Un grand nombre de patients diabétiques rencontre des problèmes d’érection. Ils n’osent souvent pas en parler à leur médecin, alors qu’il existe aujourd’hui des traitements efficaces. Le point avec le docteur Nicolas von der Weid, diabétologue.
Par Patricia Bernheim
Quelle est la définition médicale de la dysfonction érectile?
C’est une incapacité persistante d’obtenir et/ou de maintenir une érection, c’est-à-dire une rigidité suffisante du corps caverneux du pénis pour permettre le déroulement satisfaisant du rapport sexuel. Pour que le diagnostic de dysfonction érectile soit établi, il faut que les troubles rencontrés par le patient soient présents depuis plus de trois mois ou récidivants.
Quelles en sont les causes?
Avant, on pensait que les 95% d’entre elles étaient d’origine psychologique. Aujourd’hui, on sait que 25% sont d’origine psychologique, 45% ont une part psychologique et organique, et 25% sont purement organiques. Parmi ces dernières, 40% sont d’origine vasculaire, 30% sont le fait du diabète (ce dernier étant souvent accompagné de problèmes vasculaires), 3% ont une cause purement endocrinienne, 6% surviennent à la suite d’une opération de la prostate ou de radiations, 10% suite à des maladies neurologiques et 15% à cause de médicaments qui peuvent aggraver la fonction érectile.
Le diabète est donc une cause fréquente?
C’est un grand pourvoyeur de dysfonctions sexuelles. Il est la première cause organique des troubles de l’érection. On estime que 50% à 75% des hommes atteint d’un diabète de type 1 ou 2 sont touchés. Mais cela varie avec l’âge. Entre 20 et 30 ans, ils sont 10%. Lorsque le diabète a plus de dix ans, le chiffre peut atteindre les 50%.
Comment l’explique-t-on ?
Avoir une bonne fonction érectile est compliqué: il faut un système endocrinien, un système neurovégétatif et un endothélium (la couche de cellules qui tapisse l’intérieur des vaisseaux et du cœur) intacts. Or, chez les diabétiques, l’ensemble du réseau artériel est atteint. En outre, dans les diabètes de type 2, l’excès de graisse génère l’augmentation d’une enzyme qui convertit les testostérones (hormones masculines) en œstrogènes (hormones féminines). C’est dire la dimension du problème.
Pourtant, on en parle très peu…
Certains patients abordent le problème dans l’intimité du cabinet. S’ils ne le font pas, j’essaie de leur poser la question et de les inciter à en parler puisqu’il existe des traitements. Il faut savoir choisir le moment: c’est parfois plus difficile pour eux d’en parler en présence de leur compagne.
En quoi consiste la prise en charge?
Dans un premier temps, on procède à un examen complet pour détecter un éventuel problème vasculaire et entreprendre de le traiter. On préconise aussi d’arrêter de fumer. On va équilibrer le diabète, qui a un effet fâcheux sur les nerfs. On va également faire un dosage hormonal pour exclure un problème de testostérone et, le cas échéant, le traiter par une compensation sous forme d’injections ou de gel. On éliminera les médicaments qui pourraient causer des problèmes sur le plan de la fonction érectile, comme c’est le cas avec certains traitements contre l’hypertension, les maladies cardiaques, les allergies, la dépression, l’anxiété, et on les remplacera par d’autres ne présentant pas ces effets secondaires.
Vous abordez aussi l’aspect psychologique?
C’est bien sûr l’un des facteurs qu’il convient également d’évaluer. Les problèmes de couple sont plus fréquents qu’on ne l’imagine. Le diabète est souvent associé à une dépression parce que c’est une maladie chronique, douloureuse, contraignante. Cela a inévitablement des répercussions sur le couple.
Une fois ces paramètres réglés, que faire si la dysfonction sexuelle persiste?
Aujourd’hui, dans la plupart des cas, ces troubles se traitent efficacement grâce à des vasodilatateurs. Le Cialis®, le Viagra® et le Levitra® ont représenté une véritable révolution. Ces médicaments, qui ont à peu de chose près les mêmes propriétés, agissent en permettant l’afflux de sang dans le corps caverneux, donc en provoquant une rigidité durable du muscle pénien. L’érection est ainsi amplifiée et maintenue plus longtemps. Mais ce ne sont pas des aphrodisiaques: ils ne font qu’aider en agissant comme un catalyseur. Si l’homme n’éprouve pas de désir, il n’aura pas d’érection. Par ailleurs, il peut arriver que les problèmes vasculaires ou neurovégétatifs soient tels que cela ne fonctionnera pas.
Existe-t-il d’autres solutions?
On peut proposer des dispositifs mécaniques, les pompes à vide, ou l’implant de prothèses sophistiquées. Mais celles-ci sont réservées aux situations extrêmes, elles sont très coûteuses (entre 8000 fr. et 30 000 fr.) et non remboursées par les assurances-maladie.
Que peut-on faire sur le plan de la prévention?
Equilibrer son diabète et arrêter de fumer peuvent apporter des améliorations. Perdre du poids aura aussi des effets favorables, tout comme avoir une activité physique régulière.
Les traitements médicamenteux sont chers (20 fr. le comprimé). Que pensez-vous des offres que l’on trouve sur l’internet?
Il vaut mieux passer par la voie traditionnelle, c’est-à-dire le médecin traitant et la garantie du pharmacien, parce qu’il existe des contre-indications pour ces traitements. Les prendre sans avoir fait un bilan médical et sans être suivi peut être dangereux. Par ailleurs, personne ne sait ce que contiennent exactement les comprimés que l’on peut acheter sur l’internet.
Des pannes fréquentes
Les troubles de l’érection sont fréquents. En Suisse, on estime que 39% des hommes ont occasionnellement des problèmes d’érection et 11% au moins une fois sur deux. Or, par pudeur ou parce qu’ils pensent qu’il n’existe aucun traitement, les hommes ne consultent pas. Le risque est alors d’entrer dans un cercle vicieux: un trouble de l’érection momentanée entraîne une anxiété lors des rapports, qui peut elle-même générer le développement d’un trouble permanent.
On estime qu’entre 70% et 80 % des troubles érectiles sont liés à des maladies. Le diabète est la cause la plus fréquente, mais le tabac, les traumatismes de la moelle épinière, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, les maladies hormonales, l’hypertension artérielle et les traumatismes de la colonne vertébrale et du bassin sont aussi à l’origine de pannes sexuelles.
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