Des tartines à l'omelette servies avec une bonne odeur de sachet en plastique... Cette madeleine de Proust très voyage scolaire a traumatisé plus d'un enfant. Allez, on rembobine et on efface tout, il serait dommage de rester sur cette impression. L'oeuf est un aliment démocratique plein de potentiel. Constitué à plus de 90% d'eau, il nécessite qu'on le bichonne, qu'on en soigne la cuisson et surtout qu'on s'y intéresse pour en comprendre les arcanes.
Avant la cuisson
Le premier réflexe à avoir lorsqu'on achète un oeuf, c'est d'examiner le code qui est imprimé sur la coquille. Celui-ci commence par un chiffre qui répond à une norme européenne. Son intérêt ? Préciser le mode d'élevage. C'est crucial.
L'oeuf en question peut être "issu de poules élevées en plein air" (chiffre 1), c'est-à-dire que l'infrastructure de production doit permettre aux poules l'accès à un espace extérieur partiellement couvert de végétation - chacune de celles-ci disposant d'au moins 4 mètres carrés sur ledit parcours extérieur, tandis que pour l'intérieur, la densité maximale autorisée est de 9 poules par mètre carré.
L'oeuf "bio" (chiffre 0) apporte les garanties de l'oeuf de plein air, avec en plus l'assurance d'une alimentation biologique à 90%.
L'oeuf "issu de poules élevées au sol" (chiffre 2) révèle que, malgré que les poules ne soient pas élevées en cage, c'est déjà ça, elles n'ont pas la possibilité de sortir - là aussi, 9 poules par mètre carré est la densité maximale autorisée. "Issu de poules élevées en cage" (chiffre 3) renvoie aux tristement célèbres "batteries" et à l'élevage intensif. En clair, un lieu à mi-chemin entre le goulag et le camp de concentration de la volaille. Autant dire que le choix 0 ou 1 est vite fait... Enfin, c'est vous qui voyez.
La suite du code figure le pays producteur - BE pour la Belgique, FR pour la France... - ainsi qu'une série de chiffres qui aident à la traçabilité, numéro d'enregistrement du producteur, suivi parfois du numéro du hangar - là, on aurait aimé écrire "poulailler".
Petite astuce, il n'est pas inutile de jeter un oeil sur le code même dans les marchés où ceux-ci sont vendus en vrac, histoire de ne pas se laisser piéger par le vendeur mal intentionné qui recycle les oeufs achetés en grande surface. La seule exception à la présence de ce code est le cas de figure qui consiste à aller s'approvisionner sur le lieu de production.
Les plus fins observateurs auront noté la présence d'un "Classe A" sur les boîtes d'oeufs. Il s'agit de normes prévues par la loi pour que les oeufs soient vendus en magasin. Les oeufs de "Classe B" sont achetés par l'industrie alimentaire.
Autre élément important à tenir à l'oeil : la fraîcheur. C'est un truisme mais plus un oeuf est frais, meilleur il est. La mention "extra-frais" indique que l'oeuf a moins de 9 jours et qu'il a été emballé au maximum 7 jours plus tôt. Au-delà de cela, l'oeuf est simplement "frais".
Que faire dans le cas très rare où aucune date limite de consommation ne figure ? Un truc infaillible existe, il faut le plonger dans l'eau. S'il coule, il est frais. S'il remonte, c'est que la chambre à air qui se trouve dans l'oeuf, entre les deux membranes, a eu tout le temps de se développer. L'oeuf n'est donc plus frais.
Il n'est pas inutile de savoir que les oeufs utilisés en cuisine - du moins en Europe - ne sont pas fécondés - il n'y a pas de coq dans les élevages -, on considère qu'ils doivent être consommés dans les 28 jours après la ponte. En Asie, certains oeufs fécondés peuvent être conservés pendant plusieurs mois dans un mélange de chaux, de riz et de cendre. On appelle cela "les oeufs de cent ans".
Et les couleurs ?
Intrigué par la couleur des oeufs ? Un coup d'oeil attentif met fin à un mythe : le blanc de l'oeuf est en fait jaune pâle et le jaune est carrément orange. La couleur du jaune en question n'a aucune influence sur la qualité de l'oeuf, celle de la coquille non plus. Un oeuf brun n'est pas meilleur ou plus naturel qu'un oeuf blanc. Il faut aussi savoir qu'un jaune "bien orange" a de fortes chances d'avoir été coloré avec des pigments de synthèse - une pratique autorisée et courante.
Quant à la taille de l'oeuf, elle est en rapport avec l'âge de la poule, les gros oeufs proviennent de poules plus âgées. Il existe une classification basée sur le poids : petit (S) soit moins de 53g ; moyen (M) soit entre 53 et 63g ; gros (L) soit entre 63 et 73g ; très gros (XL) plus de 73g. On ne perdra pas de vue que le poids d'un oeuf influe sur son temps de cuisson.
Frigo ou température ambiante ?
Qu'en est-il de la conservation de l'oeuf ? La question fait débat, deux écoles s'affrontent. La première pense qu'ils se conservent à température ambiante car la coquille fabrique sa propre résistance à la pénétration des microbes. Pour les tenants de cette thèse, l'oeuf perd sa saveur au contact du froid. A l'inverse, la seconde estime qu'il est impératif de les stocker au réfrigérateur après l'achat.
On fait quoi ? On joue la sécurité, c'est-à-dire le froid, car à la clé, il y a un risque de salmonelles. Certains conditionnements de supermarchés recommandent de stocker les oeufs au frigo après l'achat. La fréquence de la contamination in utero des oeufs par ces bactéries serait de l'ordre de 2 par million. En revanche, la contamination de la coquille est fréquente. Elle justifie certaines précautions quant aux méthodes de cassage : ne pas laver la coquille car elle est enduite d'une protection naturelle contre les bactéries, ne pas consommer les oeufs fêlés, se laver les mains après le contact avec la coquille, ne jamais toucher le blanc ou le jaune en cassant l'oeuf, manger rapidement les oeufs après la préparation, ne pas tenir des oeufs au chaud pendant plus de deux heures.
La prochaine fois, on vous parle de sa cuisson...