3. Prise en charge du pied
a. Pied non chirurgical
- Plaie non infectée et non ischémique, grade I de la classification de Wagner.
- Les soins locaux doivent être réalises par un personnel infirmier entraîné. Ils sont largement dominés par le débridement de la plaie au bistouri (décornage, pelage).
- Le pansement doit se limiter à des antiseptiques et ne doit pas être aggressif pour les tissus ni masquer leur aspect (pas de colorant, pas d'antibiotiques locaux, pas de sparadrap collé sur la
peau...). Aucun topique n'a fait la preuve de son efficacité. Des protocoles sont en cours pour évaluer l'intérêt des facteurs de croissance ou des greffes de cellules dans la cicatrisation des
lésions du pied diabétique.
- La mise en décharge est indispensable à obtenir en cas de plaie plantaire. Elle est assurée par le port de chaussures à appui partiel, soit talonnier (Barouk), soit antérieur (Sanital).
- Le traitement des mycoses fait appel aux antifungiques locaux (Amycor®, Pévaryl®, Loceryl®, Mycoster®...) ou parfois généraux (Lasimil®, Griséfuline®).
b. Pied chirurgical infecté
- La mise à plat rapide et large de tous les tissus touchés doit être effectuée dès qu'il y a une infection clinique patente (pied inflammatoire, collection).
- Une antibiothérapie doit être débutée, associant au moins 2 molécules répondant aux critères suivants: spectre suffisamment large pour couvrir les germes aérobie et anaérobie, diffusion
tissulaire et osseuse élevée, possibilité dans certains cas d'utiliser la voie orale pour-respecter le suivi ambulatoire. Cette antibiothérapie doit être adaptée dans un deuxième temps selon
l'évolution clinique et les données des antibiogrammes. Sa durée est déterminée par l'extension du sepsis et notamment l'atteinte osseuse qui peut faire poursuivre ce traitement durant plusieurs
mois.
c. Pied chirurgical ischémique
Les possibilités d'une revascularisation doivent être discutées avant tout geste d'exérèse. L'atteinte du trépied jambier est fréquente, mais les artères sont souvent perméables au niveau de la-
cheville et du pied permettant la réalisation de pontages distaux. Les résultats de ces procédures de revascularisation sont actuellement comparables entre diabétiques et non diabétiques (4).
Lorsqu'un geste apparaît possible en fonction des données de l'exploration vasculaire, l'indication doit être portée précocément, qu'il s'agisse d'angioplastie transluminale (surtout pour les
lésions proximales et courtes) ou de pontages notamment distaux utilisant de préférence la veine saphène.
La sympathectomie lombaire est inefficace du fait de la sympatholyse neuropathique spontanée et n'a donc aucun intérêt.
Quand aucun geste de revascularisation n'est possible, différents traitements médicaux ont été proposés mais sans efficacité démontrée pour les anticoagulants, les vasoactifs même injectables,
les prostacyclines (AMM pour la maladie de Buerger), I'hémodilution. L'hyperbarie a quelques indications mais elle est peu disponible. Ces traitements ne doivent en aucun cas retarder l'heure de
l'amputation si cette dernière s'avère inéluctable. Il faut en effet opérer les patients quand ils sont encore en bon état général. Sur le plan de la prise en charge générale de la maladie
athéroscléreuse, le traitement antiagrégant plaquettaire est ici utile (A. Acétyl Salicylique, Ticlopidine).
Une amputation peut s'imposer devant des lésions évoluées, et putrides, une douleur difficile à maîtriser, une aggravation rapide des lésions ou de l'état général. Le niveau d'amputation est
difficile à déterminer et se décide sur la conjonction de plusieurs éléments: clinique, TcPO2, artériographie, expérience du chirurgien. Elle doit être aussi conservatrice que possible, mais en
évitant le risque de réinterventions successives. Il faut différencier les exérèses localisées et amputations partielles du pied qui permettent la conservation de l'appui talonnier et qui doivent
être fonctionnelles, des amputations hautes (jambe ou cuisse). La conservation du genou est liée aux possibilités de cicatrisation et d'appareillage. Cet appareillage doit être réalisé le plus
tôt possible en centre spécialisé.
d. Prise en charge podologique
Une consultation auprès d'un médecin podologue doit être programmée dès la cicatrisation obtenue permettant un bilan des 2 pieds pour adapter le chaussage (orthèses - chaussures). Le suivi
régulier de s patients en podologie est indispensable pour vérifier la bonne adaptation des orthèses plantaires et chaussures orthopédiques prescrites et les faire modifier ou renouveler si
nécessaires. La prévention des récidives s'appuie sur l'éducation et le suivi médical très régulier de ces patients à très haut risque.
CONSEQUENCES ECONOMIQUES
Les lésions du pied des diabétiques nécessitent souvent des hospitalisations prolongées en milieu spécialisé, sources de dépenses importantes pour la collectivité. Les coûts sont considérablement
accrus en cas d'amputation. Nous manquons cependant de données précises sur ce sujet en France. Seules quelques publications étrangères (suédoises, américaines) et quelques expériences
ponctuelles en France (étude GECICA) permettent d'approcher ces problèmes économiques. Il faudrait envisager des études prospectives sur le nombre d'amputations des membres inférieurs réalisées
chaque année chez les diabétiques, sur les coûts qui leur sont imputables et sur l'évaluation des stratégies de soin pour connaître la situation actuelle et reconnaître les stratégies ayant les
meilleurs bénéfices. La prévention primaire doit participer à la réduction du surcoût global. Une prise en charge ambulatoire doit permettre de réduire le surcoût des hospitalisations. La
précocité de cette prise en charge augmente les chances de cicatrisation et doit réduire le surcoût lié aux amputations.
VERS UNE PRISE EN CHARGE MULTIDISCIPLINAIRE CONCERTEE
Il existe peu de centre spécialisés en France pour la prise en charge des lésions du pied chez le diabétique. Beaucoup de patients reçoivent des soins sans voir de diabétologue, sans stratégie
concertée, en restant longtemps hospitalisés faute d'une structure ambulatoire accessible. L'évolution doit se faire vers une réorganisation des structures ou des intervenants actuels, permettant
une prise en charge multidisciplinaire plus efficace. Les différents acteurs de soins concernés sont:
- le diabétologue et son équipe,
- le chirurgien (orthopédiste, plasticien, vasculaire),
- l'équipe vasculaire associant un angeiologue, un radiologue et un chirurgien,
- le médecin podologue,
- le laboratoire de bactériologie.
Ils doivent coordonner et harmoniser leurs interventions dans le cadre d'une structure commune ou au moins d'une stratégie concertée (création de réseaux).
La gestion d'une structure ambulatoire, avec intervention du diabétologue et d'infirmières spécialisées permet de raccourcir les hospitalisations et de suivre le patient jusqu'à cicatrisation
complète, en contrôlant la qualité des soins locaux et en les adaptant selon l'évolution. Elle implique la participation active du médecin traitant qui doit surveiller au domicile du patient le
suivi de l'hygiène, de la décharge, du respect des consignes et de l'efficacité des actes paramédicaux. Le suivi en milieu vasculaire est assuré parallèlement en cas d'artériopathie.
QUI INTERVIENT ? A QUEL STADE ?
Des lésions superficielles non ischémiques et non infectées peuvent être prises en charge par le médecin traitant, mais impliquent dès ce stade la nécessité d'un avis diabétologique rapide car
ces lésions témoignent d'une pathologie sous-jacente du pied qui peut être menaçante. Aux stades suivants de lésions profondes ou ischémiques ou infectées, il est préférable d'adresser le patient
à une structure spécialisée multidisciplinaire sans perdre de temps car l'évolution peut être très rapidement péjorative.
PROPOSITIONS
La réduction du nombre de plaies et d'amputation chez le diabétique passe par la sensibilisation et la formation des médecins généralistes et spécialistes, des infirmier(e)s, des pédicures, à ce
problème du pied chez le diabétique et à l'urgence de sa prise en charge. Elle nécessite une harmonisation des actes, sachant que beaucoup de problèmes actuels relèvent avant tout de défauts
d'organisation entre les différents intervenants. Elle implique la revalorisation de la nomenclature pour les actes infirmiers (pansements à domicile), pour l'acte d'éducation et le remboursement
des soins de pédicure qui facilitera la prise en charge ambulatoire plus fréquente des diabétiques ayant des troubles trophiques constitués des pieds.
Cette remise en question de la prise en charge actuelle du pied diabétique et ses lacunes incitent à proposer des études épidémiologiques sur le sujet et une évaluation rigoureuse des procédures
de soins.
REFERENCES
1 Halimi S, Benhamou PY, Charras H. Le coût du pied diabétique. Diabete Metab, 1993, 19, 518-522.
2 Most RS, Sinnock P. The epidemiology of lower extremity amputations in diabetic individuals. Diabetes Care, 1988, 6, 87-91.
3 Apelqvist J, Ragnarson-Tennwall G., Persson U, Larsson J. Diabetic foot ulcer in a multidisciplinary setting. An economic analysis of primary healing and healing with amputation. Intern Med
1994, 235, 463-471.
4 Logerfo FW & Gibbons GW. Ischemia in the diabetic foot: modern concepts and management. Clin Diab 1989, 72-74.
5 Wagner FW. The diabetic foot. Orthopedics, I987, 10, 163-172.
http://www.alfediam.org/membres/recommandations/alfediam-pied.asp