TRAJETS DE SOINS ET RESEAU LOCAL MULTIDISCIPLINAIRE :
Introduction du symposium organisé par l’ABSyM le 7 février
2009.
1- Trajets de soins
Lorsque je
faisais mes stages de fin d’études, j’ai dû m’occuper seul un dimanche après-midi d’un patient victime d’un infarctus du myocarde, décelé par mon seul tracé électrocardiographique. Il fut placé
dans un lit du service de Médecine Interne avec une perfusion contenant un médicament vasodilatateur et l’on attendit le lendemain pour en faire plus. Mais quoi ?... Actuellement, un tel
traitement serait considéré comme non assistance à personne en danger.
La science
médicale a fait des progrès considérables et l’on peut dire que l’on est passé en quelques dizaines d’années d’une médecine humaniste et empathique à une médecine scientifique de plus en plus
performante.
Une des
conséquences de ceci est que nous nous occupons d’un nombre croissant de patients coronariens, cancéreux,… dont la pathologie a été stabilisée et chronicisée grâce à des médicaments d’une
efficacité remarquable.
Cette tâche
importante nécessite non seulement un excellent suivi par le médecin de famille, mais nécessite un suivi régulier par un médecin spécialiste de la pathologie envisagée, quand ce n’est pas
celui-ci qui se substitue à nous comme médecin traitant…
Vu
l’évolution vers un nombre croissant de ces pathologies, il devient évident que la répartition des tâches dans cette situation s’avère parfois difficile.
Dans les
années qui viennent, le médecin de famille sera de plus en plus confronté à la nécessaire prise en charge d'une population vieillissante porteuse de multiples pathologies chroniques.
Pour ce
faire, il faudra rendre à ce médecin de famille un rôle qu'il n'aurait jamais dû quitter : le rôle pivot du système. Il est le mieux placé pour gérer la prise en charge des patients
chroniques.
L'ABSyM a
lancé, par l’entremise de Jacques de Toeuf le concept des trajets de soins lors des Dialogues de la Santé organisés par le Ministre Demotte en 2003. Les trajets de soins ont pour but de promouvoir en première instance une meilleure collaboration entre médecins de famille et médecins spécialistes dans l’intérêt
bien compris de leur patient, qui lui-même doit s’engager à respecter le plan proposé.
Le diabète
qui, avec l’insuffisance rénale, sera le premier de ces trajets de soins, est l’exemple typique de pathologie nécessitant une stratégie adéquate. Les diabétologues ne suffiront largement pas à la
tâche face à l’évolution explosive de la maladie, et celle-ci nécessitera une nouvelle manière de travailler pour nous particulièrement : la prise en charge en équipe. Oui, le diabétologue peut
nous aider, oui, l'infirmier éducateur et la diététicienne ont un rôle à jouer, non, nous ne pouvons tout assumer seuls.
Les jeunes
médecins sont prêts à travailler de manière moins individuelle, ils comprendront rapidement l'intérêt de ce nouveau mode d'exercice de notre profession.
Refuser de
comprendre les enjeux et le défi qui nous attendent revient à adopter une attitude suicidaire, soit favoriser la disparition d'une médecine de première ligne forte et respectée pour son
implication dans le système de santé.
La
procédure d'implémentation des trajets de soins est simple. Elle le sera encore plus à l'avenir, une fois développé un outil de communication informatique performant et sécurisé de manière
adéquate par un tiers de confiance.
Le
contrat « trajet de soins » consiste en un engagement de chacun de respecter un plan de prise en charge et d’accepter que les données
soient collectées, communiquées et traitées en respectant l’anonymat du patient.
Ce contrat
est conclu pour une durée initiale de 4 ans.
Il définit
les diverses étapes du suivi du patient, la fréquence de différents contrôles, la périodicité des visites auprès du médecin de famille (au moins 2 par an) et du médecin spécialiste (au moins 1
par an). Le patient accepte également l’ouverture d’un dossier médical global (DMG).
La
communication de ce contrat à l’organisme assureur du patient ouvre le droit au versement automatique et dans les 30 jours d’une somme de 80€ au médecin traitant et au médecin spécialiste. Le
patient quant à lui bénéficie de la suppression du ticket modérateur chez le médecin de famille et chez le spécialiste, sans qu’une limite ne soit fixé au nombre de ces
consultations.
A la fin de
la première et de la deuxième année, l’organisme assureur verse aux deux médecins la même somme de 80€ et le patient conserve le droit à la suppression du ticket modérateur. La transmission, de
préférence par voie électronique, des données d’évaluation et des données administratives conditionne le versement pour la troisième année.
La
poursuite au-delà des 4 ans sera organisée en fonction d’une évaluation ultérieure.
Les
critères d’inclusion sont :
Dans le
diabète :
- le diabétique de type II sous 2 injections
d’insuline
- le diabétique de type II sous traitement oral maximum
pour lequel un traitement à l’insuline est envisagé ou a été instauré.
Ceci
concerne environ 72.000 patients.
Dans
l’insuffisance rénale chronique : un e-GFR<45ml/minute/1,73m³ sur la base de la formule MDRD simplifiée et/ou une protéinurie >1g/24h,
les 2 étant calculés 2 fois à 3 mois d’intervalle minimum. Le nombre des patients est ici estimé à environ 6000.
Les données
faisant l’objet d’une évaluation sont dans un premier temps limitées à 4 paramètres dans le cas du diabète : hémoglobine glycosylée, LDL-cholestérol, BMI et tension artérielle.
Dans le cas de l’insuffisance rénale chronique : diagnostic rénal (un des codes suivants : diabète type 1, diabète type 2 avec ou
sans biopsie, vasculaire sans diabète, glomérulopathie avec ou sans biopsie, néphropathie polykystique autosomale dominante, autre, inconnu), tension artérielle systolique, hémoglobine,
créatinine, e-GFR, PTH.
Le
matériel (tigette et glucomètre dans le diabète) est prescrit par le médecin traitant et remboursé comme dans la convention diabétique. Il peut
être délivré par différents canaux : pharmacie, Centre de Rééducation fonctionnelle, Association Belge du Diabète, Vlaamse Diabetes Vereniging.
L’éducation doit être prescrite par le médecin généraliste qui a fixé avec le patient des objectifs individualisés
et mesurables. L’éducation doit être dispensée par des éducateurs en diabète « agréés » qui doivent faire rapport au médecin de famille.
.
2- Réseau local multidisciplinaire
Afin
d’aider le médecin de famille à implémenter les trajets de soins de manière optimale, les cercles de médecins généralistes sont invités sur base volontaire à organiser un réseau local
multidisciplinaire.
Les
responsables du cercle (ou des cercles) du territoire envisagé sont invités à mettre en place une structure locale destinée à soutenir les diverses tâches relevant des trajets de soins. Ceci peut
se faire sous diverses formes (le cercle seul, un SISD, le cercle avec le SISD…) laissées au choix du cercle. Il va de soi que ce réseau local a un caractère générique et pourra être utilisable
pour le nombre le plus élevé possible d’affections chroniques. Il renforce et soutien le développement des structures de coordination de soins existantes.
Un montant
annuel forfaitaire de 75.000€ est attribué au cercle qui participe au projet pour une population couverte de minimum 75.000 habitants. Le contrat
souscrit l’est pour une durée de 4 ans et peut être reconduit.
Parmi les
objectifs de ce réseau local, relevons :
1° faire connaître le concept du trajet de
soins, et notamment les droits qui en découlent, en matière d’assurance maladie invalidité, en bonne intelligence avec les organismes assureurs
2° proposer une gamme complète et coordonnée
d’intervenants et d’interventions qui peuvent agir sur chacun des composants de la pathologie, de manière à pouvoir prévenir ou ralentir l’apparition
des complications
3° éduquer le patient ainsi que, si nécessaire,
son entourage, sa famille, l’école ou le milieu professionnel, à la compréhension de sa maladie, du traitement et du
suivi
4° délivrer et apprendre à utiliser le matériel
technique (par exemple tigettes et lecteur de glycémie) ou d’assistance ou de monitoring
5° motiver le patient ainsi que son entourage
par une information adaptée
6° réaliser à temps les consultations et les
examens conseillés ou prévus
7° collecter les données et les informations
médicales, et les partager de manière adaptée entre les professionnels de la santé impliqués
8° évaluer le suivi des patients et rechercher des stratégies d’amélioration.
Au moins annuellement, le réseau adresse un
rapport succinct d’activité et participe à un Conseil informel des réseaux multidisciplinaires locaux, de manière à partager les
expériences.
Le
cercle engage sous contrat de travail, un gestionnaire de
réseau chargé de soutenir l’organisation du réseau local multidisciplinaire. Le gestionnaire de réseau n’interfère pas avec les soins individuels et
n’est pas interpellé par le patient, mais bien par le médecin généraliste.
Le cercle qui engage un gestionnaire reçoit à
titre compensatoire un montant annuel de 18.000€ par réseau local.
Le réseau local multidisciplinaire, avec l’aide
de son gestionnaire de réseau :
1° contribue à propager le concept des trajets
de soins
2° organise la participation et met à jour la
liste complète des prestataires nécessaires au trajet de soins, les coordonne, exécute les tâches administratives, organise les réunions, la
communication, la formation continue
3° établit des liens et passe des accords de
collaboration avec les personnes et les structures existantes de coordination de soins d’acteurs de première ligne qui remplissent un rôle clé dans le cadre du trajet de
soins
4° encourage le partenariat et le respect des
rôles de chacun, y compris le rôle central que remplit le médecin généraliste en tant que coordinateur des soins de son patient
5° favorise la communication et les contacts entre les prestataires et avec les médecins spécialistes
6° participe au Conseil informel des réseaux locaux multidisciplinaires organisé par l’INAMI, qui a pour but d’identifier et de promouvoir les modèles
d’organisation qui se révèlent les plus performants et de dresser un bilan
7° le gestionnaire de réseau rend compte de ses
activités, directement ou aux délégués du réseau multidisciplinaire, selon une fréquence fixée préalablement.
Les médecins spécialistes enfin :
-
Participent à l’encadrement et à la formation
des membres de l’équipe multidisciplinaire ainsi qu’à la définition des stratégies locales d’amélioration des soins
-
Assurent les missions qui leur sont
spécifiquement attribuées dans le plan de suivi du trajet de soins particulier
-
Suivent plus particulièrement les patients
qui n’atteignent pas leurs objectifs thérapeutiques
-
Sont disponibles, de manière concertée, pour
les médecins généralistes pour des questions relatives à des cas individuels ou collectifs
-
dans le cadre de trajets de soins, ils peuvent mettre à la
disposition du patient, en concertation avec les médecins généralistes, les ressources spécifiques dont ils disposent (par exemple en matière d’éducation).
En conclusion
Un certain
nombre de modalités n’ont probablement pu être prises en compte dans la conception des trajets de soins et du réseau local multidisciplinaire. Elles devront faire l’objet de mises au point
ultérieures.
La mise en
place des trajets de soins s'est assimilée à une longue saga, mais il est important que leur démarrage soit une réussite, ce qui a nécessité plusieurs reports.
Je
considère néanmoins que nous participons à l'éclosion d'un nouveau concept, à la pointe des systèmes de santé performants, au service de nos patients et dans l'intérêt de notre
profession.
Michel
VERMEYLEN
Président
Association
des Médecins de Famille
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