La confiance des Français sur les médicaments a été altérée par l'affaire Mediator ®. Afin d'évaluer et de corriger le système, les auditions et rapports se sont multipliés depuis
6 mois, prônant tous des changements plus ou moins radicaux. Xavier Bertrand a pris acte de ces analyses et a présenté le 23 juin les piliers d'une réforme qui devrait profondément
changer le système actuellement en vigueur.
"Il faut qu'il y ait un avant et après Mediator"
L'affaire Mediator ® a montré les défaillances graves du fonctionnement du système
du médicament. Ce constat, étayé par
l'Igas en janvier dernier, a été suivi de la mobilisation de tous les acteurs du système de santé pour tenter d'améliorer la sécurité des produits de santé.
Plusieurs rapports ont été établis, notamment un deuxième de l'Igas avec 41 propositions, le rapport de
la mission parlementaire sur le Mediator et la pharmacovigilance présidée par le député Gérard Bapt et celui des Assises du Médicament, remis ces
derniers jours. Ces rapports, ainsi que celui, à venir, du sénateur François Autain (rapporteur des travaux de la commission d'information du Sénat "Mediator : évaluation et
contrôle des médicaments"), proposent tous d'améliorer la transparence, de réformer la gouvernance, de lutter contre les conflits d'intérêt et d'optimiser l'information.
Des préconisations qui semblent avoir été entendues par le ministère de la santé et Xavier Bertrand, qui a affirmé que "les Français ont besoin d'avoir confiance dans leurs
médicaments". Il a donc exprimé la nécessité de "changer un certain nombre de choses en profondeur et sans tarder". Pour cela, le ministre a annoncé de nombreuses mesures ambitieuses regroupées en 3 piliers de
la prochaine réforme du médicament, réforme qui sera élaborée et votée d'ici fin 2011. Voici les principales propositions.
Pilier 1 : prévention des conflits d'intérêt et transparence
Comme l'ont souligné tous les analystes du système français du médicament depuis des mois, les conflits d'intérêts ont vicié les prises de décisions, ce qui a exposé les patients à des
médicaments au rapport bénéfices-risques plus que contestable (Mediator ®, mais aussi Actos ®, Ketum ®, Vastarel ®, Nizoral ®, Champix ® et, il y a plus longtemps, le Vioxx ® ou le Distilbène ®).
Le ministre de la santé a donc pris acte de ces carences de l'évaluation et a suivi les préconisations des analystes en annonçant :
- la mise en place d'une déclaration publique d'intérêt (DPI) systématique pour les acteurs du monde de la santé :
experts, mais aussi associations de patients, fonctionnaires impliqués, organismes de santé. Ces DPI seront consultables via une base de données publique. Leur absence sera passible de
sanctions. La présence de conflits d'intérêt dans une commission prenant des décisions sera également sanctionnable.
- Sunshine Act à la française : tous les financements et conventions passés entre l'industrie pharmaceutique et les médecins,
experts, sociétés savantes, associations de patients et organes de presse spécialisés devront être publiés et consultables par tous, sous réserve de sanctions
- ouverture à la pluridisciplinarité des commissions, avec par exemple l'intégration de représentants des associations de patients,
ce qui était demandé depuis des années
- transparence des débats et décisions des commissions sur les médicaments, avec enregistrement vidéo des réunions, limitation du
nombre de membres et de leurs mandats, renforcement des capacités d'expertise en interne.
A noter également un changement de nom de l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), qui deviendra l'ANSM (Agence Nationale de Sécurité du
Médicament et des produits de santé), ce qui ne change certes pas grand-chose sémantiquement mais correspond probablement à une volonté de marquer le changement...
Pilier 2 : le doute doit systématiquement bénéficier au patient...
... et non aux fabricants des médicaments ! Cela semble évident mais pourtant, l'affaire Mediator ® a montré que l'on pouvait laisser sur le marché un médicament retiré dans
d'autres pays en raison d'une toxicité cardiaque très fortement suspectée, probablement au nom d'intérêts industriels qui n'auraient jamais dû prévaloir sur la santé publique.
Concrètement, pour inverser ce paradigme néfaste, Xavier Bertrand propose :
- de renforcer l'exigence de données d'efficacité par rapport aux médicaments de référence pour délivrer l'autorisation de mise sur
le marché (AMM). Cette AMM est, de fait, décidée au niveau européen dans 90 % des cas
- d'autoriser le remboursement (au niveau national) seulement s'il existe des données scientifiques rigoureuses prouvant une
efficacité au moins comparable à celle du médicament de référence remboursable. A l'inverse, les médicaments au service médical rendu insuffisant ne seront plus remboursés, "sauf
avis contraire motivé du ministre".
- d'encadrer les prescriptions hors AMM, qui devront être mentionnées sur l'ordonnance ("hors AMM" en face du médicament
concerné). Ces prescriptions devront être suivies, répertoriées par les logiciels d'aide à la prescription des médecins et pourront faire l'objet de recommandations (d'usage ou de non
usage).
- de suivre le médicament "tout au long de sa vie", en favorisant et centralisant la notification d'effets indésirables, récemment
ouverte aux patients par l'Afssaps. Comme les participants des Assises du médicament l'avaient préconisé, un numéro vert d'appel et l'adresse internet du site de l'ANSM (ex-Afssaps
donc...) seront inscrits sur les boîtes, ainsi qu'un pictogramme (triangle noir ?) pour les médicaments sous surveillance renforcée.
- de réévaluer l'ensemble de la pharmacopée, à commencer par les médicaments les plus anciens, comme demandé par exemple par les
professeurs Even et Debré
- de renforcer l'évaluation des dispositifs médicaux et d'encadrer leur publicité.
Pilier 3 : mieux informer les patients et les professionnels de santé
L'épisode de la
grippe A a montré à quel point les discours des experts, des médecins traitants, des patients sur internet, dans les cabinets médicaux, voire de la ministre de l'époque
pouvaient être contradictoires, mal sourcés, à l'origine de mauvaises interprétations, voire de théories du complot.
Afin d'optimiser l'information sur les médicaments, Xavier Bertrand annonce donc :
- la mise en place d'un portail public du médicament regroupant les informations des agences sanitaires et de l'Assurance
maladie
- des campagnes d'information auprès du grand public
- la limitation (et non la suppression, comme le réclamait l'Igas) de la visite médicale à l'hôpital, avant de le faire également
en ville, ce que contestent les industries du médicament (le Leem)
- le renforcement de la formation initiale sur les médicaments, avec une évolution vers la prescription en dénomination commune
internationale (DCI) et non en nom de marque (paracétamol 500 au lieu de Doliprane ® par exemple)
- l'interdiction du financement direct de la formation des étudiants et des médecins par l'industrie pharmaceutique (remplacé par
un financement indirect via une taxe), mesure également contestée par le Leem (mais qui semble approuver les autres mesures, dont le Sunshine Act)
- la création d'un comité stratégique de la politique des produits de santé et de sécurité sanitaire, sous la présidence du
ministre.
L'ensemble des mesures annoncées par Xavier Bertrand le 23 juin :
Mesures de la réforme
du médicament - 23 06 11
Une réforme ambitieuse et prometteuse
Si les parlementaires votent toutes ces mesures, il s'agira effectivement, comme l'a souhaité Xavier Bertrand, de la "réforme la plus importante jamais entreprise dans le secteur du
médicament".
Le Dr Irène Frachon (deuxième lanceur d'alerte sur le
Mediator ®, après le Dr Georges Chiche en 1999) s'est d'ailleurs dite "très heureuse" de cette réforme, qui représente pour elle une véritable avancée.
Quant au député socialiste Gérard Bapt, qui s'est énormément investi au sein de la mission parlementaire sur le Mediator et la pharmacovigilance, il s'est également déclaré
"satisfait" de ces annonces. Cependant il regrette "que cela arrive tard pour les victimes, notamment celles d'autres médicaments -Distilbène, Isoméride, Vioxx-, qui risquent
d'être renforcées dans leur solitude". Pour ces dernières, il préconise l'instauration législative, non évoquée par Xavier Bertrand, d'"actions de groupe portées par les
associations représentatives", qui seraient des équivalents des class actions américaines, mais sans la voracité bien connue des avocats d'Outre-Atlantique. ..
Peut-être cela fera-t-il l'objet de compléments législatifs, lors des discussions sur cette loi ou après les prochaines élections ?
Jean-Philippe Rivière
Sources :
- Mesures de la réforme du médicament annoncées par Xavier Bertrand, ministère de la santé, 23 juin 2011, résumé des mesures accessible en ligne sur le site du ministère. Discours
du ministre.
- Réactions d'Irène Frachon et de Gérard Bapt, recueillies après la conférence de presse
- "Réforme de la politique du Médicament : le Leem entre convergences et réserves", communiqué de presse du Leem, 23 juin 2011
Photo :
- Xavier Bertrand le 15 janvier lors de la conférence de presse suivant la remise du rapport de l'Igas (illustration), © DURAND FLORENCE/SIPA
- Le Dr Gérard Bapt, cardiologue et parlementaire socialiste, avril 2011, © LANCELOT FREDERIC/SIPA
- Le Dr Irène Frachon, pneumologue, auteur d'une étude objectivant des valvulopathies caractéristiques chez des utilisateurs du Mediator ® (et qui s'est battue pour faire enfin
reconnaître ces résultats par l'Afssaps), auteur également du livre "Mediator, combien de morts ?", janvier 2011, © JYLE/NOUVELOBS/SIPA
c'est drôle , je n'y crois pas..... Derrière il y a tellement de frics de jeux.....