Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog
Boire trop et trop vite : un cocktail qui provoque des dommages visibles sur le cerveau. La mémoire et les comportements sont-ils affectés ? Les neuroscientifiques nous en disent plus sur ce phénomène de société à risque.
Boire rapidement une grande quantité d’alcool : quel impact pour le cerveau ? Aux vues de l’augmentation préoccupante de la consommation d’alcool chez les jeunes occidentaux, la question doit être posée. En 2014, près d’un jeune français sur trois déclarait avoir été ivre au moins trois fois dans l’année. Un jeune sur dix en faisait l’expérience presque une fois par mois selon l’INPES (contre 2 % en 2005).
« Une ivresse n'est pas une chose anodine » insiste le Pr Mickael Naassila, directeur du Groupe de Recherche sur l'Alcool & les Pharmacodépendances (GRAP), dans une vidéo réalisée par l’INSERM. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le cerveau ne finit sa maturation que vers l’âge de 25 ans « or on sait qu'il y a une plus grande susceptibilité aux effets neurotoxiques de l'alcool quand le cerveau est en développement ».
Dans l’hexagone, on parle de binge drinking (ou « biture express ») à partir de 7 verres pour les garçons et de 6 verres pour les filles (soit respectivement 70 g et 60 g d'éthanol pur), consommés en moins de 2 heures1.
Les dégâts causés par une consommation d’alcool régulière sur l’organe de la pensée sont connus depuis longtemps. Mais de l’impact du binge drinking, les neuroscientifiques ignoraient tout, jusqu’à il a peu. Devant l’ampleur du phénomène, ils ont rapidement scruté les encéphales des étudiants s’adonnant à la pratique2.
D’abord, ils ont observé que la matière grise et la matière blanche, c’est-à-dire les neurones et leur tissu de soutien, étaient affectés par la prise répétée de boissons alcoolisées. L’alcool a un effet toxique sur les neurones qui peut conduire à leur destruction et empêche la formation de nouveau neurones (neurogénèse)3. A l’échelle du cerveau, on observe une diminution du volume du cervelet, ainsi que des changements de l’épaisseur du cortex.
D’un point de vue fonctionnel, certaines zones sont plus touchées que d’autres explique le Pr Naassila, notamment « une structure appelée hippocampe et impliquée dans la mémoire. On a aussi observé une diminution au niveau des régions corticales, plutôt vers l'avant du cerveau, impliquées dans la prise de décision. C'est à dire planifier les choses et apprécier les conséquences de ses actes ».
Ces diminutions de l’activité cérébrale observées à l’imagerie ont-elles des répercutions sur le comportement des jeunes qui pratiquent le binge drinking ? Peu d’études ont mis en évidence une baisse des performances. Dans la majorité des travaux, l’impact neurophysiologique ne s’accompagne pas d’unealtération du comportement significative chez les sujets qui boivent de manière excessive une fois de temps en temps2.
On pourrait penser que le fait de consommer de grande quantité d’alcool est le seul nœud du problème. Et se rappeler que l’abus d’alcool est l’une des premières causes de décès et tue plus que le virus du SIDA, la violence et la tuberculose réunis à l’échelle du monde4.
Les binge drinker présentent, dans une moindre mesure, les mêmes dommages cérébraux que les gros buveurs réguliers. Chez les personnes souffrant d’alcoolisme, on observe un déficit de la mémoire à court terme (dite « de travail »), de l’apprentissage de nouveaux mots (mémoire sémantique) et de troubles de la prise de décision. A long terme, la dépendance à l’alcool peut conduire au syndrome de Korsakoff, qui s’accompagne d’une impossibilité à apprendre de nouvelles choses (amnésie antérograde). La personne qui en souffre n’aura par exemple aucun souvenir de vous avoir croisé, trois minutes auparavant.
Dans le cadre du binge drinking, la rapidité de la consommation entre aussi en compte avance le Pr Naassila « une alcoolisation rapide et massive a surement plus d'effets toxiques sur le cerveau qu'une consommation régulière. Dans nos études, on montre des effets plus importants, plus significatifs chez les binge drinker par rapport aux buveurs sociaux qui consommeront la même quantité mais plus étalée dans le temps. ».
Le cycle ivresse-abstinence serait plus délétère pour le cerveau qu’une consommation quotidienne. Plusieurs études ont d’ailleurs mis en évidence un lien entre le nombre de verres consommés en une occasion et les lésions cérébrales observées.
Peut-on mettre de côté ses ivresses de jeunesses à l’âge adulte ? Les études épidémiologiques suggèrent que le binge drinking des jeunes années est associé à un plus grand risque de dépendance à l’âge adulte. Les chercheurs pensent en effet que les changements neurophysiologiques induits par les épisodes d’ivresse répétés peuvent causer une difficulté à réduire la consommation par la suite. Une « perte de contrôle » qui pourrait à terme être problématique.
Bien que probable, cette relation entre binge drinking et alcoolo-dépendance doit faire l’objet d’études plus approfondies. Que ce soit pour ses conséquences comportementales ou cognitives « il faut essayer de retarder au maximum l'âge des premières consommations et des premières ivresses » conclut le Pr Naassila.
Sources |
http://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?