire
et/ou diminution de la fréquence des infections).
L’utilisation de comprimés hypoglycémiants a été rapportée mais ne retrouve pas de
bénéfices supplémentaires par rapport aux analogues de l’insuline.
Sachant les données de la littérature faisant état de la fréquence de plus en plus élevée de diabète chez les adultes atteints de mucoviscidose, et eu égard à
l’ambiguïté
du mécanisme déclenchant ce diabète, nous avons analysé de manière très fouillée cette complication.
Nous avons voulu déterminer sa fréquence dans un groupe suivi dans un centre belge spécialisé.
Nous nous sommes également attelés à évaluer les caractéristiques de ce diabète, y compris les sensibilités et sécrétions d’insuline.
L’ensemble de ces données a fait l’objet d’une publication aux Etats-Unis dans Diabetes Care 2007 ; 30 : 1187-1192.
En résumé, nous avons observé une fréquence élevée de diabète chez ces malades (21 % chez ceux qui étaient porteurs de la mutation ΔF508 à l’état hétérozygote et 40
%
chez ceux porteurs de l’anomalie à l’état homozygote), le plus souvent en association avec une insuffisance pancréatique.
L’origine de ce diabète relevait essentiellement d’une insulinodéficience.
Quatre-vingt deux pourcent des malades étaient traités par insuline et leur équilibre
glycémique était optimal avec une hémoglobine glycatée à 6.8 %.
En conclusion, notre travail montre que la fréquence du diabète dans la mucoviscidose est élevée.
Au vu de l’ensemble de nos données, en particulier de fréquence et de traitement, il nous semble donc indispensable d’encourager une prise en charge
multidisciplinaire
de ces patients.
Celle-ci permettrait (1) un dépistage très précoce et (2) un traitement adéquat des
différents problèmes liés à la maladie, y compris le diabète, en visant la meilleure qualité de vie possible.
Les progrès scientifiques l’ont déjà aujourd’hui permis, même s’il y a encore demain des avancées à réaliser.
N°51/1 - Janvier/Février 2008
http://www.diabete-abd.be/pdf%20revue%200408/la%20mucoviscidose%200408.pdf