À 19 ans, Ginette Kolinka est déportée à Auschwitz-Birkenau avec son père, son frère et son neveu, à la suite d'une dénonciation. Elle y rencontre Simone Veil, disparue vendredi 30 juin. À son retour en France, elle préférera rester silencieuse, jusqu'à ce que le journaliste Philippe Dana écrive le livre "Une famille française dans l'Histoire" qui retrace son parcours. Aujourd'hui, elle parcourt la France pour partager son témoignage, sous l'égide de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
Simone, c'était ma copine. Elle pourrait être la pire des femmes, je la trouverais toujours extraordinaire. Elle était ma camarade de déportation. Je la pare de toutes les qualités. Elle les a d'ailleurs. Mais à mes yeux, elle a bien plus. Je ne supporterais pas que l'on dise du mal d'elle.
Nous avons travaillé ensemble une matinée, mais nous ne dormions pas dans la même "koya". "Koya", c'est un vocable polonais qui désigne les planches sur lesquelles nous dormions à six au minimum. Mais en une matinée, elle a eu le temps de m'offrir une robe. Elle l'a fait parce que ni elle ni nous n'avions d'espace pour stocker nos affaires. Sa mère, sa sœur et elle avaient pu emporter une robe de plus.
Simone a vu mon état. Je n'avais plus de cheveux. J'étais en guenilles. Cette robe m'a peut-être sauvée la vie, parce que je n'avais plus le moral. J'avais compris que mon père, mon frère et mon neveu avaient été exterminés à notre arrivée au camp. En quelques heures, nous n'étions plus rien du tout.
Avec cette robe, je suis redevenue une petite jeune fille. C'est un cadeau inestimable qu'elle m'a offert là. J'ai retrouvé de l'énergie.
YOUTUBE/FONDATION MEMOIRE SHOAHGinette Kolinka, 92 ans.
Puis, elle a quitté le camp tout de suite après. Elle est partie à Bobrek. Ensuite, nous nous sommes perdues de vue, puis retrouvées huit ans après. Elle avait repris ses études, moi non. Plus tard encore, je l'ai retrouvée, mais nous n'avions pas les mêmes sujets de conversation. J'étais vendeuse sur les marchés, elle ministre. Son mari se moquait de moi gentiment, il m'appelait "la marchande de caleçons". Ça me vexait, parce que je vendais aussi autre chose. Je plaisante, il a beaucoup d'humour et je riais avec lui.
J'ai mis du temps avant d'accepter de parler de tout cela. Je me disais que j'avais eu la chance de rentrer, alors ce n'était pas la peine d'ennuyer tout le monde avec ça. Mais aujourd'hui, c'est différent. Avec la Fondation pour la mémoire de la Shoah, je voyage en France pour raconter ce que j'ai vécu. Si aujourd'hui à 92 ans je réussis à cavaler ainsi, c'est grâce à la Fondation, que Simone a présidée pendant 5 ans.
http://www.huffingtonpost.fr/ginette-kolinka/a-auschwitz-simone-veil-ma-offert-une-robe-je-crois-quelle_a_23009738/