REVUE EUFIC 06/2010
La meilleure invention depuis le pain en tranches ? - Présentation des avantages des aliments transformés
1. Introduction et définitions
Nous transformons tous des aliments lorsque nous préparons les repas pour nous-mêmes et notre famille et quasiment tous les aliments subissent une transformation avant d’être prêts à consommer.
Certains aliments sont du reste dangereux s’ils sont mangés sans être correctement transformés au préalable. La définition la plus élémentaire de la transformation alimentaire est « une chaîne
d’opérations visant à rendre les denrées alimentaires brutes propres à la consommation, la cuisson ou le stockage ». La transformation des aliments englobe toute action transformant ou
convertissant des matières végétales ou animales brutes en produits alimentaires sûrs, mangeables et plus savoureux. Dans la fabrication alimentaire à grande échelle, la transformation implique
l’application de principes scientifiques et technologiques ralentissant ou freinant les processus naturels de décomposition en vue de la conservation des aliments. Elle permet aussi de modifier
la qualité gustative des aliments d’une manière prévisible et maîtrisée. La transformation s’appuie également sur le potentiel créatif de l’entreprise de transformation pour transformer des
matières premières brutes en aliments savoureux attractifs qui introduisent une diversité intéressante dans le régime alimentaire des consommateurs. Sans transformation, il serait impossible de
satisfaire les besoins des populations urbaines modernes et le choix d’aliments serait limité par les saisons.
Le terme « aliments transformés » est souvent teinté d’une connotation négative, qui laisserait penser que les aliments transformés sont inférieurs dans une certaine mesure aux aliments non
transformés. Il est toutefois important de garder à l’esprit que la transformation des aliments est utilisée depuis la nuit des temps afin de conserver les aliments, ou tout simplement de les
rendre comestibles. La transformation peut améliorer, mais aussi dégrader, la valeur nutritionnelle des aliments, quelquefois les deux à la fois. Elle permet également de conserver les nutriments
qui auraient autrement été perdus pendant le stockage. Par exemple, les haricots crus ne sont pas comestibles et le simple fait de les chauffer (de les bouillir) les rend comestibles en
détruisant ou en désactivant les facteurs antinutritionnels qu’ils contiennent. Le fait de faire bouillir les légumes mène certes à une perte de vitamine C, mais il permet dans le même temps de
libérer certains composés bioactifs bénéfiques tels que la bêta-carotène dans les carottes, qui serait moins disponible lors de la digestion car la chaleur détruit les parois cellulaires de la
plante.
Depuis des siècles, les aromates ont une fonction utile pour divers aliments. Ainsi, nos ancêtres utilisaient le sel pour conserver la viande et le poisson, ajoutaient des herbes et des épices
pour améliorer le goût de la nourriture, conservaient les fruits dans du sucre et plaçaient les légumes en saumure dans une solution à base de vinaigre. À l’heure actuelle, les consommateurs
réclament et apprécient des aliments nutritifs, sûrs, pratiques et variés. Les méthodes de transformation (par ex., les additifs alimentaires et les avancées technologiques) rendent tout cela
possible. Les additifs servent à une fin particulière, que ce soit pour garantir la sécurité alimentaire, pour augmenter la valeur nutritionnelle ou pour améliorer la qualité des aliments. Ils
jouent un rôle important dans la préservation de la fraîcheur, de la sûreté, du goût, de l’aspect et de la texture des aliments. Par exemple, les antioxydants empêchent les graisses et huiles de
rancir, alors que les émulsifiants empêchent le beurre d’arachide de se scinder en deux parties : solide et liquide. Les additifs alimentaires retardent la formation de moisissure dans le pain et
« gélifient » la confiture pour qu’elle s’étale plus facilement.
2. Historique
Les êtres humains transforment les aliments depuis plusieurs siècles (voir tableau 1). Les techniques traditionnelles les plus anciennes étaient le séchage au soleil, la salaison de la viande et
du poisson ou la conservation des fruits dans du sucre (l’équivalent de nos confitures). Ces différents processus reposent sur le principe que la réduction de la quantité d’eau dans le produit
augmente sa durée de conservation. Plus récemment, les innovations technologiques dans le domaine de la transformation ont permis de diversifier considérablement l’offre que nous trouvons
actuellement dans les rayons de nos supermarchés. En outre, la transformation permet aux fabricants de proposer des produits améliorés sur le plan nutritif (les « aliments fonctionnels »),
auxquels des ingrédients ont été ajoutés pour offrir des avantages pour la santé qui dépassent la simple nutrition.
2.1 Histoire de la mise en conserve
La conserve fut inventée au début du XIXe siècle, alors que les troupes de Napoléon étaient menacées d’un sérieux manque de nourriture. En 1800, Napoléon Bonaparte proposa une récompense de 12
000 francs à quiconque trouverait une méthode pratique de conservation des aliments pour les armées en marche. Napoléon aurait affirmé que « Une armée marche à son estomac ». Après plusieurs
années d’expérimentation, Nicolas Appert proposa un procédé de son invention qui consistait à sceller des aliments dans des bocaux en verre avant de les cuire, pour lequel il se vit attribuer la
récompense en 1810. L’année suivante, il publia « L’Art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales », premier livre de cuisine en son genre sur les méthodes
modernes de conservation des aliments. Également en 1810, l’Anglais Peter Durand appliqua le procédé d’Appert à divers contenants en verre, céramique, fer-blanc ou autres métaux et obtint le
premier brevet de mise en conserve du roi George III. La boîte de conserve moderne était née.
2.2 Histoire de la congélation
L’industrie du surgelé moderne fut lancée par Clarence Birdseye aux États-Unis en 1925. Fourreur du Labrador, il remarqua que les filets de poisson laissés par les Inuits à geler rapidement dans
la rigueur de l’hiver arctique conservaient mieux le goût et la texture du poisson frais que le poisson congelé à des températures plus élevées à d’autres périodes de l’année. L’élément clé de la
découverte de Birdseye était l’importance de la vitesse de congélation. Il mit au point un équipement industriel destiné à congeler rapidement les aliments. Nous savons maintenant que, allié à un
traitement adéquat avant la congélation, cette congélation rapide permet de garantir une excellente préservation de la valeur nutritive d’un grand nombre d’aliments.
Tableau 1. Développement chronologique des techniques de transformation des aliments
Transformation traditionnelle
|
Procédés plus récents
(à partir de 1900)
|
Techniques modernes
(après 1960)
|
Mise en conserve Fermentation Congélation
|
Cuisson-extrusion
|
Lyophilisation
|
Séchage à l’étuve
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Congélation et réfrigération
Pasteurisation
|
Traitement par lumière pulsée
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Mise en saumure
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Stérilisation
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Irradiation
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Salaison
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Ultra Haute Température (UHT)
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Champs magnétiques
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Fumage
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Traitement par micro-ondes
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Séchage au soleil
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Conditionnement sous atmosphère modifiée
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Chauffage ohmique
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Champs électriques pulsés
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Traitement thermique par atomisation
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Ultra-sonification
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3. Principaux avantages des aliments transformés
3.1 Appétibilité et améliorations sensorielles
Pratiquement tous les aliments subissent une transformation avant d’être prêts pour la consommation. Cela peut se résumer simplement à peler une banane ou à faire bouillir une pomme de terre. Les
produits tels que le blé nécessitent toutefois un traitement élaboré avant de devenir appétissants. Dans un premier temps, le grain est récolté, l’enveloppe, la tige, les saletés et les débris
sont éliminés. Le grain nettoyé est ensuite généralement cuit ou broyé en farine, puis souvent transformé en un autre produit, comme le pain ou les pâtes.
La qualité organoleptique de certains aliments est directement améliorée par les techniques de transformation. Par exemple, les haricots cuisinés tirent leur texture crémeuse du traitement
thermique appliqué lors de la mise en conserve. Les produits extrudés et soufflés comme les céréales pour petit-déjeuner ou les chips seraient quasiment impossibles à produire sans équipement de
transformation des aliments moderne à grande échelle.
3.2 Qualité nutritionnelle préservée et améliorée
Les procédés tels que la congélation préservent les nutriments présents naturellement dans les aliments. D’autres techniques, comme la cuisson, peuvent quelquefois augmenter la valeur
nutritionnelle en rendant les nutriments plus disponibles. Par exemple, la cuisson et la mise en conserve de tomates pour en faire du concentré rend le lycopène, composé bioactif, plus disponible
pour l’organisme. Lorsqu’elle est menée avec soin, la transformation du cacao et du chocolat préserve les niveaux de flavonoïdes comme l’épicatéchine et les catéchines. Leur teneur peut cependant
être réduite dans des conditions de transformation médiocres. Le lycopène et les flavonoïdes ont des propriétés antioxydantes qui, selon certaines études, contribuent à une bonne santé cardiaque
et à la réduction du risque de contracter certains cancers.
Les chercheurs étudient actuellement la possibilité de manipuler la digestibilité des nutriments par la transformation, en vue de créer des aliments à apport nutritif élevé. Il semble, par
exemple, que l’homogénéisation du lait peut réduire la taille des gouttelettes de graisse, les caséines et certaines protéines de lactosérum. Cela confèrerait une meilleure digestibilité que le
lait non traité. De précédentes études montrent que la manipulation de la structure des triglycérides (squelettes de base des graisses) peut également avoir une incidence sur la digestibilité des
graisses, ce qui réduirait le risque de maladie cardiovasculaire après leur ingestion.
3.3 Sécurité
De nombreuses techniques de transformation garantissent la sécurité des aliments en réduisant le nombre de bactéries pouvant entraîner des maladies (par ex. la pasteurisation du lait). Le
séchage, la saumure et la fumaison réduisent l’activité de l’eau (l’eau disponible pour la croissance bactérienne) et modifient le pH des aliments, restreignant la multiplication des
microorganismes pathogènes et d’altération et retardant les réactions enzymatiques. D’autres techniques telles que la mise en conserve, la pasteurisation et le traitement UHT détruisent les
bactéries grâce à la chaleur.
Un autre avantage de la transformation est la destruction des facteurs antinutritionnels. Par exemple, la cuisson détruit les antiprotéases comme l’inhibiteur de la trypsine que l’on trouve dans
les pois, les haricots ou les pommes de terre. Il s’agit de petites protéines globulaires qui inhibent l’action des enzymes digestives humaines, la trypsine et la chymotrypsine, indispensables à
la dissolution des protéines alimentaires. Si elles sont présentes dans les aliments, elles peuvent en réduire la valeur nutritionnelle. Il a été démontré que, à fortes doses, elles sont toxiques
sur l’animal et certaines études montrent des résultats similaires chez l’homme. Une cuisson prolongée détruit également les lectines nocives présentes dans les légumineuses telles que les
haricots rouges. Celles-ci provoquent l’agglutination des globules rouges et, si elles ne sont pas détruites avant la consommation, entraînent des gastroentérites, nausées et vomissements
sévères.
3.4 Conservation, commodité et choix
La transformation des aliments permet d’augmenter la durée de conservation des aliments (aliments périssables tels que viande, lait et produits dérivés). Le conditionnement en atmosphère modifiée
permet de garder plus longtemps des fruits et légumes à la maison, ce qui diminue la fréquence d’achat de produits frais et réduit le pourcentage de perte. Des méthodes sophistiquées de stockage
et de conditionnement augmentent la commodité pour le consommateur.
La transformation nous permet de bénéficier d’un régime varié, adapté au rythme et à la pression de notre société moderne. Les gens voyagent de plus en plus à l’étranger pendant leurs vacances et
découvrent un plus grand choix de saveurs et de types d’aliments. Les individus changent également leurs habitudes et nombre d’entre eux choisissent de ne pas cuisiner les aliments intégralement.
Afin de répondre aux attentes de leurs clients, les fabricants produisent des aliments sophistiqués d’une qualité équivalente à celle d’un restaurant ou en provenance de pays éloignés, que nous
pouvons cuisiner et déguster chez nous.
Les aliments du monde occidental proviennent de cinq récoltes principales : le riz, le blé, le maïs, l’avoine et la pomme de terre. L’ensemble des caractéristiques auquel nous sommes habitués
provient de ces cinq aliments de base associés aux techniques modernes de transformation. Par conséquent, nous pouvons affirmer que nous sommes habitués à une diversité d’aliments produite à
partir d’une gamme réduite d’espèces végétales. Cette transformation des matières premières brutes ne serait pas possible sans la technologie alimentaire moderne.
3.5 Réduction des inégalités et des inquiétudes sanitaires
Les études montrent que les personnes à faibles revenus ont une alimentation moins variée, ce qui se traduit par un apport réduit en nutriments et un équilibre nutritif moins bon.
L’enrichissement de certains produits comme la farine, le pain et les céréales pour petit-déjeuner a réduit le nombre de personnes en Europe dont l’équilibre nutritif est médiocre. En outre, la
préservation de nutriments grâce à des procédés comme la congélation permet à ceux qui n’ont pas accès à une telle diversité d’aliments d’augmenter leur équilibre nutritif à partir du choix
d’aliments réduit à leur disposition.
Les maladies chroniques telles que les maladies cardiaques, l’obésité et le diabète peuvent être en partie gérée par des stratégies alimentaires. Les fabricants ont par conséquent appliqué les
techniques de transformation des aliments pour proposer aux consommateurs des versions allégées en matières grasses, ou sans matières grasses, de nombreux aliments et repas. L’exemple le plus
simple est la production de lait demi écrémé, dont la graisse est retirée lors de la transformation : la crème est écumée après centrifugation. Le taux de matière grasse des aliments peut
également être réduit par l’adjonction d’eau ou d’autres ingrédients destinés à remplacer une partie de la graisse et à réduire la densité d’énergie. Les margarines à teneur réduite en graisse en
sont un bon exemple. L’ajout d’eau donnant un produit plus périssable, les produits à teneur réduite en matière grasse peuvent contenir des stabilisants et conservateurs supplémentaires afin de
conserver leur durée de vie et stabilité d’origine. Outre les produits allégés en matière grasse, la transformation des aliments permet désormais de produire des versions allégées en sel, en
sucre et à teneur en fibres élevée de nombreux aliments, ce qui permet aux consommateurs de faire des choix alimentaires adaptés à leur état de santé.
4. Différentes méthodes de transformation
4.1 Traditionnelles
4.1.1 Chauffage
La température de l’aliment est amenée à un niveau qui permet d’inhiber le développement de bactéries, de désactiver les enzymes ou même de détruire des bactéries viables. Les méthodes de cuisson
humides classiques sont le blanchiment, l’ébullition, la cuisson à la vapeur et à pression. Les méthodes de cuisson sèche sont la cuisson au four, la friture et le rôtissage. Dans les techniques
plus récentes, la chaleur est appliquée par radiation électromagnétique, par exemple les micro-ondes.
Les techniques à Ultra Haute Température (UHT) sont largement utilisées dans l’industrie alimentaire. Elles consistent à chauffer l’aliment à ≥135 °C pendant au moins une seconde, puis à le
refroidir brusquement afin de détruire tous les microorganismes.
La pasteurisation consiste à chauffer l’aliment à au moins 72 °C pendant au moins 15 secondes afin d’éliminer la plupart des agents pathogènes transmis par la nourriture, puis à le refroidir
rapidement à 5 °C.
4.1.2 Refroidissement
La température de l’aliment est réduite de manière à ralentir sa détérioration, soit en retardant le développement bactérien, soit en désactivant les enzymes provoquant leur dégradation. Les
méthodes de refroidissement classiques sont la réfrigération, à des températures avoisinant 5 °C, et la congélation, avec des températures inférieures à -18 °C (inférieures à -196 °C dans les
congélateurs commerciaux). Plus la température est basse, plus les aliments peuvent être stockés en toute sécurité. Cependant, les changements importants de température sur des périodes
prolongées peuvent entraîner des pertes de nutriments et une décomposition des structures des aliments qui provoquent une réduction importante de la nature et de la valeur nutritionnelle de
l’aliment.
4.1.3 Séchage
En séchant, le contenu en eau des aliments végétaux est réduit à un niveau tel que les réactions biologiques (telles que l’activité enzymatique et la croissance microbienne) sont inhibées, et la
probabilité d’une détérioration de l’aliment est ainsi réduite. Le séchage peut prendre la forme d’une lyophilisation (par ex. les herbes et le café), d’un traitement thermique par atomisation
(par ex. le lait en poudre), d’un séchage au soleil (par ex. tomates, abricots) ou d’un séchage en tunnel (par ex. légumes en morceaux).
4.1.4 Additifs alimentaires
L’adjonction de sucre ou de sel aux aliments est utilisée depuis la nuit des temps comme méthode de conservation de la nourriture. Elle repose sur le principe que les additifs réduisent
l’activité de l’eau des aliments conservés, ce qui empêche le développement des organismes responsables de leur détérioration. Il est également possible de ralentir ou de freiner le développement
de certains microorganismes et de les tuer en modifiant le pH de la nourriture (par ex. en ajoutant un acide comme le vinaigre pour la saumure).
Le nombre d’additifs utilisés a augmenté avec l’importance croissante de la transformation des aliments dans notre chaîne alimentaire depuis le XIXe siècle. Les additifs peuvent être naturels,
identiques aux naturels, ou artificiels. Tous les additifs contenus dans les aliments transformés doivent être autorisés par l’organisme de réglementation national chargé de la sécurité
alimentaire dans chaque pays. La quantité et les types d’additifs contenus dans les aliments sont strictement limités et tout additif doit figurer sur la liste des ingrédients figurant sur
l’emballage. En Europe, les additifs autorisés portent le préfixe « E » d’Europe, par ex. E330 correspond à l’acide citrique. L’acide citrique fut isolé pour la première fois en 1784 par le
chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele, qui le cristallisa à partir de jus de citron.
4.2 Avantages des nouvelles technologies
Nombre des méthodes traditionnelles de conservation entraînent des pertes inévitables de niveaux de nutriments et peuvent avoir des conséquences négatives sur la nature du produit lors de la
transformation. Les technologies récentes, souvent qualifiées de « traitements minimaux », visent à produire des aliments sûrs, d’une qualité nutritionnelle supérieure, et dotés de qualités
organoleptiques et de conservation élevées. Chaque nouveau procédé est testé en profondeur afin de s’assurer que ses effets sur la valeur nutritionnelle sont totalement mesurés.
4.2.1 Traitement aux micro-ondes
Le traitement aux micro-ondes consiste en un chauffage par radiation, par opposition aux techniques plus classiques de chauffage par convection ou par conduction. Les micro-ondes sont transmises
efficacement dans l’eau mais pas par le plastique ni le verre, elles sont reflétées par les métaux. C’est l’oscillation des molécules d’eau dans la nourriture qui entraîne son réchauffement.
L’eau n’étant généralement pas répartie équitablement dans un aliment, il est indispensable de remuer de temps en temps pour assurer un chauffage uniforme et une manipulation sûre de l’aliment.
La cuisson par micro-ondes est une méthode rapide, qui nécessite un ajout réduit d’eau et entraîne par conséquent une perte de nutriments moindre que d’autres formes de cuisson.
4.2.2 Préparation/stockage/conditionnement sous atmosphère modifiée
La préparation en atmosphère modifiée peut être définie comme « l’emballage de produits alimentaires sous film étanche aux gaz dans lequel l’environnement gazeux est modifié ». L’atmosphère dans
laquelle les aliments sont préparés, conditionnés ou stockés subit des modifications contrôlées destinées à inhiber le développement de bactéries. Les gaz employés sont généralement l’oxygène, le
gaz carbonique et l’azote. Ce type de conditionnement peut se faire sous vide ou par l’introduction d’un gaz pendant l’emballage. Une évolution récente de ce procédé consiste à adopter un
conditionnement actif, dans lequel l’atmosphère change en permanence pendant la durée de conservation du produit. Des films absorbant l’oxygène ou émettant du gaz carbonique par exemple peuvent
être utilisés. La réduction des niveaux d’oxygène et l’augmentation du gaz carbonique inhibent la croissance microbienne.
La viande, le poisson et le fromage sont autant de produits qui « ne respirent pas » et qui nécessitent des films très peu perméables aux gaz pour conserver le mélange initial de gaz dans
l’emballage. En outre, l’interaction du film de conditionnement avec le produit est importante pour les produits « qui respirent », tels que les fruits et les légumes. Il est possible d’adapter
la perméabilité au gaz du film d’emballage à la respiration du produit, de manière que l’équilibre du mélange gazeux se fasse dans le conditionnement et que la durée de conservation du produit
soit allongée.
4.2.3 Irradiation
Le traitement par rayonnement ionisant est un type particulier de transfert d’énergie au cours duquel la quantité d’énergie transférée est suffisamment élevée pour provoquer l’ionisation. Il
permet d’agir sur les processus biologiques et de les interrompre afin d’augmenter la durée de conservation des produits frais. Il peut également servir à stériliser les matériaux d’emballage.
Les effets biologiques bénéfiques de l’irradiation sont l’inhibition de la germination, le retardement du mûrissement et l’élimination des insectes. Sur le plan microbiologique, l’irradiation
supprime les microorganismes pathogènes et ceux qui entraînent la détérioration. Le principal avantage de l’irradiation est qu’elle passe dans les aliments, tue les microorganismes, mais
puisqu’elle ne chauffe pas la nourriture, elle n’a qu’un effet marginal sur la composition nutritionnelle. Les protéines et les glucides peuvent être décomposés dans une certaine mesure, mais
leur valeur nutritionnelle en est peu affectée.
La réglementation européenne en matière d’alimentation (1999/2/EC et 1999/3/EC) stipule que le traitement à radiation ionisante d’un aliment est autorisé uniquement si:
- le besoin technologique est raisonnable
- il ne présente aucun danger pour la santé
- il est bénéfique pour les consommateurs
- il n’est pas utilisé en remplacement des pratiques liées à l’hygiène et à la santé ou des bonnes pratiques de fabrication ou agricoles.
Dans le respect de la réglementation européenne, il doit être indiqué clairement sur l’étiquette qu’un aliment est irradié ou contient des ingrédients irradiés.
4.2.4 Chauffage ohmique
Il s’agit d’un traitement thermique au cours duquel la chaleur est générée en interne par le passage en alternance de courants électriques dans l’aliment, lequel agit comme une résistance
électrique. Ce procédé est également connu sous le nom de « chauffage par résistance », ou de « chauffage direct par résistance ». Il ne s’appuie pas sur le transfert d’énergie par des particules
d’eau et il constitue par conséquent un développement important pour chauffer efficacement les aliments à faible teneur en eau et en particules. C’est une méthode à haute température et de courte
durée (HTST) qui limite les possibilités de surtraitement à haute température et les éventuelles pertes de nutriments associées. Un autre avantage du chauffage ohmique est qu’il respecte la
structure délicate de certains aliments, comme les fraises.
4.2.5 Ultra haute pression
La technologie de la haute pression soumet les aliments à des pressions de l’ordre de 100 à 1 000 mégapascal, généralement pendant 5 à 20 minutes. Elle permet l’inactivation des microorganismes,
la modification des biopolymères provoquant par exemple la formation de gel et la conservation de caractéristiques telles que la couleur, la saveur et les nutriments. Elle possède la capacité
unique d’agir directement sur les liaisons non covalentes (comme les liaisons hydrogènes, ioniques et hydrophobiques) sans impact sur les liaisons covalentes, sans recourir à la chaleur. En
conséquence, elle permet de conserver les vitamines, pigments et les composants de saveur tout en inactivant les microorganismes ou les enzymes qui pourraient avoir un effet négatif sur la
fonctionnalité de la nourriture en raison de la détérioration des aliments.
4.2.6 Impulsions lumineuses
Cette méthode recourt à des éclats intermittents de lumière blanche (20 % d’UV, 50 % de visibles et 30 % d’infrarouges) avec une intensité déclarée équivalente à 20 000 fois celle du soleil à la
surface de la Terre. La fréquence standard des pulsations est de un à vingt éclairs par seconde. Celles-ci réduisent fortement la surface des microorganismes lorsqu’elles sont appliquées à la
viande, au poisson et aux produits de boulangerie. Cette technique, idéale pour la décontamination de la surface des matériaux d’emballage, fonctionne mieux sur des surfaces lisses, exemptes de
poussière.
4.2.7 Champs électriques pulsés
Ce procédé implique l’application de courtes pulsations répétées d’un champ électrique à haute tension (10 à 50 kV/cm) sur un fluide pompable circulant entre deux électrodes. Il ne fait pas appel
à l’électricité pour produire de la chaleur, mais il inactive les microorganismes en brisant la paroi et les membranes des cellules exposées à des pulsations à haute tension. Cette technique est
principalement utilisée dans le cas de produits réfrigérés ou à température ambiante. Étant appliquée pendant une seconde ou moins, elle n’entraîne pas le chauffage du produit. C’est pourquoi
elle présente des avantages sur le plan nutritionnel par rapport aux procédés thermiques classiques qui détériorent les nutriments sensibles à la chaleur.
5. Effets de la transformation sur la qualité nutritionnelle
La transformation des aliments peut entraîner une amélioration, ou une détérioration, de leur valeur nutritionnelle. Les procédés de préparation simples dans la cuisine domestique mènent
inévitablement à une dégradation des cellules des aliments végétaux, qui entraîne une dissolution des vitamines et minéraux essentiels. Cependant, si nous prenons garde à la façon dont nous
transformons les aliments et que nous sélectionnons une nourriture transformée diversifiée, celle-ci peut jouer un rôle important dans un régime nourrissant et équilibré. À la différence de
l’environnement domestique, les fabricants ont à leur disposition des méthodes de transformation rapides qui entraînent un minimum de pertes de nutriments. De plus, les procédés auxquels ils ont
recours leur permettent de libérer des nutriments positifs (tels que la lycopène lors de la cuisson des tomates) ou d’éliminer les composants inquiétants (comme les lectines des légumineuses).
5.1 Vitamines et minéraux
Les vitamines sont au nombre de 13 et sont indispensables pour l’organisme en petites quantités. Quatre sont solubles dans la graisse (A, D, E et K), les neuf autres dans l’eau (vitamines des
groupes C et B). Aucun aliment ne contenant toutes les vitamines à la fois, un régime équilibré et varié est indispensable pour un apport adéquat. La transformation affecte les différentes
vitamines de diverses manières. Par exemple, les vitamines solubles dans l’eau ont tendance à être plus sensibles à la transformation et sont souvent partiellement perdues lors des traitements
thermiques. Cependant les nouveaux procédés « non thermiques » tels que le chauffage ohmique ou le traitement à ultra haute pression permettent de préserver les vitamines, car ils soumettent les
aliments à des températures moindres (si elles sont utilisées) et les procédés sont courts. Dans certains cas, les aliments transformés contiennent plus de vitamines que les produits frais. Par
exemple, les légumes surgelés quelques heures après leur cueillette ont une teneur supérieure en vitamine C à celles des légumes frais, car une quantité plus importante de vitamine C est perdue
au cours d’une conservation au réfrigérateur qu’au congélateur.
Les minéraux sont des éléments inorganiques dont notre organisme a besoin en petites quantités, généralement présents en quantités suffisantes dans un régime varié classique. La transformation
peut avoir d’importants effets bénéfiques sur la teneur en minéraux des aliments. Par exemple, les phytates contenus dans les céréales complètes inhibent l’absorption de fer et de zinc mais au
cours de la fermentation sont produits des enzymes qui dégradent les phytates et augmentent l’apport en fer et en zinc dans la pâte.
Divers aliments sont désormais enrichis de vitamines et minéraux en guise de mesure de santé publique. Les céréales pour petit-déjeuner prêtes à consommer contiennent souvent du fer ajouté. Elles
sont ainsi devenues l’une des principales sources de fer dans le régime des jeunes femmes, car leur consommation de viande rouge a chuté (celle-ci contient naturellement des quantités élevées de
fer facilement absorbé). La carence en fer est l’un des manques de nutriments les plus importants en Europe, qui concerne jusqu’à 30 % des jeunes femmes. Les céréales pour petit-déjeuner et les
farines sont additionnées dans certains pays d’acide folique, afin d’augmenter l’apport de folate chez les femmes en âge de procréer. Il est en effet reconnu que le manque de folate au cours de
la grossesse augmente le risque de malformation du tube neural (spina bifida) du fœtus.
5.2 Glucides et fibres
En ce qui concerne les mono et les oligosaccharides, la dégradation qui se produit à des températures jusqu’à celle utilisée dans le traitement UHT est faible, mais plusieurs réactions peuvent
avoir un impact sur la qualité nutritionnelle. Par exemple, certains sucres peuvent voir leur structure moléculaire modifiée pendant le chauffage, ce qui peut affecter leur digestibilité. Cela
peut être avantageux pour diminuer la présence d’oligosaccharides indigestibles (comme le stachyose ou le raffinose présent dans les légumineuses et certains autres aliments) qui entraînent une
flatulence en cas de consommation importante.
Une étude approfondie est en cours pour connaître les effets de la transformation sur la solubilité et la digestibilité de certaines fibres et amidons comme l’amidon résistant. Une faible
digestibilité peut s’avérer avantageuse car il a été démontré que les glucides à libération lente peuvent réduire l’augmentation des taux de sucre et d’insuline dans le sang consécutive à un
repas. Ces taux excessifs sont associés au développement d’une résistance à l’insuline, précurseur du diabète de type II. Il a été démontré que la cuisson-extrusion augmente la « solubilité » des
fibres. Les fibres solubles telles que le β-glucane peuvent réduire les niveaux de cholestérol, diminuant ainsi le risque de maladies cardiovasculaires.
5.3 Matières grasses et protéines
La plupart des graisses sont relativement stables lors de leur transformation. Cependant, les acides gras non saturés sont enclins à s’oxyder et à rancir pendant leur stockage. Le conditionnement
en atmosphère modifiée, le conditionnement additionné d’antioxydants et le conditionnement aseptique peuvent augmenter considérablement la durée de stockage, et réduire ces préoccupations.
Les protéines sont généralement dénaturées à des températures élevées, ce qui peut avoir un impact négatif sur la structure des aliments. Cela peut toutefois s’avérer avantageux sur le plan
nutritionnel en raison de l’augmentation de la digestibilité des protéines. De nouvelles recherches passionnantes montrent également que les méthodes plus récentes de transformation des aliments,
telles que la haute pression, l’application de champs électriques ou l’irradiation peuvent avoir une incidence sur les allergènes alimentaires. La destruction de protéines antinutritionnelles
telles que l’avidine dans les œufs crus est bénéfique pendant la transformation car elle permet l’absorption de nutriments autrement liés. En effet, l’avidine se lie fortement à la biotine dans
les œufs crus et, se faisant, bloque l’absorption de cette vitamine B. La liaison est éliminée lorsque l’avidine est dénaturée par le chauffage.
6. Pourquoi les aliments transformés sont-ils si importants pour la société moderne ?
Il est difficile de nos jours d’avoir un régime alimentaire basé uniquement sur des aliments frais, on transformés. La majeure partie des besoins alimentaires de notre famille est comblée par des
produits transformés qui apportent de la variété à notre alimentation et ont un aspect pratique indéniable. Les aliments transformés permettent aux consommateurs de faire des courses moins
fréquemment et de stocker une grande diversité d’aliments à partir desquels préparer des repas variés et nourrissants.
De nombreux aliments transformés sont tout aussi nourrissants, voire dans certains cas plus, que les aliments frais ou cuisinés à la maison, selon la façon dont ils sont transformés. Par exemple,
les taux de folate et de thiamine des haricots survivent mieux à la mise en conserve qu’au long trempage et à la cuisson nécessaires pour préparer les haricots s’ils sont secs. Les légumes
surgelés sont généralement transformés quelques heures après la cueillette. La perte de nutriments est faible lors du processus de congélation et les légumes conservent des teneurs élevées en
vitamines et minéraux. Les légumes frais, quant à eux, sont cueillis puis transportés au marché. Il peut s’écouler plusieurs jours ou semaines avant qu’ils atteignent notre table, et les
vitamines sont progressivement perdues, quel que soit le soin avec lequel les légumes sont transportés et stockés. Le poisson en conserve est une bonne source de calcium, car il est souvent mis
en boîte avec les arêtes et le traitement les ramollit et les rend plus comestibles.
La consommation de divers aliments, qu’ils soient frais, surgelés, en boîte ou autre permet aux consommateurs d’absorber les apports quotidiens recommandés. Par exemple, les fruits en boîte, les
jus et les smoothies, ainsi que les légumes surgelés représentent les « 5 portions de fruits et légumes par jour » préconisées. Les maîtres mots pour les consommateurs sont équilibre et variété.
Aucun aliment ne fournit à lui seul suffisamment de nutriments pour survivre, et toutes les méthodes de transformation ont un impact différent sur les nutriments.
7. Points essentiels concernant la transformation des aliments
- L’être humain transforme les aliments - en les conservant pour une utilisation ultérieure et pour garantir leur sûreté - depuis des siècles.
- La transformation des aliments permet d’augmenter la durée de conservation d’aliments périssables, ce qui élargit le choix et diminue la dépendance aux saisons.
- Les pertes lors du stockage des aliments frais sont généralement supérieures à celles associées à la transformation, cette dernière pouvant améliorer la valeur nutritionnelle de certains
aliments.
- L’adjonction de nutriments aux aliments et boissons est adoptée à travers le monde en tant que mesure de santé publique. C’est un moyen économique de garantir la qualité nutritionnelle de
l’alimentation.
- Les fruits et légumes en boîte, frais et surgelés apportent tous les nutriments qui contribuent à une alimentation saine. La consommation exclusive de fruits et légumes frais ne permet pas de
bénéficier des avantages nutritionnels fournis par les aliments transformés, qui comprennent la nourriture industrielle et les aliments préparés à la maison.
Références et bibliographie
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MacEvilly, C. and Peltola, K. (2003). The effect of agronomy, storage, processing and cooking on bioactive substances in food. In Plants, Diet and Health Ed. Gail Goldberg. Blackwell
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Nutrition and Food Processing. British Nutrition Foundation Briefing Paper 1999.
Paschke A. (2009). Aspects of food processing and its effect on allergen structure. Molecular Nutrition & Food Resea
http://www.eufic.org/article/fr/technologie-alimentaire/preparation-aliments/expid/avantages-aliments-transformes/
Un article de ministre!!!! Très intéressant , je navais pas connaissance de certains détails , j'avais une vue d'ensemble. Tu as du mérite d'avoir fait un tel article.Belle soirée, bisous Nadine