DIABETE
DEFI
Association 3 D
DIALOGUE
Le vendredi 2 décembre, l'association 3D, une association regroupant les parents et jeunes diabétiques, suivis par la consultation des Cliniques
Universitaires Saint Luc, organisait une soirée-conférence sur le thème « l'Adolescent face à son diabète ». Le thème de la soirée s'articulait autour de cinq approches : le point de vue
médical, le point de vue psychologique, le point de vue diététique, le point de vue de l'éducation au traitement et, last but not least, deux jeunes adultes ont partagé leur vécu par rapport à
leur diabète durant leur adolescence.
Le point de vue du médecin
(par le professeur Maes)
Pour le jeune, l'adolescence constitue un défi important : il doit se construire une nouvelle
identité. Ce défi est pour l'adolescent diabétique d'autant plus important qu'il doit, en plus,
intégrer et gérer son diabète en tant qu'adolescent.
Pourquoi parle-t-on d'un défi ?
L'adolescence est une période de transformation importante pour le corps (préparation à
l'âge adulte). Cette transformation a lieu sous l'influence de plusieurs hormones, qui, à leur
tour, vont influencer l'équilibre de la glycémie : l'adolescent éprouvera à la fois plus d'épisodes
d'hyperglycémies et d'hypoglycémies. De plus, à la puberté il existe une poussée de croissance
importante avec une augmentation importante de l'appétit pour faire face à des besoins énergétiques accrus (voir : le point de vue de la diététicienne).
Pour certains adolescents, et en particulier les jeunes filles, l'augmentation de l'appétit peut mener à l'excès de poids voire à l'obésité.
Les résultats du DCCT (Diabetes Control and Complications Trial, 1994) ont clairement démontré le bénéfice d'un traitement intensif suivi par des adolescents
diabétiques motivés et
bien informés. Quel que soit le niveau d'hémoglobine glycatée de départ, les bénéfices d'un
traitement bien suivi sont importants: chaque diminution de 1 % de l'hémoglobine glycatée
entraîne une diminution de 30 à 40% du risque des complications à long terme de type ophtalmologique et rénal. Même si le degré de contrôle de l'équilibre glycémique
se relâche
par la suite, il persiste un bénéfice à long terme pour l'adolescent dont le diabète était mieux
équilibré pendant l'adolescence. En effet, il a été démontré que les adolescents dont le diabète
était bien équilibré pendant 6 - 7 ans (étude DCCT) et qui était ensuite moins bien
équilibré pendant une période de 4 ans couraient deux fois moins de risque de développer
une atteinte de la rétine que les adolescents qui durant l'étude DCCT étaient moins bien équilibrés
et ceci malgré une amélioration ultérieure de l'équilibre du diabète. Tout se passe comme
si le corps gardait la mémoire du degré de contrôle glycémique antérieur. Durant l'adolescence,
le diabète sera en principe plus difficileà équilibrer sous l'influence de facteurs tels que
l'hormone de croissance (qui augmente la résistance à l'insuline, et la rend « moins efficace »),
la prise de poids (surtout chez les jeunes filles), et, comme nous l'avons déjà écrit, l'augmentation
des épisodes d'hypoglycémies sévères. A l'âge l'adulte, ces facteurs (défavorables) disparaîtront,
et le diabète sera moins compliqué à gérer.
Le point de vue de la psychologue
(Madame Jodogne, membre de l'équipe pluridisciplinaire)
Avant d'être diabétique, l'adolescent est une personne, un adolescent comme les autres,
mais qui apprend à vivre avec une maladie difficile à vivre et à penser.
Difficile à vivre, parce que la maladie est contraignante dans la vie de tous les jours.
Difficile à penser, parce qu'à moins d'être malade, le pancréas n'évoque pas grand-chose.
De plus, cette maladie est pleine de contradictions, en particulier à l'adolescence :
• Elle est indolore, et progresse de manière insidieuse, alors que le traitement peut être
perçu comme douloureux et très visible.
• Elle est incurable, et quelquefois incontrôlable.
• L'adolescent évolue vers l'autonomie; il construit son identité, alors qu'il doit se soumettre
à un suivi régulier avec le diabétologue et qu'il y a un contrôle des parents.
L'adolescent se pose beaucoup de questions autour de sa maladie. Il peut perdre confiance
en la vie et douter de ses propres possibilités.
Avant toute chose, il voudrait vivre comme les autres, il a besoin de se sentir comme le
groupe de pairs, alors qu'il lui arrive de devoir faire ses soins devant les autres, de ne pas
manger, ni boire comme eux. A l'inverse, il peut choisir de cacher sa maladie, avec les risques
de provoquer des hyperglycémies plus fréquentes.
Comment comprendre et accompagner les difficultés d'adhésion au traitement ?
• en fixant des objectifs réalistes, en faisant des compromis (par exemple, rester rigoureux
pour le traitement à l'insuline, mais lâcher du lest en ce qui concerne le régime),
• en étant vraiment à l'écoute des ados, en ne les jugeant pas,
• en leur faisant confiance : il faut trouver, avec eux, les moyens pour que cette autonomie soit
possible.
• en les respectant : les proches doivent comprendre que ce diabète, c'est celui du jeune ; la
manière dont les adolescents le gèrent doit être entendue et respectée.
Le point de vue de la diététicienne
(Madame De Gorter, membre de l'équipe pluridisciplinaire)
L'éducation alimentaire
Le rôle des familles est d'aider l'ado à structurer sa manière de manger. L'anarchie alimentaire
n'étant souhaitable pour personne, toute la famille peut retirer du bénéfice d'une alimentation
saine.
Quels sont ces repères familiaux ?
• le rythme des repas : quand on saute un repas, on s'expose à des moments de faim importants, qui font que les ados se jettent sur n'importe quoi, ce « n'importe
quoi » étant évidemment
riche en glucides rapides et en graisses.
• Il y a moyen de faire plaisir aux ados à table.
Pensons aux repas exotiques, souvent variés, riche en fibres, …
Les jeunes, curieux de tout, seront ravis !
• Le moment du repas n'est pas le moment de régler ses comptes en famille….
Quid des boissons ?
L'eau reste évidemment la meilleure des boissons.
Les sodas sucrés sont parfaits en cas d'hypoglycémies, mais déconseillés en d'autres circonstances. Les boissons « light » n'ont pas d'effet sur la glycémie et
sont une alternative
intéressante pour les moments festifs.
Les sodas de couleur brune contiennent de l'acide phosphorique, qui « pompe » le calcium des os,
et devrait être consommé avec modération.
Particularités de l'ado et erreurs de régime :
Comme nous l'avions déjà décrit, l'adolescent verra son appétit augmenter, car ses besoins énergétiques sont importants. Pour combler ces besoins, il conviendra de
choisir les aliments qui ne sont pas trop hyperglycémiants : par exemple, le pain au petit déjeuner offrira une plus
grande sensation de satiété, par opposition aux céréales sucrées, devant lesquelles le jeune aura vite tendance à augmenter les rations.
Délicieux, rafraîchissants, et pleins de vitamines, les fruits ont toute leur place lors des collations, en toute saison.
Les erreurs de régime qui se rencontrent souvent chez les jeunes filles en consultation se marquent par des régimes hypocaloriques sévères qui n'engendrent que des
frustrations, au risque de craquer en fin de journée … avec des conséquences sur la glycémie.
Et le sport ?
On n'insistera jamais assez sur la place importante du sport, sous toutes ses formes, pour les adolescents. Outre l'effet bien connu sur l'équilibre du diabète, il
est apprécié par ceux qui aiment les aliments hyperglycémiants, car, à l'occasion d'une activité sportive, l'effet hyperglycémiant
ne sera pas ou peu marqué.
Le point de vue de l'infirmier en éducation pour la santé
(Madame Davin et Monsieur Thierry Barrea, infirmiers spécialisés en éducation pour le diabète, membres de l'équipe
pluridisciplinaire)
La période de l'adolescence est marquée par la préparation à l'autonomie pour la prise en charge du diabète ; cela se concrétise, à 18 ans, par le changement de prise
en charge en ce qui concerne l'équipe pluridisciplinaire, pour des raisons de changement de convention. Pour que cette transition se passe le mieux possible, elle devra se préparer bien avant la
date du dix-huitième anniversaire, en concertation avec le jeune.
Dans une étude réalisée il y a trois ans par Mme Davin, il ressort que, si 3/4 des jeunes vivent bien ce changement d'équipe (ils disent avoir reçu un bon accueil sur
le plan médical, avoir été écoutés et que le changement de traitement - passage à 4 injections d'insuline ou plus - était bien
perçu), 1/4 disent avoir eu de la peine à s'adapter.
Ceux qui n'avaient pas bien vécu ce changement évoquaient les raisons suivantes : la difficulté d'obtenir des rendez-vous à cause de la longueur des délais, la
difficulté d'obtenir des résultats d'examens, le manque de disponibilité des médecins, la difficulté d'être suivi par un assistant qui
change de poste tous les 6 mois, et, pour finir, la résistance au changement.
Quelles pistes pour améliorer cette transition ?
Une réunion annuelle sera organisée à l'attention des jeunes qui vont changer d'équipe multidisciplinaire, au cours de laquelle les différents membres de l'équipe
seront présentés,
ainsi que des tables rondes, autour de sujets intéressant particulièrement les jeunes adultes.
Le point de vue de deux jeunes adultes, ayant accepté de partager leur expérience d'ex-ado :
Il s'agissait d'une discussion de questions-réponses, où les membres du public ont interpellé les jeunes adultes sur des questions aussi diverses que celle que nous
vous livronspêle-mêle ci-dessous :
• Quelle est l'interférence du diabète dans vos études ?
Réponse : nulle
• Quelle est la possibilité de vivre en kot ?
Réponse : c'est parfaitement possible, mais il est important d'avoir un(e) ami(e) sur qui on
peut compter et qui soit parfaitement au courant de la maladie.
Pour ce qui est de la consommation d'alcool, il faut souligner que les hypoglycémies, survenant
à distance, sont quelquefois redoutables.
En plus, en fonction des alcools ingérés, les résultats sont difficiles à prévoir (hyper ou hypo).
• Qu'en est-il du rôle des parents ?
Réponse : on attend d'eux qu'ils nous aident sur le plan pratique (gestion des hypo), mais
qu'ils n'interfèrent pas trop.
On se rend compte que le diabète est parfois plus difficile à accepter pour les parents que
pour les jeunes. A partir de quinze-seize ans, il est important de pouvoir rencontrer le pédiatre en l'absence des parents. Cette transition-là devra aussi s'opérer
en douceur. A cette occasion, des questions autour de la sexualité, de l'hérédité et de la grossesse pourront être discutées.
• Ce qui vous a aidé pour gérer votre vie avec le diabète ?
Réponse : le sport, pour évacuer les tensions et un entourage sympa.
Cette soirée s'est clôturée par le verre de l'amitié : parents et jeunes, venus nombreux, ont pu se retrouver dans une ambiance sympa pour partager à leur
tour, leurs propres expériences avec leur maladie et le défi quotidien qu'ils y relèvent.
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