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Le diabète n'est pas un long fleuve tranquille. Le blog de A.B.D - Le groupe des Personnes Diabétiques de Bruxelles hébergé Eklablog

Anticoagulants - Antivitamine K : faut-il adapter son alimentation ?

Anticoagulants - Antivitamine K : faut-il adapter son alimentation ?

Les anticoagulants limitent la formation de caillots en cas de pathologie cardiaque (fibrillation auriculaire, infarctus du myocarde, prothèse valvulaire...) ou thrombo-embolique (phlébite, embolie pulmonaire...). Conséquence de leur mode d'action, ils sont associés à un risque hémorragique important.

Les anticoagulants1 les plus prescrits au long cours sont les antivitamine K2. Or, ils sont difficiles à équilibrer. Chez une même personne, de nombreux médicaments et certains aliments peuvent modifier leur activité. Si les premiers sont relativement faciles à contrôler, l'alimentation interroge. Le Dr Thierry Gibault*, endocrinologue et nutritionniste, rappelle les précautions à prendre.

Antivitamine K, un équilibre parfois difficile à maintenir

Antivitamine KLes antivitamine K (AVK) agissent en occupant la place de la vitamine Kdans des réactions indispensables à la synthèse de certains facteurs de la coagulation. En France, ils sont représentés par l'acénocoumarol(Sintrom®, Minisintrom®), la warfarine (Coumadine®) et la fluindione(Previscan®). Depuis 2000, leur consommation n'a cessé d'augmenter. En 2011, 1,1 million de Français a bénéficié d'au moins une prescription d'AVK2.

L'une des caractéristiques des AVK est d'être difficiles à équilibrer, avec une efficacité qui varie entre les personnes (génétique, âge, poids...) et chez un même individu. Les patients auxquels ils sont prescrits courent ainsi le risque d'être soit sous-dosés, donc insuffisamment protégés au niveau thromboembolique, soit surdosés, avec un risque hémorragique trop élevé. Les AVK représentent la première cause d'hospitalisation pour effets indésirables liés aux médicaments2.

Pour vérifier l'efficacité du traitement, le niveau de coagulation, ou INR3, est régulièrement mesuré grâce à des prises de sang. En fonction de l'indication des AVK, l'INR doit être compris entre 2 et 3, parfois 3-4. De nombreux médicaments4, et certains aliments, peuvent modifier les apports et le métabolisme de la vitamine K ou des AVK, au risque de déstabiliser l'INR.

Relativiser l'impact des aliments contenant de la vitamine K

Beaucoup d'aliments contiennent de la vitamine K (voir encadré). Cependant, les quantités moyennes consommées, évaluées entre 60 et 200 µg par jour, sont généralement inférieures à celles qui pourraient inhiber l'action des AVK. Pour le Dr Gibault, il est essentiel de conserver une alimentation variée : "C'est le traitement qui s'adapte au patient et à son alimentation, pas l'inverse.
Ainsi, il ne s'agit surtout pas de bannir les aliments riches en vitamine K comme on a pu le préconiser : "Ils apportent d'autres éléments, notamment des fibres et des vitamines anti-oxydantes dont il serait dommage de se priver. D'autre part, la vitamine K intervient sur d'autres processus que la coagulation, notamment l'ossification, sans être contrecarrée par les AVK."
Pour ne pas déséquilibrer l'INR, le médecin conseille de ne pas modifier brutalement son régime alimentaire, sachant que l'équilibre se fait sur plusieurs repas : "En pratique, le problème se pose lors d'une consommation importante et inhabituelle d'aliments à forte teneur en vitamine K. Aujourd'hui, on conseille simplement de conserver des apports réguliers." Des études ont par ailleurs montré une moins bonne stabilité de l'INR chez les faibles consommateurs de vitamine K5,6.

Se méfier des compléments alimentaires(7,8)

La prise de compléments alimentaires à base de plantes, vitamines ou autres nutriments peut modifier la coagulation. Ainsi, à fortes doses, la vitamine C, fait baisser l'INR, tandis que lavitamine E l'augmente.

Parmi les plantes, le millepertuis, le soja, les algues, l'alfalta ou luzerne (aussi consommée en graines germées...) diminuent l'activité des AVK. Mais beaucoup d'autres l'augmentent ou ont une autre action antithrombotique qui va s'ajouter à l'effet anticoagulant des AVK sans que cela se traduise par une modification de l'INR. La reine des prés, par exemple, agit sur les plaquettes (action antiagrégante), augmentant le risque de complications de façon insidieuse. L'ail, le curcuma, le ginkgo biloba, la canneberge, le mélilot, le marron d'inde... sont également connus pour leurs effets anticoagulant ou antiagrégant.

"Par prudence, il convient de se comporter avec les compléments alimentaires comme avec les médicaments, donc de les éviter sans avis médical", note le Dr Gibault. Il en est de même avec les huiles essentielles, notamment la gaulthérie, y compris en application externe.

Repérer les situations à risque de déséquilibre

"La mise en place d'un régime hypocalorique, qui suppose une augmentation de la consommation de légumes verts, donc de vitamine K sur plusieurs repas, peut nécessiter de contrôler plus régulièrement l'INR pour s'assurer qu'il n'a pas diminué", avertit le Dr Gibault. Effet qui peut être contrebalancé par le jeûne et la perte de poids qui, à l'inverse, augmentent l'INR.
Des modifications des habitudes alimentaires peuvent également se produire aux changements de saisons ou lors d'un voyage. Les fortes chaleurs encouragent la consommation de salades de crudités, donc de légumes verts et huiles riches en vitamine K.

Les personnes hospitalisées, équilibrées à leur sortie d'hôpital, peuvent aussi voir leur INR se déstabiliser après leur retour à domicile, lorsqu'elles reprennent leur alimentation habituelle.
L'alcool a un effet variable à ne pas négliger : "Une consommation inhabituelle importante augmente l'INR tandis que l'alcoolisme chronique le diminue par augmentation du métabolisme de l'AVK", précise le spécialiste.

Lorsque la posologie en AVK est bien suivie (bonne observance sans oubli, respect des doses et horaires des prises...) et qu'il n'existe pas d'éléments perturbateurs (introduction ou retrait de médicaments, compléments alimentaires...), il est rare que l'INR ne se stabilise pas.

La vitamine K dans les aliments(7)

La vitamine K existe naturellement sous deux formes : la vitamine K1 (phylloquinone), est synthétisée par les végétaux et intervient plus particulièrement au niveau de la coagulation ; la vitamine K2 (ménaquinone), dérivée de la première, est produite par les animaux et certaines bactéries (flore intestinale notamment). Dans l'alimentation, la K1 est principalement apportée par les feuilles des légumes verts et certaines huiles.

- Les choux (donc la choucroute), les épinards, le cresson, le pissenlit, certaines salades (roquette, scarole, laitue romaine...) contiennent des quantités importantes de K1 variant de 100 à plus de 1 000 µg/100 g. Certaines épices et herbes aromatiques (persil, ciboulette, coriandre...) également, mais elles sont consommées en plus faibles quantités.

Les huiles de colza, coton, soja et, dans une moindre mesure, d'olive, sont souvent oubliées. Les premières peuvent pourtant contenir jusqu'à 1 000 µg de vitamine K aux 100 g, ce qui équivaut à 150 µg pour une cuillère à soupe. Or, elles entrent dans la composition des margarines, vinaigrettes, sauces diverses et produits industriels sans toujours être indiquées nommément.

Les poireaux, asperges, endives, haricots verts, graines de soja, fèves, pois..., souvent cités, contiennent des quantités de K1 plus modérées : 10 à 100 µg/100 g. 
Les légumes racines (navets, oignons, carottes, pomme de terre...) sont beaucoup moins riches, la vitamine demeurant dans leurs feuilles.

Les produits animaux (dont le foie), le jaune d'œuf et les laitages... contiennent surtout de la K2, peu active dans les processus de coagulation mais particulièrement utile pour la fixation du calcium sur les os.

Ces chiffres sont donnés à titre indicatif car la concentration et la biodisponibilité de la vitamine K varient en fonction des conditions de culture des végétaux, de leur conservation, des modes de consommation. Les matières grasses, par exemple, augmentent son assimilation.

Audrey Plessis

Créé le 25 juin 2013

Sources principales

- Entretien avec le Dr Thierry Gibault, endocrinologue-nutritionniste dans le service nutrition du CHU La Pitié-Salpêtrière à Paris (AP-HP), dans le service diabétologie - endocrinologie du CHU Henri Mondor à Créteil (AP-HP), ainsi qu'en libéral à Paris.
Légumes verts et anticoagulants, des interdits injustifiés ?, Equation-Nutrition n°3, Aprifel, 2000.

1. Les anticoagulants sont à différencier des antiagrégants (aspirineKardegic®, Plavix®...) qui agissent sur les plaquettes et non sur les facteurs de la coagulation. Les anticoagulants sont préférentiellement utilisés pour prévenir les complications au niveau veineux et les antiagrégants plaquettaires pour prévenir les complications au niveau des artères.
2. Les anticoagulants en France en 2012 : état des lieux et surveillance. Rapport de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), juillet 2012.
3. L'INR (International Normalized Ratio) est le rapport entre le temps de coagulation du plasma testé (sujet sous AVK) et celui d'un témoin. Il est indépendant de la sensibilité des réactifs, donc des laboratoires, ce qui n'est pas le cas du TP (taux de prothrombine) ou TQ (temps de Quick) auquel il est parfois associé. 
4. Hors prescription spécifique, l'aspirine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (Advil®, Nurofen®,Voltarène®...) sont contre-indiqués car ils augmentent le risque hémorragique. Mais beaucoup d'autres médicaments ou plantes modifient l'efficacité des AVK comme les corticoïdes, lesantibiotiques, certains antidépresseurs...
5. Sconce E et al. Vitamin K supplementation can improve stability of anticoagulation for patients with unexplained variability in response to warfarin. Blood. 2007 Mar 15;109(6):2419-23.
6. Gebuis EP et al. Vitamin K1 supplementation to improve the stability of anticoagulation therapy with vitamin K antagonists: a dose-finding study. Haematologica. 2011 Apr;96(4):583-9. 
7. Le fichier canadien sur les éléments nutritifs, publié par Santé Canada, équivalent du ministère de la santé au Canada.
8. La Fiche conseils : Anti-thrombotiques sur le site d'Anne-Sophie Delepoulle, pharmacienne. 






Des sites pour aller plus loin

- L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour son dossier thématique sur les antivitamine K où l'on trouve notamment un test pour évaluer ses connaissances et un carnet de suivi.
- Le site AVK Control.com, destiné au grand public, informe sur le traitement antivitamine K, son suivi et son contrôle. Il comprend de nombreuses rubriques dont les recommandations, l'alimentation, la phytothérapie...
- La Fiche conseils : Anti-thrombotiques sur le site d'Anne-Sophie Delepoulle, pharmacienne.
Santé Canada, équivalent canadien du ministère de la Santé français. Voir la page Interactions de la warfarine avec des médicaments, des aliments et des produits de santé naturels et le Fichier canadien sur les éléments nutritifs qui permet d'effectuer une recherche par aliment (exemple "chou") ou élément nutritionnel ("vitamine K").


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